La relève de
Tolkien (rehaussé d'une douce véhémence)
Voilà un artiste que grand nombre d'auteurs indépendants feraient mieux de lire. Je prends moi-même une grosse leçon d'humilité lorsque me vient l'envie de parcourir les pages de
Frédéric Soulier. Car oui, il s'agit bien d'une envie ; une fois que l'on a goûté à son imaginaire, et surtout à son style si percutant, on en redemande. A l'instar de ses autres récits, ce texte est imprégné d'un caractère puissant, une individualité qui fait défaut à la plupart des auteurs (et pas qu'indépendants) et qui vous happe dès les premières lignes.
Ne vous y trompez pas, malgré sa noirceur apparente, ce livre est tout simplement une pépite littéraire ; il regorge de qualités qui vous feront voyager, rêver, douter, vous extasier, bander même, pour les plus tordus. C'est d'ailleurs son côté un peu glauque qui lui donne cette saveur exquise, ce goût et ce fumet de décomposition que l'auteur aime à nous envoyer à la figure.
Comme je l'avais déjà mentionné pour
l'Appel du Dieu Ventre ou
le Trou de Ver dans la Maison du Crack, les qualités littéraires de l'auteur sont incontestables : la richesse du vocabulaire qui vous poussera à ouvrir un dictionnaire plus d'une fois et qui fournit au récit toute sa dimension temporelle et bigarrée ; une prose rythmée, envoûtante, d'où rien ne dépasse et qui rend la lecture délectable ; une scénographie précise, millimétrée, avec des exordes intelligents à chaque chapitre qui donnent à l'ensemble une charmante allure de conte.
Vraiment, avec toute la pauvreté linguistique que l'on déplore aujourd'hui, lire le Seigneur Soulier, c'est faire du bien à ses yeux !
Au delà de la profusion d'images, de couleurs, de senteurs, de textures, de sensations et d'émotions que l'auteur nous dépeint avec malice, il y a surtout une histoire aboutie. La construction intelligente nous transporte de scène en scène, d'un contexte à l'autre, partageant les aventures et les déboires de tel ou tel peuplade, de tel ou tel personnage, allant de rencontres en découvertes, de mythe en manipulation, de magie en exploration, etc.
L'univers imaginé ici est si vaste qu'il vous rappellera très certainement des souvenirs d'autres oeuvres de fantasy ; pourtant, Les Versets du Dernier Soupir possèdent une âme propre, un goût de renouveau qui ravira sans réserve les amateurs du genre (et pas seulement). Chaque créature de ce récit, qu'elle soit humaine ou non, est physiquement et psychologiquement fouillée, triturée jusqu'à en sortir cette essence vivante de crédibilité (sa beauté ou son ignominie, vous seuls jugerez) – même le plus simple objet a son importance, et certains sont même baignés d'une sacralité décisive. L'on s'attache aux meilleures comme au pires (car il n'y a pas vraiment de méchant ou de gentil dans l'univers de Soulier), et l'on partage avec une empathie profonde ce que chacune d'elle traverse, l'amour qu'elles vouent à leurs missions…
L'on y retrouve même quelques paragraphes satiriques, où
Frédéric Soulier prend un malin plaisir à fustiger ce (et ceux) qui le dérange dans notre société. le registre d'époque dénonce alors brièvement les vices et faiblesses de nos contemporains.
Cette histoire de batailles, de mystères, de complots, de quêtes, de survie perpétuelle est certes très bien ficelée, mais elle est surtout mise en relief par toutes ces petites choses qui l'habillent ; ces descriptions justes et authentiques, les styles et les individualités des personnages, leur parler particulièrement bien senti, leurs vies personnelles d'avant…
Parce qu'ils sont écrits avec classe et authenticité, tous ces détails pénètrent l'âme rêveuse du lecteur. le superflu devient essentiel !
Maintenant que Monsieur Soulier a tissé la toile de cette aventure passionnante, au suspens croissant, et préparées des forces qui ne demandent plus qu'à s'affronter, j'espère qu'il ne faudra pas attendre trop longtemps pour connaître le destin du Ténébriarque.
En conclusion : le registre fantasy, de part la magie qui l'anime, ne m'a jamais attiré. Pourtant, là, j'ai vraiment adoré ! Pas d'explication, c'est juste très bon. Merci à l'auteur !
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