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Ryôji Nakamura (Traducteur)René de Ceccatty (Traducteur)
EAN : 9782869307681
386 pages
Payot et Rivages (02/04/1994)
3.86/5   49 notes
Résumé :
Jirô, jeune employé sans histoire, doit rejoindre à Osaka un de ses amis pour une promenade dans la campagne japonaise. Il en profite pour rendre visite à un parent de sa mère et se voit contraint de s'intéresser à des problèmes familiaux dont il espérait se détacher. Son ami n'est pas au rendez-vous : hospitalisé d'urgence, il doit annuler ses vacances. Ce contretemps révèle alors à Jirô les multiples drames qui sont habituellement cachés par la réalité quotidienne... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Un roman étrange qui prend lieu dans le Japon du début du siècle dernier.
Jirô, un jeune employé de Tokyo, apparemment sans histoire, projette de rejoindre un ami à Osaka pour une excursion estivale. Mais l'ami en question se retrouvant à l'improviste à l'hôpital, la nature de l'excursion va changer. L'hôpital, et la suite des événements vont susciter des excursions à l'intérieur même des terres du caractère humain, où sa complexité et sa médiocrité se révèleront dans tout ses états.
Je dis étrange, car tout est étrange dans cette histoire: son lent déroulement, les personnages, dont les principaux ici sont les membres d'une même famille, les Nagano, leurs relations, leur mode d'introspection pragmatique, où le narrateur Jirô, un des leurs, y sera lourdement impliqué. Soseki nous croque de son point de vue masculin, des profils de femmes, d'une analyse fine et intéressante, à travers les relations intrinsèques d'une famille et la condition de la femme japonaise au siècle dernier. Une belle-fille difficile à cerner, et le mal-être de son mari, le fils aîné de la famille, sont les noeuds de l'histoire. Étrange monde, mais si réaliste, où chacun seul ou en couple, indifféremment, vit avec ses propres démons, à partir desquels il définit les autres, et par conséquent ses relations aux autres.
Soseki signe ici un roman magistral, où l'apothéose est dans les cinquante dernières pages empreintes de réflexions philosophiques sur la complexité de l'être humain et son mal-être, et où l'on apprendra la véritable identité du voyageur. C'est insolite et intéressant. Soseki est sans aucun doute pour moi, un grand maître de la littérature japonaise.

« Le visage d'un tireur de pousse-pousse, d'un manoeuvre où d'un voleur, à l'instant où je me sens reconnaissant envers lui, n'est-il pas précisément Dieu ? La montagne, la rivière , la mer, la nature à l'instant où je la trouve sublime, n'est-elle pas précisément Dieu ? Qu'y a-t-il d'autre comme Dieu ? ........Dieu est le soi. »





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FAMILLE, JE VOUS HAIS-ME.

L'histoire est celle d'un jeune homme, Jirô, qui a prévu de partir en randonnée avec un ami. Mais cet ami est à l'hôpital, souffrant d'étranges maux d'estomac. Jirô prolonge cependant son séjour chez une relation familiale, Okada, un homme qui se sent redevable car il a séjourné dans cette famille pendant ses études. Okada s'est mis en quête d'un mari convenable pour Osada, une jeune femme qui semble être la protégée de la famille de Jirô et dont ils aimeraient bien se “décharger” en la mariant. Après s'être assuré que l'homme choisi par Okada est un parti acceptable, il passe quelque temps à Osaka avec sa mère, son frère et sa belle-soeur venus de Tokyo le rejoindre.

L'ami étant donc hospitalisé, le voyage prévu est annulé. Rompant brusquement la trame romanesque attendue, le récit dérive sur la chronique familiale. Ichirô, le frère aîné de Jirô, intellectuel tourmenté, s'interroge sur la fidélité de sa femme Nao et sur le sens du mariage. Nao est-elle amoureuse de son beau-frère ? Est-elle tout simplement attirée par la simplicité du jeune homme ? Rien n'est vraiment élucidé de ces vies à l'abri des contraintes matérielles. Une nuit de tempête, Jirô se voit contraint de dormir dans la même auberge que sa belle-soeur, sans pouvoir rejoindre le reste de la famille. Cette séquence exacerbe violemment le récit. Mais, pour autant, l'explosion attendue par le lecteur n'aura pas lieu, Sôseki s'acharnant à dérouter son lecteur, et pas qu'un peu, la conversation entre les deux jeunes gens dérivant sur le thème de la mort, non celui de l'amour.

Tout au long de ce surprenant récit constitué d'une succession de chapitres très brefs interrompant bien souvent qui une action, qui une réflexion, qui une description ou une flânerie, mais insinuant ainsi une rythmique tout aussi soutenue qu'incessamment surprenante, comme si l'ensemble suivait les percussions subtiles d'un joueur de taiko, Jirô, beau garçon sans doute, promis à une existence traditionnelle, ne dit à peu près rien de sa vie sexuelle, de ses aspirations profondes ni de ses rêves, mais nous fait suivre les tribulations intimistes d'une famille japonaise de l'ère Meiji. Ce qu'il évoque le plus intensément c'est l'abîme qui le sépare de son frère : une forme d'amour impossible qui ne trouve son chemin que dans l'incomplétude, l'incompréhension, un respect fraternel presque maladif - l'aîné est un pur intellectuel, professeur d'université reconnu tandis que son puîné est un simple "rond de cuir" -, appesanti par la puissance de la tradition et des normes sociales qui, bien souvent, trouvent leur résolution au cours d'inattendues explosions de colère.

Les relations interpersonnelles sont au centre du roman où il ne se passe presque rien en terme d'action (on y voyage bien un peu mais c'est souvent pour mieux regretter son chez soi), tandis que la tension ne cesse pourtant de se renforcer au fil des pages. Natsume Soseki met ainsi l'accent sur les conflits entre les membres de la famille, leurs ressentiments, les incompréhensions des uns envers les autres, leurs taquineries et leurs difficultés à se supporter malgré l'amour qui les unit, et que traverse un sentiment profond et irrémédiable d'incommunicabilité parce qu'il est tout simplement impossible de véritablement connaître l'autre, même si l'on vit à ses côtés de tout temps. le mariage - n'oublions pas que nous sommes en des temps et en des lieux où les normes et les liens sociaux comptent infiniment plus qu'aujourd'hui - est aussi ce qui occupe les pensées de chacun. Quand donc Jirô trouvera-t-il une bonne épouse et quittera-t-il le foyer familial ? Comment les rapports père-fils peuvent-ils trouver leur équilibre (n'oublions pas que la norme d'alors était, pour l'aîné de la famille, de maintenir les parents au sein de la demeure commune avec toutes les difficultés que cela peut représenter) ? Comment se comprendre entre époux (les mariages étant alors plus ou moins arrangés) tandis que tout vous sépare en dehors d'une certaine condition sociale équivalente ? Autant de questions auxquelles l'auteur de l'Oreiller d'herbes a l'intelligence et l'immense finesse de ne pas répondre d'un bloc ni frontalement, laissant entre les mains du lecteur une infinité de pistes qui trouvent une grande part de leur résolution dans les cinquante dernières pages, absolument haletantes et époustouflantes au cours desquelles l'écrivain déplace et déroute, dans toutes les acceptions du verbe, le fil de ce récit certes dramatique mais à la trame presque trop évidente en retirant au narrateur des neuf dixième de ce roman - le frère cadet Jiro - la seule responsabilité de l'histoire en cours, la confiant à un parfait inconnu, ami d'étude d'Ichiro l'aîné. C'est alors une longue lettre, saisissante et hiératique, qui parachèvera ce long texte, ne laissant pas de surprendre jusqu'au bout l'amateur. S'y entremêlent de puissantes réflexions philosophiques, éthiques, métaphysiques que l'ultime périple de celui qui s'avère sans doute être le véritable voyageur du titre éponyme, Ichiro, échange avec son compagnon de route, cet ami en tout point différent de lui mais si précieux pour cette même raison, et qui nous valent d'ailleurs quelques merveilleuses pages sur l'amitié entre deux êtres lorsqu'ils ne conversent pas sur de tous autres sujets.

Qui voudra lire ici un texte épique, une évocation onirique ou, moins encore et malgré son titre, un récit de voyage à travers le Japon du début du siècle dernier sera, assurément, très déçu. Bien que certaines pistes soient données par le créateur de Je suis un chat quant aux sources et aux références (occidentales, en particulier) lointaines, aux clés d'interprétation diverses - Baudelaire est cité, de même que Maeterlinck, Flaubert. On retrouvera aussi le "Es muss sein" du quatuor à corde n°16 de Ludwig von Beethoven, dont il faut lire l'interprétation lumineuse de Milan Kundera dans L'insoutenable légèreté de l'être, certaines pièces du théâtre traditionnel japonais, etc -, il est indéniable que celles-ci sont trop faibles - et d'ailleurs très souvent considérées comme peu valables voire erronées, ou encore trop vieillies dans les descriptions de Jiro - pour rendre compte des intentions très originales de cet écrivain et poète majeur du Japon moderne. Il restera donc au lecteur patient de s'y reprendre à plusieurs fois, de creuser, d'approfondir sa connaissance de l'oeuvre de Natsume Soseki pour toucher un peu mieux du doigt toute la profondeur, toute les subtilités d'un créateur au génie incontestable mais qui savait cacher l'immensité de ses méditations à l'intérieur de scènes passablement anodines de l'existence de ces êtres de papier.
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Du Japon viennent deux types d'oeuvres. D'une part les films de Kurosawa, les petits recueils de nouvelles, où j'ai l'impression de rentrer assez facilement et rapidement. Et puis celles comme les films de Ozu ou les livres de Natsume Soseki, ou j'ai l'impression que mon esprit cartésien d'occidental se prend en pleine tronche un mur de bronze et y perd ses gros sabots. Ce ‘Voyageur' rentre donc bel et bien dans la deuxième catégorie : en apparence il ne s'y passe pratiquement rien, on sent bien cependant qu'il s'y passe quelque chose, mais qu'on n'est pas capable de comprendre quoi.

Nous suivons un jeune architecte, Jirô, en visite à Osaka pour retrouver un ami avec lequel il doit partir en voyage. En parallèle il doit mener quelques démarches pour le mariage (arrangé) de l'une de ses deux soeurs. Mais rien ne se passe comme prévu. Son ami, malade, a été hospitalisé, et passe tout son temps à se préoccuper d'une autre patiente dont il s'estime responsable de la maladie. D'autres petits démêlés suivent… Assez rapidement cependant, le récit de Jirô se recentre autours de sa relation (complexe et pas franchement amical) avec son frère Ichiro et (amicale mais ambigüe) avec sa belle-soeur Nao. Ledit frère est, il faut le préciser, un intellectuel de haut niveau, mais dont le tempérament morose et les sautes d'humeur inexplicables altèrent le climat familial et pèsent sur ses proches – dont Nao.

On pénètre dans le Japon des années 1920 – 1930. L'occidentalisation s'est largement imposée dans le mode de vie, mais modernisme et tradition cohabitent de façon complexe. Les jeunes gens étudient la physique et la mécanique dans les universités, vont au bureau en costume-cravate, mais continuent de se fier à leur famille pour conclure des mariages arrangés. le cadre de pensée n'échappe pas à ce mouvement, et le bouddhisme zen et le shintoïsme se heurtent de plein fouet au cartésianisme et aux conceptions nietzschéennes, laissant les intellectuels japonais fort désemparés. Quant aux femmes, elles continuent de faire la cuisine et la vaisselle.

Peut-être vais-je simplement chercher trop loin, et Satsume Soseki n'est-il qu'une sorte de Dhôtel oriental, attaché à découvrir la profondeur des choses dans la banalité des gestes du quotidien, et les destinés extraordinaires dans les plus humbles et les plus routinières des vies. Ou peut-être pas…
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J'ai beaucoup aimé ce roman déroutant et tragique, d'une formidable richesse psychologique. Il est déroutant car la trame narrative est souvent en suspens: l'histoire n'avance pas comme celle d'un roman occidental traditionnel. On a plutôt à faire à une succession de tableaux qui permettent de décrire la complexité intérieure des protagonistes. le roman traite essentiellement des relations intrafamiliales, du mariage, de l'impossibilité d'échapper aux normes, de fuir les conventions sociales. Ce qui m'a beaucoup touchée c'est que chaque membre de la famille vit ses ressentiments, ses conflits, ses angoisses en silence, isolément. Ils ont de l'affection les uns pour les autres mais sont dans l'impossibilité de partager et encore moins de s'aider.
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Amateurs de mouvements , de "toujours plus" , de jouissances faciles et prosaïques , d'aventures , fuyez !
A moins que les mêmes perspectives orientées vers "le dedans des choses" , l'intériorité de chaque chose vous fascinent , sachant pourtant que la quête sera vaine tant il est vrai que dans dans ces strates obscures , la lumière ne sera pas au rendez-vous et il vous faudra accepter le sentiment de frustration ...
Alors , oui il y a bien "une histoire" , parce qu'il faut bien un support pour alimenter toutes ces errances intellectuelles , spirituelles et mystiques ...
Le principal protagoniste de l'histoire, Ichiro , autour duquel se cristallise toute une réflexion , appartient à une famille traditionnelle enracinée dans des codes , us et coutûmes qui régissent toutes les relations sociales . Intellectuel insatiable , Ischiro reste un éternel incompris , celui-ci échappant à toute cette tradition séculaire permettant de vivre en bonne entente et régissante comme un garde-fou . Afin d'essayer de percer le mystère de ce frère incernable , le narrateur sollicite un ami d'Ichiro pour l'entraîner dans un voyage libérateur .
En parallèle , la petite vie de ce petit monde poursuit son cours avec ces petites peines , petites joies , petites historiettes ...Le mouvement de la vie , à échelle de notre petite vacuité humaine et Soseki à l'art de dépeindre ce "presque rien" de la vie , où tout semble n'être qu'une ébauche jamais aboutie dans un mouvement ralenti par ce prisme typiquement japonais échappant au lecteur occidental .
Alors , oui , il faudra renoncer à maîtriser sa lecture dans une approche rationnelle et rassurante , il faudra accepter l'effet miroir de notre étroitesse , de notre impermanence , de nos vaines agitations , il faudra accepter la fuite de sens juste au moment ou celui-ci semble enfin accessible ...Parce que rien n'est vrai , rien n'est faux , la perception n'est que truchement malhonnête , on refermera le voyageur humblement et on continuera à traverser le temps , le temps de l'ordinaire , avec peut-être plus de conscience de l'inanité de nos agitations ...
Une lecture riche du rendez-vous manqué , à l'image de la vie . C'est bien là toute la force de Soseki
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Mon intérêt pour «cette femme» s'était estompé, mais je ne voulais absolument pas qu'une intimité naquît entre Misawa et elle. Il s’inquiétait de me voir approcher de la belle infirmière, alors qu'elle lui était indifférente. il y avait là-dessous un combat secret dont nous ne nous apercevions pas. C'était l'égoïsme et la jalousie inhérents à l'être humain. C'étaient deux intérêts qui n'avaient pas de point de rencontre et ne pouvaient se résoudre ni en harmonie, ni en affrontement. Bref, il y avait un conflit de caractère. Ni lui ni moi ne pouvions l'admettre ouvertement.
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» "À coup d'absolu, l'autre jour, tu as tenu des raisonnements compliqués. Mais il n'y a aucune nécessité que tu entres dans ton absolu, en t'embarrassant de tant de complications. Il suffit que tu te laisses absorber comme ça par les crabes. Tu n'auras aucune souffrances à endurer. Prendre d'abord conscience de l'absolu, ensuite saisir l'instant où cet absolu se mue en relatif et y découvrir l'unité des deux : c'est à se rompre les os, non ? De toute façon, on n'est même pas sûr qu'un homme en soit capable."
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Il me parut absurde de me retrouver dans un paysage aussi beau pour faire des commentaires avec ma mère à l’infini dans le dos de ma belle-sœur.
p.119
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Je savais très bien que, comme chez une femme, l'humeur de mon frère changeait aussi vite que le ciel. Lui qui était une intelligence, il avait parfois des traits de caractère d'un enfant ingénu ou d'un poète, pur comme le cristal. Tout en le respectant, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il avait des côtés qui pouvaient passer pour risibles.
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Celui qui ne peut être sincère avec soi-même ne peut jamais l'être avec autrui.
p.376
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Vidéo de Natsume Soseki
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Natsume Sôseki, Je suis un chat, traduit du japonais et présenté par Jean Cholley, Paris, Gallimard, 1978, p. 369, « Unesco ».
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