Constantin et John sont deux Egyptiens en escale à Paris à la fin du XIXeme siècle. Ils s'adonnent tous deux à l'écriture de poèmes. Mais si John semble être en mesure de se détacher du poids de la création, Constantin est quant à lui obnubilé par le processus créatif et ne tend qu'à être reconnu. Lorsqu'il prend connaissance des trois mots "sentences" écrits par
Jean Moreas au sujet de ses travaux, Constantin s'enfonce d'autant plus dans les méandres de la création. le monde semble alors l'envahir et les rendez-vous qu'il honore avec Madaras en compagnie de son frère ne sont que prétextes à l'observation, la contemplation: des pigeons, une enfant, une vieille mendiante...Et il en est de même des évènements politiques puisque c'est ainsi qu'il appréhende l'affaire Dreyfus : "C'était le mécanisme qui l'intéressait, la trame du complot, si complot il y avait. Non pas le rôle joué par les protagonistes mais par ceux qui agissaient en coulisse. Combien de figurants dans cette histoire. Et bien sûr cet aspect du « seul contre tous » ou du « tous contre un seul » au moment où le scandale avait éclaté, se révélait passionnant. Si l'innocence de Dreyfus était démontrée en fin de compte, songea-t-il, l'affaire risquait de perdre son charme. du moins d'un point de vue littéraire."
Même les frustrations de Constantin, notamment son désir pour les hommes qu'il semble vouloir occulter sont sources de création.C'est d'ailleurs dans ces moments de tensions sexuelles que ses pensées seront les plus lyriques et qu'il trouvera un élément clé à sa création.
"Si un poil est à même de déclencher un tel émoi, un tel foisonnement de mots et d'images, l'envoûter au point d'en venir à baiser à genoux une porte étrangère. Un seul poil, unique, ayant poussé sur le tendre testicule d'un jeune danseur russe, si bien qu'il se distingue des autres, un peu plus dur et plus long, qui te chatouille la paume, dont l'effleurement décoche le désir… après avoir dressé les trophées des amours… son souvenir caresse ton visage comme une aura, devient un souffle créateur… moi aussi, c'est pour ces oeuvres-là que je grimpe là-haut jusqu'à la danse des étoiles… qui t'accompagne sur le sentier vierge et étroit de l'Art : un poil. « Poilant », dit-il à haute voix et il fut tenté de rire aux éclats."
L'auteur retranscrit à merveille les idéations de Constantin, rien ne nous échappe de son ressenti. Pourtant, au fil des pages cette accumulation m'a gênée, je me suis parfois sentie oppressée par les phrases, sans aucune distance avec les mots du poète qui m'envahissaient. J'aurais souhaité pouvoir reprendre mon souffle pour mieux replonger dans ses tourments.
(SP)
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