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Critique de fuji


Ce récit est le juste pendant du livre d'Alexandre Seurat « La maladroite » chez le même éditeur.
Il s'agit de l'affaire Marina Darras Sabatier, enfant tué par ses parents à l'âge de 8 ans, épilogue d'une vie de martyre et d'un grand n'importe quoi des services sociaux.
Véronique Sousset, directrice d'établissement pénitentiaire décide en 2008 de devenir avocate au pénal. Et elle nous livre son expérience puisqu'elle a été chargée de « défendre un monstre ».
« Avant, il a fallu refaire le chemin de l'horreur, coup pour coup. Consentir à ne rien comprendre. Courir ce risque. Ecouter votre langue, saisir vos mots, les prendre en charge, mais reconnaitre d'abord leur étrangeté. Durant de longues années, sur l'autel de votre amour propre et de celui bien plus sale de votre amour conjugal, vous avez, avec votre femme, frappé, insulté, séquestré votre enfant. »
Le lecteur comprend d'emblée que le droit d'être défendu sera omniprésent que cela n'a rien à voir avec la recherche d'excuses mais qu'il s'agit de comprendre pour ceux qui ont la lourde tâche d'être dans le jury mais aussi pour que l'accusé comprenne ce qu'il a fait.
Cet homme a été déclaré « sain d'esprit » et d'intelligence normale voire plus, alors…Comment en est-il arrivé là ?
En creux l'auteur nous dit l'impact au jour le jour qu'il y a sur sa vie quotidienne, ce qu'il lui faut d'énergie pour faire son métier. Les codes qu'il faut trouver. L'accusé n'a pas la même facilité à manier le langage.
Le lecteur progresse avec la défense et l'accusé, sans jamais oublier Marina ni son calvaire. Mais ce qui est mis en exergue c'est la complexité humaine, il n'y a pas de place pour le « c'est blanc ou noir » non la gamme des nuances grises est infinie.
Lorsque l'accusé apprend que l'avocat désigné d'office a renoncé, il demande à Véronique Sousset « Pourquoi ? C'est compliqué mon affaire ? » sur le moment on manque d'air puis plus tard certains voiles tombent.
Le récit de la reconstitution est juste effroyable, et à un moment votre défense fait sens : « Je me dissous dans ma fonction. Je vous tends un mouchoir et vous demande impassible de vous concentrer. Vous êtes un pantin et j'aperçois les ficelles qui vous tiennent. Enfin je vous vois, enfin vous comprenez, enfin vous me confirmez que je ne suis pas là pour rien. »
Devant nous se déroule une vie, des vies, l'horreur, l'indicible qui fait jour, les méandres dans lesquels on se noie.
Je crois que la lectrice que je suis n'a respiré normalement qu'une seule fois, lorsque parmi les gens qui vous ont côtoyé au cours de votre vie, un seul s'est présenté pour dire celui qu'il a connu : « il dit à la barre que vous êtes son meilleur ami, qu'il n'en a plus eu depuis, que c'est normal qu'il vienne témoigner, que c'est la vie. » et la réponse de l'accusé nous explose en pleine face « Non, Frédéric, ce que j'ai fait c'est pas la vie… »
Je vous laisse découvrir la plaidoirie qui justifie la défense de tout individu, car il y a un homme derrière. A la fin de ce récit, nulle envie de pardonner, d'excuser, pas d'empathie avec l'accusé, il y a juste un homme devant nous et une femme qui va au bout de son engagement.
Merci Véronique Sousset de nous éclairer avec ce récit tracé droit comme un sillon vers « La foi qu'on doit garder en l'homme ».
En chapitres courts, avec des mots choisis pour une sobriété de bon aloi, vous aussi vous avez redonné une vie à Marina, cette enfant qui, un an avant de mourir, à déclarer aux gendarmes : « Papa et maman sont gentils. Non, ils ne s'énervent pas, sauf si je fais des bêtises, mais c'est rare. Je tombe souvent ou je me chamaille avec mes frères et soeurs. »
©Chantal Lafon- Litteratum Amor 09 mars 2017
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