Citations sur Les illusions du progrès : Suivi de L'avenir socialiste.. (12)
La grande erreur de Marx a été de ne pas se rendre compte du pouvoir énorme qui appartient à la médiocrité dans l’histoire ; il ne s’est pas douté que le sentiment socialiste (tel qu’il le concevait) est extrêmement artificiel ; aujourd’hui, nous assistons à une crise qui menace de ruiner tous les mouvements qui ont pu être rattachés idéologiquement au marxisme.
Or, au fur et à mesure que nous avons considéré des régions dans lesquelles notre intelligence se manifeste plus librement, nous avons reconnu que la médiocrité exerce son empire d’une manière plus complète.
Ce que dans cette étude on a appelé du nom péjoratif de médiocrité, est ce que les écrivains politiques nomment démocratie ; il est donc démontré que l’histoire réclame l’introduction de la démocratie.
Dans la formation des grosses fortunes actuelles, les spéculations à la Bourse ont joué un rôle bien autrement considérable que les heureuses innovations introduites dans la production par d’habiles chefs d’industrie. Ainsi la richesse tend de plus en plus à apparaître comme étant détachée de l’économie de la production progressive et elle perd ainsi tout contact avec les principes du droit civil.
L’expérience paraît montrer que les abus de pouvoir commis au profit d’une aristocratie héréditaire sont, en général, moins dangereux pour le sentiment juridique d’un peuple que ne sont les abus provoqués par un régime ploutocratique ; il est absolument certain que rien n’est aussi propre à ruiner le respect du droit que le spectacle de méfaits commis, avec la complicité des tribunaux, par des aventuriers devenus assez riches pour pouvoir acheter les hommes d’État.
Il suffit de regarder autour de nous pour reconnaître que la démocratie est une école de servilité, de délation et de démoralisation.
Nous sommes descendus aux boniments électoraux, qui permettent aux démagogues de diriger souverainement leur armée et de s’assurer une vie heureuse ; parfois d’honnêtes républicains cherchent à dissimuler l’horreur de cette politique sous des apparences philosophiques, mais le voile est toujours facile à déchirer.
Aujourd’hui les catholiques sociaux voudraient que le clergé organisât des associations à la fois éducatives et économiques, propres à amener toutes les classes à comprendre leurs devoirs sociaux. L’ordre que les audaces du capitalisme troublent gravement, suivant leur petit jugement, arriverait à se rétablir.
En définitive, toute cette religion sociale manquait de valeur religieuse ; les catholiques sociaux songent à faire rétrograder le christianisme vers cette médiocrité.
Nous assistons à un spectacle qui paraît, au premier abord, paradoxal : des savants qui ont rejeté tout ce que l’Église considère comme formant le dépôt de la foi, prétendent cependant demeurer dans l’Église.
Les personnes religieuses vivent d’une ombre. Nous vivons de l’ombre d’une ombre. De quoi vivra-t-on après nous ?
Un clergé, plus ou moins incrédule, qui travaille de concert avec les administrations publiques, pour améliorer le sort des hommes ; voilà ce dont se contente fort bien la médiocrité.
Le spectacle écœurant donné au monde par les écumeurs de la finance et de la politique explique le succès qu’obtinrent assez longtemps les écrivains anarchistes.