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sur 233 notes
Le récit s'ouvre sur une vision apparue à l'auteure, une scène terrible, l'interrogatoire d'une femme accusée de sorcellerie, des instruments de torture en métal chauffés en blanc, un inquisiteur menaçant. Un autre siècle. Quoi que ... Cette vision tourne à l'obsession et lance l'enquête d'Isabelle Sorente sur les chasses aux sorcières des XVI-XVIIème siècles. Jusqu'à un télescopage temporel.

Si la figure de la sorcière dans l'historiographie féministe est classique et largement abordée ces dernières années, la thèse du complexe de la sorcière est très neuve et audacieuse.

« le complexe de la sorcière serait ce soupçon permanent de soi instillée aux femmes torturées, ou aux femmes témoins de la torture d'autres femmes de leur famille ou de leur entourage. L'interdir portant sur la vérité, qu'elles ne peuvent ni chercher ni dire, sous peine de torture. (...) Comment l'Inquisiteur, avec une majuscule, l'Inquisiteur a pu être assimilé, intériorisé, enfoncé à coups de marteau, imprimé au fer rouge, puis oublié mais conservé à l'intérieur de la psyché comme un corps étranger après une opération chirurgicale, transmis de mère en fille et de grand-mère en petite fille, comme un juge toujours en exercice, toujours prêt à mettre en doute, à haïr et à condamner la conscience d'une femme ».

L'idée du empreinte psychologique transgénérationnelle, des chasses aux sorcières ayant laissé une empreinte occulte dans la psyché des femmes, d'un inquisiteur intérieur « hérité » depuis des siècles est séduisante sur le papier.
La difficulté avec les romans à thèse, c'est que pour les apprécier totalement, il faut adhérer à leur postulat de départ. Et dans ce cas-là, je n'ai jamais été convaincue par les aller-retours, les parallèles entre la sorcière d'hier et la femme d'aujourd'hui qui en subirait l'empreinte.

Bien sûr que les femmes du XXIème doivent lutter contre leur inquisiteur intérieur, mais les passerelles entre leurs difficultés actuelles ( injonction à la minceur, mépris des femmes seules, peur des vieilles femmes, autocensure, peur de dire son ressenti profond ) et les sorcières m'ont semblé calquées un peu artificiellement.

Là où j'ai été convaincue, c'est lorsque Isabelle Sorente évoque son adolescence douloureuse en oubliant ses sorcières. Ses mots, tout en retenue et dignité, sont justes et vibrant d'émotions pour dire le harcèlement scolaire très violent qu'elle a subi durant tout le collège. L'éclairage genré sur la réaction des parents est très pertinent : le fils qui s'est fait attaqué une fois dans la cour se voit offrir par le père un cours de self-défense, là où elle, la fille, reçoit de la mère « oui, ça m'est déjà arrivé » et puis c'est tout.

Certes je n'ai pas adhéré à la thèse de l'auteure mais cette dernière fait montre d'une belle réflexion, on sent derrière chaque page une pensée vive qui fouillent les failles de notre société en livrant son expérience personnelle avec une grande sincérité.

Lu dans le cadre de Cercle livresque Lecteurs.com
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La narratrice, la quarantaine, est poursuivie par la vision d'une sorcière. Intriguée, elle se lance dans une recherche documentaire sur les persécutions dont furent victimes quantité de femmes en Europe au prétexte de sorcellerie. Simultanément, lui reviennent en mémoire de douloureux souvenirs de son adolescence, traumatisée par plusieurs années de harcèlement scolaire.


Dès les premières lignes s'installe le sentiment de parcourir un récit autobiographique, mêlé à une réflexion sur l'hypothèse d'un lien entre une expérience de harcèlement vécue par la narratrice, et les traces qu'aurait laissées la persécution des sorcières, autrement dit des femmes, dans nos esprits modernes.


J'aurais bien aimé profiter davantage des investigations de l'auteur sur le thème des chasses aux sorcières, et trouver dans ce livre une analyse plus aboutie et mieux argumentée de ce qui a les a motivées. Sur ce point, j'avais trouvé bien plus intéressant l'épilogue de la trilogie des Dames de Brières de Catherine Hermary-Vieille : alors oui, les sorcières ont été inventées par peur de la différence et par volonté de soumettre les femmes trop indépendantes au pouvoir masculin et religieux.


Et oui, peut-être peut-on, à la rigueur, y voir une vague similarité avec les processus actuels de rejet de la différence au travers du racisme, de l'homophobie, de la misogynie, du harcèlement : la différence n'est toujours pas comprise ni acceptée de tous, elle génère encore des comportements violents et de la persécution.


Mais de là à affirmer, sans autre argument qu'une vision persistante, que nos comportements actuels sont inconsciemment influencés par les chasses aux sorcières vieilles de quatre siècles, qu'au travers de l'épigénétique nous en avons tous hérité un traumatisme qui impacte nos comportements, qu'en l'homme sévit un inquisiteur en puissance et que les femmes sont désormais conditionnées au rôle de victimes brisées psychologiquement, ce qui expliquerait le harcèlement subi par la narratrice adolescente, il y a un raccourci qui prête presque à rire.


Les souffrances et les séquelles psychologiques de la protagoniste du livre, son douloureux parcours vers la reconstruction au travers d'une longue psychanalyse, ne peuvent qu'émouvoir et éclairer la nécessité de rompre le silence qui entoure encore souvent les drames du harcèlement, aujourd'hui démultipliés par les réseaux sociaux. L'on comprend le mal-être de l'adulte qui a dû se construire sur cette blessure, mais l'on s'inquiète de le voir s'accrocher à ce qu'on pourrait qualifier d'élucubrations, pour tenter de parvenir à l'équilibre. La narratrice s'intéresse à toutes les théories d'analyse psychologique, dont notamment les très récentes épigénétique et psychogénéalogie, et à toutes les pratiques de développement personnel à la mode, dont la méditation et les retraites sous la férule d'un maître zen. Elle semble avoir tiré de sa quête un étrange salmigondis de convictions parfois fantaisistes qui, à défaut de réalisme, l'aideront peut-être à vivre mieux.


En tous les cas, ce livre singulier construit sur des raccourcis hasardeux me paraît avoir pour principal intérêt le sujet du harcèlement et des durables blessures psychologiques qu'il occasionne, bien plus que les histoires de sorcières abordées sous un angle à mes yeux trop fantaisiste.

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Dès les premières lignes, j'ai eu l'impression de pénétrer dans l'atelier d'écriture d'Isabelle Sorente. Comme si, tapie dans l'ombre, j'avais assisté à l'apparition de cette sorcière qui s'impose dans l'esprit de l'autrice.
Le livre est annoncé comme un roman. La narratrice, quant à elle, évoque le terme d'auto-fiction sans pour autant catégoriser catégoriquement... Je suis tentée de le voir comme un roman autobiographique mais la clé, seule Isabelle Sorente la connaît.
Je dis "la narratrice" parce que malgré un grand nombre d'éléments qui laissent penser que la narratrice et l'autrice ne sont qu'une seule et même personne, il faut attendre une centaine de pages avant qu'elle ne dévoile son prénom : Isabelle.
Un prénom trop peu entendu dans sa jeunesse, un prénom qui ne se formulait pas sur les lèvres de ceux qui ont tenté de l'abîmer durant son adolescence. Un prénom qu'elle se réapproprie et qu'elle honore en se réhabilitant.
Et cette réhabilitation s'opère par le truchement de la sorcière (imagination résurgence?) qui s'impose à elle. Cette dernière fait émerger le passé enfoui de l'autrice, elle fait résonnance et aiguise son regard jusqu'à lui brûler les rétines et enfoncer les portes closes de sa conscience. Cette sorcière est la clé dont Isabelle Sorente se saisit afin de lever les derniers verrous.
J'ai adoré ce roman et je m'y suis reconnue. J'y ai reconnu les femmes de ma famille et celles qui m'entourent. J'y ai reconnu des hommes aussi. À mesure que les pages se tournaient, je m'apercevais de l'universalité de cette quête. Et c'est vertigineux.
C'est un livre que je trouve très précieux, si précieux qu'il ne me vient pas à l'idée de le conserver jalousement dans ma bibliothèque mais plutôt de le faire passer de mains en mains, de le faire vivre comme les sorcières chassées et massacrées l'auraient mérité. Vivre comme toutes les personnes bafouées, harcelées et humiliées le méritent.
Les siècles passent, la traque change de mode opératoire, parfois beaucoup et parfois sensiblement. Mais les maillons qui forment les chaînes s'érodent, se rouillent et deviennent si fragiles qu'il suffit d'une dernière impulsion, celle du choix de la vie ou l'optimisme irraisonné, pour les briser.
Je pourrais parler de l'autrice en la nommant par son nom de famille comme il est d'usage avec les écrivains. Mais, bien que son statut d'écrivaine ne soit pas à débattre, je tiens à la nommer par son prénom d'abord et par son patronyme ensuite.
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Une sorcière en analyse

Dans ce roman, Isabelle Sorente raconte comment elle s'est passionnée pour les sorcières, leur histoire et leur statut. Des recherches qui vont heurter sa propre histoire et la pousser vers les secrets de famille.

Il n'est pas rare, en parlant avec les écrivains, de voir combien ils restent habités de leur histoire, combien ils continuent à cheminer avec leurs personnages, même bien après la parution de leur roman. C'est un semblable cheminement que raconte Isabelle Sorente, qui va littéralement être happée par son sujet au point de n'en plus dormir la nuit, au point qu'il va occuper toutes ses journées jusqu'à tourner à l'obsession. Tout commence par la vision d'une femme qui subit un interrogatoire et qu'elle a envie d'écrire. Une vision qui va réapparaître après une conversation avec son amie Sarah. Dès lors, le sujet ne va plus la lâcher, même s'il semble aussi la fuir: «J'ai commencé à me documenter, commandé des livres d'histoire. Pourtant rien ne se passe comme pour la construction d'un personnage. Je n'imagine rien d'elle, rien d'autre que ses yeux ouverts dans l'ombre, je n'ai toujours aucun nom ni aucun lieu, même si l'époque se précise un peu. Les seules scènes qui m'apparaissent sont des souvenirs. Souvenirs d'enfance, d'adolescence, de jeunesse, souvenirs que la sorcière semble évoquer, les rappelant à ma mémoire bien qu'ils n'aient rien à voir avec le destin de ces femmes accusées par leurs voisins, ces femmes questionnées avant d'être bannies, noyées ou brûlées vives».
Le roman qui se construit sous nos yeux va dès lors prendre trois directions, toutes aussi passionnantes les unes que les autres. Il y a d'abord le sujet en lui-même, qui intrigue autant qu'il fascine et dont on va découvrir, au fil des lectures d'Isabelle Sorente, toutes les facettes, à commencer par son aspect presque exclusivement féminin, même si des hommes furent aussi brûlés comme sorciers. «C'est cette réalité que traduit l'expression chasse aux sorcières. On ne dit pas chasse aux sorciers. Il existe une expression dans la langue française où le masculin ne l'emporte pas, c'est la chasse aux sorcières. C'est étrange, quand on y pense.» Une chasse qui va s'industrialiser avec le développement de l'imprimerie. En 1487 paraît le Malleus Maleficarum de Heinrich Krämer et Jakob Sprenger «premier best-seller de l'époque moderne» et véritable appel au crime largement diffusé. Durant les siècles qui suivent des dizaines de milliers de femmes vont été arrêtées, accusées, torturées et exécutées. le panorama proposé et les affaires retracées en montrent le côté systématique ainsi que le cruauté.
Il n'est dès lors pas étonnant que ces recherches finissent par la hanter. Et c'est là le second aspect du roman, l'implication personnelle de la romancière qui veut comprendre pourquoi elle est si sensible à cette question, pourquoi elle sent dans son propre corps les souffrances et la douleur de ces femmes. Elle va alors se confier à ses amies proches Sarah et Claire, avec lesquelles elle partage ce sentiment que ce qu'elle vit fait partie intégrante de son travail: «L'intégrité, l'éveil, l'amour, les mots peuvent varier mais ce qui ne varie pas, c'est l'importance centrale de cette recherche dans nos vies». Les séances d'analyse avec le Docteur Georges constituent le second volet de cette introspection qui nourrit le roman. Les souvenirs d'enfance, l'histoire familiale, les relations avec ses père et mère s'éclairent au moment où elle croise le chemin des sorcières, «Toutes celles qui cherchaient la vérité. Et même les femmes ordinaires qui voulaient juste la dire».
Autrement dit, Isabelle Sorente prend conscience qu'elle est une sorcière d'aujourd'hui. Et c'est peut-être cette troisième direction prise par ce roman très riche qui est la plus fascinante. Car elle permet de comprendre combien ces femmes restent dangereuses parce que différentes, combien leur combat reste actuel face aux mâles dominants et pourquoi elles restent victimes d'un ostracisme violent. Et à l'inverse d'intégrer une communauté, d'agréger toutes celles qui entendent s'émanciper des règles officielles. Doris Lessing, Christa Wolf, Ingeborg Bachmann vont ainsi cheminer avec Isabelle Sorente. Avec elles, la peur va peut-être pouvoir changer de camp et ouvrir le champ des possibles…


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Cela faisait un moment que ce livre traînait dans ma PAL et je me suis dit qu'il était temps de l'extirper… Je découvre la plume de l'auteure avec ce livre, et je dois dire que j'ai été assez surprise.

Le livre s'ouvre sur l'interrogatoire d'une femme accusée de sorcellerie. Cette vision devient obsédante au point que l'auteure débute une enquête sur les chasses aux sorcières qu'elle va croiser avec notre époque.

Je trouve très subtile l'utilisation du concept de la sorcière à travers l'Histoire et dans notre société contemporaine. Elle porte donc un regard intéressant sur l'utilisation du terme « sorcière » ainsi que son évolution au fil du temps, passant de l'imaginaire des chasses aux sorcières du Moyen Âge à des connotations plus modernes de féminisme, d'émancipation et de revendication du pouvoir féminin.

L'auteure aborde plusieurs facettes du concept de la sorcière et de sa signification dans différents contextes culturels, elle part du postulat que ces femmes « sorcières » étaient souvent des personnes désignées comme subversives, remettant en question les normes et le pouvoir établis. Elle aborde également les liens entre la sorcière historique et les mouvements féministes contemporains, tout en mettant en lumière un parallélisme entre les persécutions passées et les défis auxquels les femmes font encore face aujourd'hui, ainsi que l'importance de la résistance féminine à travers les âges, tout en apportant une perspective nouvelle et intéressante sur la sorcière en tant qu'archétype culturel.

En filigrane, c'est la mémoire transgénérationnelle comme décodage biologique avec l'empreinte que la chasse aux sorcières aurait laissé, de manière inconsciente, chez les femmes, identifiant ainsi les schémas transgénérationnels en lien avec les femmes d'une même famille.

La thèse du complexe de la sorcière est audacieuse, et même si parfois, elle peut faire sourire, on peut dire que la psychogénéalogie peut apporter une réponse qui peut sembler intéressante.

Un livre étrange et instructif à la fois…

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***,*

Lorsqu'une sorcière apparaît, jour après jour, dans les rêves de la narratrice, commence alors pour cette dernière une nouvelle quête. Alors qu'elle est déjà en plein questionnement, cette femme aux yeux transparents, et les tortures qu'elle a subi, pousse la narratrice à aller plus loin dans ses réflexions, au-delà d'elle-même...

J'avais tout d'abord été attirée par la couverture et le titre énigmatique de ce livre. Je m'y suis lancée sans trop chercher à savoir ce qu'il racontait. J'ai lu quelques chroniques au fil des blogs et mon intérêt est allé grandissant.

J'ai été déroutée par cette lecture. Tout d'abord parce qu'il ne s'agit absolument pas d'un roman, ni d'une autobiographie pour moi. Ce n'est pas véritablement une autofiction, ni tout à fait un essai. J'ai plus de facilité à dire ce qu'il n'est pas, plutôt qu'à dire ce qu'il est.

Ce sont peut-être simplement les réflexions d'Isabelle Sorente, ses recherches et ses travaux, ses souvenirs, et les rapprochements qu'elle établit entre l'histoire des sorcières et nos propres vies.
J'ai aimé sa façon de nous exposer les faits, de revenir sur les chasses aux sorcières, le contexte et l'oubli. J'ai été absorbée ensuite par ses souvenirs, ses souffrances et ses introspections, la façon pudique qu'elle a eu de nous les offrir.

Enfin, j'ai trouvé très intéressant l'idée de cette ligne transgénérationnelle, le partage des douleurs, des frayeurs et des blocages qui aujourd'hui rendent les femmes toujours craintives mais battantes, avec une confiance en soi toujours fragile mais qui se relèvent toujours.

Je pense qu'il serait bon que ce livre reste sur nos tables de chevet, et qu'on vienne y puiser un peu de force, un peu de courage et beaucoup d'amour...

Merci à NetGalley et aux Éditions JC Lattès pour leur confiance...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2020..
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Le complexe de la sorcière Isabelle Sorente chez J.C Lattès #LeComplexedelaSorcière #NetGalleyFrance.

Proposé en Fiction, littérature générale par l'éditeur. Je suis bien en peine de classer ce texte dans une catégorie particulière. Un texte inclassable en tous cas bien loin de ce que j'attendais. Une superbe couverture, un résumé éditorial prometteur , une première partie certes surprenante par sa conception mais l'originalité quand il s'agit de parler de la chasse aux sorcières est de mise, une écriture de qualité, un travail de recherche en amont palpable, bref la première partie m'a intéressée. L'analyse transgénérationnelle est une théorie novatrice et assez récente. Et puis la psyché de l'auteure a rencontré sa sorcière et moi je me suis sentie piégée. Comme d'autres je pense je fuis tout ce qui ressemble de près ou de loin à de l'autofiction. Qu'un auteur apporte son témoignage à tel évènement ou son regard sur telle ou telle cause me semble indispensable cela va sans dire . Mais ici je me suis retrouvée engluée dans un texte mêlant psychologie, psychanalyse et souvenirs personnels de l'auteure. Ce n'était vraiment pas ce que j'avais espéré à tel point que je me suis demandé où se cachait mon inquisiteur? ...
Un grand merci aux éditions J.C Lattès pour ce partage.
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Lors d'un changement de vie, la narratrice débute un dialogue avec une sorcière. Est-elle réelle ou le fruit de son imagination ? Peu importe, l'essentiel est qu'elle permet à Isabelle de s'interroger. Au départ, elle se demande si nous portons toutes le souvenir inconscient et le poids des femmes qui ont été chassées en tant que sorcières. Est-ce pour cela que nous ne nous défendons pas ? Puis, le roman glisse vers l'introspection et Isabelle laisse parler l'enfant en elle qui a souffert.


Elle montre que les chasses ont changé, mais existent toujours. Des individus se regroupent encore en meute, pour détruire une personne et les conséquences des attaques sont minimisées. Elle décrit le harcèlement scolaire. Grâce à elle, j'ai enfin pris conscience que je l'ai vécu, puisque cela s'est même terminé par des béquilles pour moi. Mais elle a aussi provoqué en moi une remise en question : n'ai-je pas harcelé cette fille de qui je me moquais de sa coiffure, quand j'étais enfant ? Nous étions amies, elle se moquait de ma couleur de cheveux, mais depuis ma lecture, je ressens un malaise et me demande quelles conséquences ce qui me paraissait anodin a pu avoir sur elle.


Ce roman, qui se situe entre le roman et l'essai, est, pour la narratrice, une plongée en elle-même et, par un effet miroir, nous fait réfléchir sur nous-mêmes, sur nos souffrances, mais également sur nos actes et sur notre personnalité. Isabelle Sorente démontre aussi que nous avons toutes un inquisiteur, dans notre entourage ou en nous. Elle décrit aussi la minimisation qui est souvent faite des persécutions que subissent les femmes, comme si c'était dans l'ordre des choses.


[…] la suite sur mon blog


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J'ai beaucoup aimé ce petit opus, dont je ne sais pas trop à quelle catégorie il appartient. Autobiographie romancée? Roman? Essai sur la condition féminine emballée dans le Je de la narratrice/autrice? Peu importe finalement: la promenade m'a plu.
Le thème de la sorcière est toujours un peu risqué, et honnêtement, comment savoir ce qui est vrai de cette page noire, tant on a écrit tout et son contraire sur le nombre de mortes et sur le côté systématique ou pas. Je n'ai jamais trop cru à l'analyse trangénérationnelle de nos traumas, ça n'empêche pas ce questionnement sur la place de la sorcière dans la psyché, l'histoire féminine, dans les rapports homme femme, mais aussi dans l'inquisiteur intérieur dont chaque femme peut subir le joug, d'être plein de questionnements passionnants. C'est très bien écrit, on a envie de noter plein de citations, c'est parfois un peu fouilli, comme la psyché humaine, et c'est très intéressant!
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« On ne dit pas chasse aux sorciers. Il existe une expression dans la langue française où le masculin ne l'emporte pas, c'est la chasse aux sorcières. C'est étrange, quand on y pense. »

Cette citation, tirée du début du livre, résume parfaitement à mon sens l'essence même de ce roman. Mais est-ce bien un roman quand on y regarde de plus près ? Certes, la couverture indique bien ce terme mais après l'avoir lu, et déjà en cours de lecture, je me dis que ce n'est pas totalement approprié, le terme d'autofiction se révélant bien plus juste, ce livre se trouvant à mi-chemin entre la fiction et l'essai, en sus d'une bonne dose d'autobiographie.

Isabelle Sorente, sous couvert d'une enquête historique sur les chasses aux sorcières ayant eu lieu dans nos contrées au cours des siècles derniers – à la Renaissance pour être plus précis – se raconte. Elle ou sa narratrice, un mix des deux certainement. Ouvrage empreint de féminisme, on ne va pas se mentir, la narratrice nous parle des brimades infligées aux femmes, exemples à l'appui, au cours des siècles, ayant pour conséquence d'être profondément ancrées dans la mémoire collective et d'influencer, de fait, les réactions et comportements des femmes à travers le temps. Comment des années de persécution à une époque si lointaine peuvent-elles encore avoir autant de répercussions chez la femme moderne d'aujourd'hui? A bien des égards, quoique dans une forme différente, ce livre m'a fait penser à celui de Clarissa Pinkola Estés, « Femmes qui courent avec les loups », qui trône sur ma table de chevet depuis plusieurs années et que je feuillette à l'occasion.
Car il s'agit bien ici de redonner sa nature première à la femme, soit lui permettre de (re)devenir une femme forte, indépendante et confiante.

Si vous cherchez une histoire de sorcières avec un début, un milieu et une fin, vous feriez mieux de passer votre chemin car c'est à un travail fourni et minutieux, fruit de nombreuses heures de recherches et de sueur, auquel vous aurez affaire ici. Car Isabelle Sorente, même si elle s'intéresse au genre humain au sens large, particulièrement aux femmes, s'adresse aussi avant tout à elle-même et à toutes les filles qu'elle a été, ainsi qu'aux femmes de sa famille. Un livre que l'on pourrait qualifier d'universel, certes, mais qui est aussi terriblement personnel. Elle parle de sa vie, de ses enfance et adolescence, des brimades subies, du harcèlement scolaire dont elle a fait l'objet, du travail psychanalytique de longue haleine débuté au début de sa vie active et poursuivi depuis. Une catharsis sous forme de témoignage(s)

J'ai trouvé le livre globalement très intéressant et riche en enseignements, même si j'ai pu le trouver parfois quelque peu confus voire fouillis, mon intérêt ayant légèrement décliné vers sa moitié, pour être ensuite reboosté par une dernière partie qui m'a beaucoup plu. Ce que je retiendrai avant tout ce sont les questionnements qu'il m'a obligée à me poser, je sentais alors comme une sorte de tiraillement au creux du ventre comme s'il avait – peut-être – touché un point sensible chez moi, en moi.
C'est un livre que beaucoup pourraient qualifier de « bavard », estimant que les tourments passés d'une adolescente devenue une adulte de presque 50 ans n'avaient plus lieu d'être. Pour ma part, j'estime que si elle a pu trouver des réponses à un mal-être récurrent, et ainsi pouvoir aider aussi d'autres personnes, c'est que son pari est gagné.

L'écriture est soignée mais reste abordable. Pour ceux qui auraient peur de se lancer dans ce genre d'ouvrage, vous pouvez le lire comme le récit d'une personne qui vous rapporterait un témoignage. La compréhension reste fluide malgré les quelques digressions.

En résumé, un livre qui fait réfléchir, riche en recherches historiques, et qui amène une réflexion intéressante et intelligente sur la sorcière qui se trouve en chacun de nous. Un livre sur la mémoire familiale, les secrets que nous portons en nous, parfois de manière intergénérationnelle sans en avoir conscience. Plusieurs courants de pensée (psych)analytiques sont représentées, libre à chacun d'approfondir le sujet, ou pas. Pour ma part, je ne sors pas totalement indemne de cet ouvrage, la réflexion demeure après avoir tourné la dernière page. Et une question me hante : chaque femme n'est-elle pas, après tout, une sorcière comme les autres ?
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