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Citations sur Deux femmes (10)

Dans toutes les familles je suppose, le matin, zone à risques, ne pas déranger, se dépêcher, ficher le camp. La journée offre des alternatives, hors sol, de pensées, gestes et manières. Vient la cérémonie des devoirs et du dîner, puis le repos avec un livre ou la télévision. Enfin, elle se retranche dans sa chambre dès que j’ai fermé les volets, tiré les rideaux et tenté un dernier baiser.
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" Parce que nous sommes toutes deux les deux, j'endosse le tablier du présent, des sourires et de la vie forcée : je m'occupe d'elle, la nourris, la réchauffe: ça me fait tenir debout, me cloue dans la réalité. Je ne vais pas chercher plus loin . Nous avançons lentement hors du malheur".
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J’ai toujours aimé les motos. Notre voisin avait plusieurs bécanes en pièces détachées dans son jardin. Il les retapait. Je traînais tout le temps chez lui. Il était plus jeune que mon père, beaucoup plus jeune. Je lui passais des boulons, des bidons, des chiffons, lui apportais du café préparé par ma mère. Il racontait des blagues à double sens et jusqu’à ce que mon père rentre de la fabrique, nous parlions, ma mère de la cuisine, lui de son jardin et moi qui faisais la navette. Avant de rendre les motos à leurs propriétaires, il les essayait. Parfois, il m’emmenait. La sensation du vent ricochant sur le cuir,l’impression fulgurante de chuter lorsqu’il se penchait à gauche, à droite, le bonheur inespéré d’être encore en vie à la seconde où il redressait la moto. Il m’a appris à démarrer, à conduire, à réparer, à entretenir.
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On ne me posait aucune question sur l'école à part : T'as pas eu de mauvaises notes ? Comme si les mauvaises notes étaient une maladie honteuse qui allait nous mettre à l'index du lotissement.
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"J’avais toujours pensé que je vivrais paisiblement dans un domaine comme celui de Montesquiou, à la campagne, au milieu des bêtes, mais j’habite dans de grandes villes et les seules bêtes que je fréquente, ce sont les bourreaux que les Services me demandent d’éliminer. "
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J’étais le mouton noir d’une famille très à droite. Du côté de mon père, il y avait des terres en Sologne, une lignée de militaires, de coloniaux, une génération de maréchalistes rentrés.
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Les Services m’ont demandé si j’avais besoin de quelque chose. Cette phrase m’irrite, pure politesse hypocrite. Évidemment que j’aurais envie d’hommes qui me couvrent, d’une voiture qui patiente, d’un compagnon qui lève son pouce, d’un hélicoptère qui m’emmène. Mais il vaut mieux que je n’aie besoin de rien car je n’existe pas, je ne suis qu’une Hollandaise en vacances avec quelques heures en guise de passé et un passeport que je brûlerai ce soir si je m’en sors.
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J’attends ma fille à l’arrêt d’autobus. Je suis en jupe, le vent cingle mes jambes. Demain, je mettrai un pantalon. Nous avons changé d’heure le week-end dernier, je passe la récupérer pour qu’elle ne rentre pas seule dans l’obscurité. Mais maman, je peux me débrouiller… Le bus ouvre ses portes, elle descend et lève les yeux au ciel en me voyant. Je lui propose de prendre son sac à dos qui la charge comme une mule. T’inquiète… ça va…

Je ne bouge pas. Elle souffle, tend le sac, enlève ses écouteurs, les met dans la poche de son blouson. Pendant que nous marchons, elle attrape mon bras. Certaines fois, ce geste me fait monter les larmes. Je remercie je ne sais quelle chance et lui souris. Tu as beaucoup de devoirs ? Elle fait signe que non mais je sais qu’ils nous occuperont une bonne partie de la soirée. Les devoirs sont une autre langue entre nous, différente de celle parlée lorsque nous étions encore toutes les trois. Les devoirs, les chansons qu’elle me fait découvrir, les films regardés ensemble, nous les accueillons comme des cadeaux et les manions avec délicatesse. Un peu trop sans doute, mais pour le moment, ils nous évitent de céder à l’envie de nous balancer par la fenêtre.

Je redoutais le moment où le quotidien nous obligerait, où elle retournerait à l’école et moi au travail. Nous y sommes. Les matins passent de nouveau très vite. Des fruits à peler, des vitamines à prendre, son chocolat, mon café, des coups de menton, des grognements. Dans toutes les familles je suppose, le matin, zone à risques, ne pas déranger, se dépêcher, ficher le camp. La journée offre des alternatives, hors sol, de pensées, gestes et manières. Vient la cérémonie des devoirs et du dîner, puis le repos avec un livre ou la télévision. Enfin, elle se retranche dans sa chambre dès que j’ai fermé les volets, tiré les rideaux et tenté un dernier baiser.
Seule, je suis soudain frappée de tous les côtés. À me tordre. C’est au ventre que je reçois le plus de coups. Je crierais si j’ouvrais la bouche. Je m’enferme dans la cuisine, vomis dans l’évier, sors sur le balcon et agrippe la rambarde en tremblant. Une voie lactée de lampes d’appartements clignote, signaux intermittents fouettés par les rafales de vent. Je reste là, étourdie, comptant les centaines de lumières et les vies qui vont avec. L’air m’entoure, m’enveloppe, je frissonne, surprise par la fraîcheur du soir.

Il y a quelques semaines, nous disposions trois chaises et chacune scrutait son horizon, les fenêtres d’en face, le centre-ville un peu plus loin ou une espèce d’Amérique au-delà des nuages. La nuit venait si lentement. Aujourd’hui, elle s’abat comme un coup de poignard. Je reviens à l’intérieur et m’écroule dans le canapé, un chiffon à la main, lignes rouges sur fond blanc, que je plie et pose à côté de moi. Je ferme les yeux. Presque aucun bruit à part celui qui s’échappe du casque de ma fille, glisse sous la porte de la chambre et rampe jusqu’au salon. Si j’entends la musique, c’est qu’elle l’assourdit. Je vais lui dire de baisser le volume. Elle le fera sans lutter. Elle a compris qu’éviter une discussion, c’est me mettre plus vite à la porte et enclencher le compte à rebours du moment où elle montera de nouveau le son.

À son âge, je m’enivrais comme elle de musiques jouées très fort. Play it loud était marqué sur les disques. Les guitares électriques exaspéraient mes parents, mais nous habitions une maison, les lieux étaient plus vastes, les espaces plus grands entre nos solitudes. Ils ne me harcelaient pas, ils étaient fatigués par le travail et les déceptions de leur vie. Vues d’aujourd’hui, ces années sont pourtant pleines de couleurs, celles des publicités de la première chaîne de télévision ; une époque moderne selon le slogan.
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À son âge, je m’enivrais comme elle de musiques jouées très fort. Play it loud était marqué sur les disques. Les guitares électriques exaspéraient mes parents, mais nous habitions une maison, les lieux étaient plus vastes, les espaces plus grands entre nos solitudes. Ils ne me harcelaient pas, ils étaient fatigués par le travail et les déceptions de leur vie.
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Les devoirs sont une autre langue entre nous, différente de celle parlée lorsque nous étions encore toutes les trois. Les devoirs, les chansons qu’elle me fait découvrir, les films regardés ensemble, nous les accueillons comme des cadeaux et les manions avec délicatesse.
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