Avec ce type d'ouvrage, je redoute parfois une approche trop flatteuse ou alors une indigeste accumulation de références. Mais avec la présentation de T
Sotinel je me suis régalée, l'auteur dessine l'univers de Scorsese et met des mots sur les particularités de son style ; autre point positif, l'excellent choix des images.
J'ai bien aimé cette formule : « Scorsese a décidé de faire sienne la devise de
King Vidor : ‘Un film pour moi, un film pour eux' ». Un film indépendant, un film pour l'establishment. P51
Extrait – une interview datant de 2005 :
M Scorsese : Il y a dans le grand spectacle un vide, un nihilisme, qui deviennent un problème culturel [ ]. le cinéma de distraction me fait penser aux jeux du cirque de la Rome ancienne. Il faut imaginer le niveau de production dans les cirques de l'Empire et le comparer aux pièces qu'écrivaient les dramaturges grecs ou romains. On ne peut nier que le spectateur du Colisée en avait pour son argent : des centaines d'animaux étaient sacrifiés, des humains tués. Et mettre ça en concurrence avec
Sophocle...
Question de T
Sotinel : Donc vous estimez que
Sophocle est aux jeux du cirque ce que le Seigneur des anneaux est à...
M Scorsese : Non, pas tellement le Seigneur des anneaux, qui se prévaut au moins d'une philosophie. Je pense plutôt à tous ces films dans lesquels des personnages de bande dessinée prennent vie et se mettent à voler partout. On peut bien sûr prendre plaisir à un bon spectacle. Mais, aujourd'hui, les spectacles produisent un effet déshumanisant, en grande partie dû à la technologie.
Question : Que se passera-t-il quand les films seront tournés et projetés digitalement ?
Réponse : On peut faire ce qu'on veut avec un film une fois qu'il n'y a plus de copie. [ ] On mettra Spencer Tracy dans Batman.
Question : L'histoire du cinéma américain est celle d'une perpétuelle tension entre producteurs et réalisateurs, où en est ce conflit ?
Réponse : Je crois que les temps n'ont jamais été aussi difficiles. le budget des films est devenu si énorme que les studios n'ont pas envie que vous, en tant que réalisateur, preniez trop de risques. [ ] Quand j'ai fait Casino, en 1995, le film a rapporté 60 millions de dollars. [ ] Ron Meyer, [ le producteur d'Universal] a déclaré dans la presse professionnelle : "Ça ne nous intéresse plus de faire faire des films qui rapportent 60 millions ; nous visons 300 millions."
Nota : Dans le livre on découvre juste un fragment de cette interview. L'intégralité se trouve ici :
https://www.lemonde.fr/cinema/article/2005/11/27/
martin-scorsese-le-cinema-de-distraction-me-fait-penser-aux-jeux-du-cirque_714574_3476.html