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Comme toute autobiographie, « Aké, les années d'enfance » raconte comment l'homme est né de l'enfant. Tout petit, Wole Soyinka jouit du domaine où il vit, ceint de hautes murailles (ou qui lui paraissaient telles), véritable Éden habité par les membres de sa famille protectrice. En grandissant, il découvre le monde au-delà, au cours d'escapades insouciantes, mais approfondit aussi sa connaissance des adultes et de leur illogisme. Pire encore, il prend conscience de l'injustice: celle de sa mère, capable d'humilier sa soeur, celle de son père incapable de pardonner à qui profane ses roses, celle de sa tante qui frappe en public une servante énurétique. Les enfants eux-mêmes sont prompts à la violence qui lynchent une clocharde enceinte pour la faire déguerpir. Soyinka comprend très vite qu'il est un privilégié et que les rapports de classe lui sont profitables. Mais le livre se termine sur une révolte contre l'impôt qui met à bas le pouvoir traditionnel.
Ce récit à hauteur d'enfant, où jamais Soyinka n'est condescendant envers le petit qu'il fut, annonce ainsi le grand auteur nobélisé, cet écrivain engagé qui se retrouva en prison pour avoir défendu ses idées.
Mais la grande réussite de ce récit est d'avoir fait coïncider une double émancipation. le bonheur de l'enfant se confond avec l'illusion d'une certaine élite africaine croyant possible de faire jeu égal avec les colonisateurs blancs. le monde initial du petit Wole est celui du syncrétisme : les missionnaires chrétiens et les esprits des ancêtres se partagent le territoire de la mission sans qu'il soit toujours possible de les distinguer. Mais lorsque le livre s'achève, en 1945, il aura compris que le conseil des Anciens est phagocyté depuis longtemps par le pouvoir des Blancs. Et il surprendra une conversation téléphonique qui achèvera de mettre les choses au clair:
« …lorsque j'ai entendu la nouvelle à la radio, je n'ai eu qu'une pensée : c'est bien eux, c'est bien la race blanche. Il a fallu que vous la lanciez sur le Japon, n'est-ce pas ? Pourquoi ne l'avez-vous pas lancée sur l'Allemagne ? Dites-le moi. Répondez honnêtement à cette question, si vous le pouvez ; pourquoi pas sur l'Allemagne ? […] Vous savez très bien pourquoi. Parce que l'Allemagne est peuplée de Blancs; les Allemands sont vos parents tandis que les Japonais ne sont que de sales jaunes. […] Japonais, Chinois, Africains, nous sommes tous des sous-hommes. »
À la fin de l'histoire, Wole Soyinka n'a que 12 ans et il n'a pas fini de grandir. Son peuple non plus. Mais ils ont déjà fait une bonne partie du chemin.
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En commençant ma lecture je me suis demandé si c'était un choix judicieux de découvrir un nouvel auteur nobelisé par un récit autobiographique, qui plus est de ses années d'enfance: appréhender l'homme avant sa littérature, est-ce bien raisonnable?
Eh bien oui, car en rassemblant en tableaux vivants ses souvenirs d'enfance Soyinka fait preuve d'une telle acuité, d'une telle profusion de détails, de couleurs, de sensations, qu'en le lisant on en vient à se dire que tout est littérature, pour autant que l'on sache porter haut le verbe dans sa vie. Ce que Soyinka fait avec une dextérité et une finesse merveilleuse, par une succession d'évocations du petit Wole dont il restitue l'appréhension du monde à travers ses yeux d'enfant, enfant avec lequel on entre immédiatement en empathie: à quatre ans quand il s'empare de livres de son père et décide de se faufiler sur les bancs de l'école, à cinq le jour où il s'échappe de la mission pour suivre la fanfare jusqu'au prochain village, ou encore à dix quand il vit l'expérience initiatique et douloureuse de la scarification administrée par son grand-père, à chacune de ces expériences le lecteur ressent de quelle manière le monde pour lui s'agrandit, prend son sens et sa gravité mais ne perd pas sa magie. le jeune Wole est alors prêt pour entrer dans le monde, celui du lycée et de la violence des règles non écrites, celui de la société régie par le colonisateur anglais dont le peuple commence à vouloir secouer le joug, celui de l'éveil politique qui va marquer la vie de l'auteur - citoyen.
L'édition que j'ai eu en main est enrichie de repères historiques et sociologiques, ainsi que d'une biographie qui m'apprend que Soyinka a écrit beaucoup de théâtre: je crois que c'est par là que je vais continuer ma découverte.
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Un très beau livre qui commence dans un style assez énigmatique et se poursuit sur un ton à la fois exotique et familier. les onze premières années (1934-1945) de la vie du futur prix nobel de littérature nigérian. Beaucoup d'humour, de nombreux détails sur la vie au Nigéria, l'éducation, la religion, les relations hommes-femmes et le début du rejet des colons. Ce n'est certainement pas le dernier livre de cet auteur que je lirais, si dieu me prête vie, il va de soit.
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Whole Soyinka est né en 1934 à Abeokuta au Nigeria.
Que sait on de ces années là en ce là-bas ?
On réduit trop souvent la taille du monde à la sphère de notre histoire.
Si la planète est une sphère sa matière est une ronde.
On se tient trop à ce que l'on sait, on devrait toujours tendre à ce qui nous reste toujours à découvrir. C'est peut être la meilleure façon d'abattre une grille.
Bonheur de découvrir Whole Soyinka. le regard de son enfance.
Le monde est un géant lorsqu'on a dix ans.
Où que l'on naisse quelque soit l'heure...
Mais aux pays des hommes il est des matins qui plantent profondément dans la chair les épines de leurs chemins.
On regarde le monde et peu à peu on en devine le langage.
Puzzle d'émotions, de joies, de peurs. de révolte, de combat, déjà.
Les yeux d'un enfant sont des mains de géant.
Comprendre ceux qui nous entourent , y trouver sa place, traverser les douleurs, faire partager nos espoirs.
Comprendre ce qui comprime la diamètre de notre cercle, ce qui le forge, ce qui le fragilise, ce qui lui donne sa force. Et dans ses mains porter la poésie des hommes.
Tenter d'ouvrir le cercle, ouvrir une porte. recevoir la parole confiée d'un grand-père, entendre en soi-même croire le devenir de son être, voir la force nécessaire des femmes percuter l'éternité stupide des hommes. Donner au mots la rapidité d'une griffe. Ouvrir une porte comme on arrache les barreaux d'une cage.
Ce mettre en mouvement en comprenant la dynamique du monde. Quitter l'immobilisme, et devenir un autre possible. Faire de tout ce qui entoure une nourriture, et faire entendre les rugissements qu'elle nous inspire. Aké, les années d'enfance, c'est entendre dans le regard d'un enfant la beauté naissante d'un tigre.
Wole Soyinka a reçu le prix Nobel de littérature, en 1986.
Aux pays des hommes il est des matins où certains jours tardent à venir.
Astrid Shriqui Garain



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Il s'agit du premier tome des mémoires de l'auteur, consacré à son enfance, avant qu'il ne parte pour le lycée des Blancs. Il évoque avec tendresse ses plus jeunes années, entre son père, surnomé Essay, directeur d'école, et passionné de livres, et sa mère, Chrétienne Sauvage, marchande, et forte personnalité. Il y a ses frères et soeurs, ses camarades d'écoles, tous les adultes, qui fréquentent la maison de ce notable qui est son père. Il y a la mission catholique dans l'ombre de laquelle il grandit, l'école de son père. le jardin et ses rosiers, auquel Essay tient plus que tout et que son fils prend soin d'entretenir. Les jeux, les bêtises des enfants, les fruits du verger, et parfois les punitions, et aussi les grands chagrins, comme la mort d'une petite soeur le jour de son premier anniversaire.

Entre les traditions africaines, dont les garants sont les grands-parents, et aussi les esprits, bons et mauvais, qui hantent toujours les lieux, et la foi chrétienne de sa mère, et les livres de son père, Wolé Soyinka évoque une enfance très heureuse et très riche, même si comme tous les enfants, il a eu envie de s'enfuir de la maison à certains moments.

La fin de ce premier tome annonce les autres à venir, le départ pour le lycée, et aussi les changements en Afrique, avec par exemple la formation du Groupe des Femmes, que sa mère anime, qui commence à réclamer la suppression de l'impôt. Mais ce n'est que la dernière partie du livre, la plus grande partie évoque l'univers de l'enfance.

Un très beau livre, qui rend merveilleusement bien les interrogations, les joies et les peines d'un enfant, écrit dans une langue superbe et fine. Cela me donne envie de découvrir d'autres livres de lui.
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J'étais curieuse de découvrir ce livre et cet auteur que je ne connaissais pas. La lecture s'est révélée pour moi un peu lente et laborieuse, mais je ne saurais pas dire exactement pourquoi. La mise en scène de son enfance par Wole Soyinka ne manque pas de piquant. A l'en croire, il fut un petit garçon très perspicace et plein d'espièglerie.
On sent bien comment Wole Soyinka reconstruit son enfance pour expliquer l'homme qu'il est devenu, tout en laissant une grande place aux lieux et à l'époque. Sachant qu'il est devenu avant tout un homme de théâtre, je trouve cette mise en scène qui ne se cache pas intéressante et savoureuse à la fois.
Une intéressante et étrange lecture, donc. Je ne suis pas certaine cependant de lire les autres tomes des mémoires de Wole Soyinka, mais je ne serais pas contre voir une de ses pièces et, en attendant le bon vouloir d'un metteur en scène, je me laisserais bien tenter par le roman qu'il a publié il y a peu et dont la traduction vient de paraître en France sous le long et un peu énigmatique titre [Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde].
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Les tribulations d'un enfant dans l'ère de l'indépendance nigérienne, dans un espace familial où se mêlent la religion chrétienne et les traditions africaines, qui tendent difficilement sur une émancipation libératrice d'un peuple, qui jusque-là favorisait l'aliénation de la femme au sein du groupe. Soyinka le narrateur donne au lecteur une occasion de dresser un portrait post colonial ou la moralité béate des enseignements religieux persiste à faire croire que les valeurs de l'occident sont les meilleures au monde...
Soyinka objecteur de conscience? Soyinka attaché aux valeurs féminines! Oui, il cherche à établir une passerelle entre les deux sexes, tout en soutenant l'importance d'un projet harmonieux en s'attachant à la modernisation d'un peuple tout entier sans oublier ses racines d'homme africain.
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J'ai découvert cet auteur en remontant la liste des Nobel Africains. Auteur Nigérian, il semble plus connu dans le monde anglo-saxon et particulièrement dans celui du théâtre.
Ce livre est intéressant à trois titres : le premier porte sur l'enfance de l'auteur dans les années 1930/1940 dans un village nigérian. Il est le fils du directeur de l'école de la paroisse et, à ce titre, est un peu privilégié et protégé. Néanmoins, on voit bien les relations complexes entre les personnes « ouvertes » au mode de vie apporté par l'Angleterre et les mondes plus « Africains » dans la famille de son père.
Le livre souligne aussi que le vernis « anglais » n'est qu'un vernis et que derrière la façade religieuse anglicane, les Nigérians restent très imprégnés de leurs dieux et de leur riche culture.
Enfin, la fin du livre est consacrée à la lutte des femmes nigériennes pour la suppression des impôts qu'elles subissent. En tant que messager spécial de sa mère, très engagée dans le mouvement, il montre la hardiesse des femmes et leur lutte, tant auprès des autorités coloniales que des structures traditionnelles africaines qui en profitent. Véritable mouvement d'émancipation féminin avant l'âge, ce soulèvement préfigure l'indépendance.
Malheureusement, le système traditionnelle a gardé la main-mise et les « élites » formées à l'occidental semblent dépendre de ces structures.
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Ce récit autobiographique nous plonge dans les années 30-40, dans la vie du village d'Aké au Nigéria, vu à hauteur d'enfant. Beaucoup de choses m'ont frappée dans ce livre, notamment la structure sociale (vie dans les concessions, vision élargie de la parenté, dureté de la vie, surtout celle des femmes, solidarité, violence des châtiments corporels infligés aux enfants ...). La colonisation quant à elle provoque une dichotomie : langues (anglais/yoruba...), religion (christianisme/religion traditionnelle), pouvoir (dirigeants blancs/chefferie). Wole est au coeur de tous ces changements, fils du directeur d'école, de parents très chrétiens, mais auss mobilisés contre l'injustice. La révolte des femmes contre l'impôt et contre les chefs traditionnels, qui méprisent les femmes, ces "pisseuses par derrière", est magnifique.
Ce monde est un monde perdu. Comme ailleurs, la mondialisation et le capitalisme ont fait leur oeuvre. le coca, le KFC, le Macdo ont chassé les odeurs des plats traditionnels . Petit regret, le style parfois un peu lourd.
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Un temps où une riche végétation faisait vivre les villages, où la vie foisonnait ss toutes ses formes, où accents d'épices et parfums fleuris arômatisaient plats et remèdes. Avec l'aridité des sols malmenés est arrivée la sécheresse des coeurs et l'individualisme..
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