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EAN : 9782743600686
328 pages
Payot et Rivages (02/04/1996)
3.17/5   6 notes
Résumé :
Avec ces nouvelles écrites entre 1957 et 1977, Elizabeth Spencer invite le lecteur dans l'espace sensuel et romantique qu'est le Sud profond. C'est une composition en fugue, un livre d'échos et de reflets, une dramatisation du Sud faite d'inceste, de violence et de racisme, d'inquiétante étrangeté et d'effluves à en perdre la tête, montant de chaque chaudron d'épices, ou des grèves du golfe du Mexique. C'est l'œuvre d'un écrivain nostalgique, certes, mais singulière... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Atmosphère moite, lourde, suave, soirées qui n'en finissent pas avec une chaleur qui n'a même pas la décence de se retirer pour la nuit, pas de doute, on est dans le Sud des États-Unis. Celui de Margaret Mitchell (au hasard), les domestiques noirs en moins et les maris douteux en plus. Parce que ce que nous relate Elizabeth Spencer dans la grande majorité de ces nouvelles, ce sont des existences féminines telles que la littérature et le cinéma nous les ont dépeintes : se balançant dans un rocking-chair sous le porche d'une maison coloniale, regardant leur vie s'écouler aussi lentement que le temps semble passer dans le fin fond du Mississippi, destinée faite essentiellement de déprimes paisibles traversées de rares petites tranches de bonheur.
Ces Nouvelles du Sud sont un précis des relations familiales où le paraître est tout, des mariages sans amour, des époux choyant davantage la dive bouteille que l'élue de leur coeur, des familles ultra bigotes et des coutumes oppressives.

Capable d'adopter le point de vue d'une adolescente, d'une jeune mariée ou d'une veuve cherchant son deuxième souffle, Elizabeth Spencer, d'une manière qui n'est pas sans rappeler la plume d'Eudora Welty, décortique ses souvenirs de jeunesse, pour les faire reprendre vie à travers les voix fictives de quelques Southern Belle en quête d'amour, de bonheur et d'émancipation.
Une bitter sweet mélodie du Sud qu'on prend malgré tout un grand plaisir à lire.
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The Stories of Elizabeth Spencer
Traduction : Simone Darses, Geneviève Doze & Monique Manin

Dix-sept nouvelles en tout, qui se déroulent toutes dans le Sud - sauf "Moi Maureen" - des Etats-Unis, dans la petite ville de Richton, dans le Mississippi. On peut voir d'ailleurs dans cette ville l'alter ego littéraire de celle où naquit et grandit l'auteur tout comme la famille Wirth et ses ramifications évoquent sa propre parentèle.

Si l'on excepte la première nouvelle, "A la Brune", où se manifeste le spectre d'un vieil homme noir, et "Sharon", où la narratrice se rappelle la liaison qui existait entre son oncle Hernan et une servante, Mélissa, qui lui avait d'ailleurs donné quatre ou cinq enfants, on ne croise ici aucun Noir. C'est l'univers des Blancs - ceux de la classe moyenne et mieux encore ceux de la vieille aristocratie sudiste, ayant ou non sauvé leur fortune du naufrage de la Sécession - que nous dépeint Elizabeth Spencer. de temps à autre, se profile la silhouette d'un "pauvre Blanc", paysan ou ouvrier agricole, et de sa misérable famille, mais sans la vigueur, la hardiesse et la hargne teigneuse que leur prête même une Margaret Mitchell.

A vrai dire, ces nouvelles parlent beaucoup du statut des femmes dans la société sudiste, un statut qui, quoi qu'on en dise, ne semble avoir guère changé depuis la Guerre civile. "Etre belle, tout supporter et se taire", la Scarlett d'"Autant en emporte le vent" jugeait déjà la chose stupide et injuste et l'avis de Spencer, s'il est un peu plus délicatement exprimé, n'en diffère guère. Ses héroïnes, jeune ou plus âgées, se retrouvent confrontées à des soupirants ou des maris qui veulent tout diriger (ou, à tout le moins, le faire croire) et qui boivent, semble-t-il, plus que de raison puisque, dans le Sud, boire est un art de vivre, en tous cas pour les hommes. Les plus modernes, celles qui ont le plus de moyens intellectuels et financiers, se rebellent et s'enfuient un peu plus au Nord pour tenter d'échapper à l'existence que leur a préparée la Tradition. (L'une d'entre elles, Maureen, ira même jusqu'au Canada pour tout oublier et se faire oublier.) Les plus "coincées" ou celles qui ont eu le malheur de naître trop tôt dans le siècle restent et se confient à la religion ou à la dépression - parfois aux deux. Comme les plus pauvres de leurs soeurs, elles subissent et se résignent.

Sortant tout juste des merveilleuses nouvelles d'Elizabeth Taylor lorsque je décidai de lire celles de Spencer, je pense n'avoir pas apprécié les siennes autant que j'aurais dû. Mais je sais avoir retrouvé en elle cette atmosphère inimitable, moite et lourde, qui vous donne l'impression de voir le Temps passer devant vous d'un pas superbement ralenti, cette atmosphère qui apparaît aussi bien chez Faulkner, Thomas C. Wolfe et Caldwell que chez Mitchell, O'Hara et Conroy et qui n'appartient qu'aux auteurs du Sud.

Cela, déjà, suffirait pour lire un autre livre d'Elizabeth Spencer. Nous en reparlerons.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Sharon :

[...] ... Le jour vint où je sautai le pas. Mal ou non, j'allais à Sharon sans y être invitée par personne. Maman s'était rendue à une réunion paroissiale et Papa avait été appelé au pâturage parce que des vaches s'étaient échappées de l'enclos. C'était la fin de septembre, calme et dorée, l'école venait de recommencer. J'allai là-bas nu-pieds et je regardai par une fenêtre du petit salon. Il n'y avait personne. Je fis donc le tour de l'autre côté pour caresser et faire taire un chien qui m'avait regardée un peu de travers en aboyant sans conviction. Je regardai par la fenêtre du grand salon et justement, ils étaient là, tous les deux, oncle Hernan et Melissa, causant et souriant. Je voyais leurs lèvres remuer mais je n'entendais pas ce qu'ils disaient. J'avais peur d'être surprise en train de mal agir et de désobéir, et le sang battait dans mes oreilles. Mélissa était charmante et, comme elle souriait, ses dents blanches brillaient dans son doux visage basané. Mais c'était l'oncle Hernan, avec son bras tendu vers elle - il était assis dans un grand fauteuil à dossier sculpté si haut qu'il dépassait sa tête - dont le geste m'alla droit au coeur. Ce geste, qui reflétait si bien ce côté de lui que j'aimais, était pour elle et la protégeait comme il l'avait fait, maintenant je le savais, des centaines de fois. Elle vint près de lui et ils se penchèrent l'un vers l'autre, il la gardait bien à lui. Elle lui donnait son énergie et il s'en abreuvait, ils ne faisaient qu'un.

J'avais même oublié de trembler et je ne me rappelle plus comment je revins de Sharon à la maison. Je me souviens seulement m'être retrouvée dans ma chambre, assise au bord de mon petit lit, les mains croisées sur mes genoux, les oreilles pleines du tintamarre des enfants de Melissa jouant dans le fossé - ils tapaient sur une vieille bassine avec un bout de fer - et comment Melissa, exaspérée, leur avait hurlé des menaces du fond de la cour d'oncle Hernan. Elle en avait quatre et, s'ils avaient l'air bien sages le dimanche, c'était en semaine de vrais démons. Maman se plaignait d'eux et Melissa était parfois tellement hors d'elle qu'elle les battait à leur couper le souffle. Je les voyais d'un autre oeil maintenant. Leur terrible vacarme me semblait faire partie de moi, une partie proche et puissante plus réelle que le vacarme même, comme le sang de leurs veines. Ce sang était le nôtre, mêlé et confondu avec l'autre. Maman pouvait ruer comme un mulet, se débattre comme un chat sauvage pris dans un sac, elle n'arriverait jamais à l'expulser - il était là, et bien là. ... [...]
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Paysage du Sud :

[...] ... Malgré tout ce que j'avais appris sur lui (je n'en ai rien dit à Maman et à Papa), je trouvais que Foster Hamilton avait quelque chose de fascinant. Il venait d'une bonne famille, connue pour sa distinction et son élégance ; certains de ses oncles étaient professeurs d'université, grands avocats, docteurs, des trucs comme ça. Il avait perdu son père tout petit (une tragédie) et ses manières étaient parfaites. Enfin, parfaites quand il était sobre, et ce n'était pas intentionnellement qu'il s'en départissait, une fois ivre. Tout de même, on ne pouvait pas me reprocher d'être dégoûtée quand, après avoir dansé dix minutes, je découvris que son teint était vert dans la région des tempes et que, bien qu'il fût bon danseur, il n'arrivait pas à tenir debout. Il trébuchait comme un bébé qui vient juste de comprendre comment on marche et qui sait qu'il doit maintenant le faire.

- "Foster, est-ce que vous avez bu ?

- Bu ?" répéta-t-il.

Il me regarda, stupéfait, comme si cette question s'adressait à la présidente de la ligue anti-alcoolique.

- "C'est tellement étouffant, ici", gémit-il.

Ce n'était pas si étouffant que cela mais ça allait le devenir. Les portes de la salle de gymnastique étaient ouvertes pour que les gens puissent sortir prendre l'air quand ils en avaient envie.

- "Allons dehors."

Avant la soirée, je m'étais imaginé que Foster et moi, on flânerait dans les allées ; moi avec ma robe blanche légèrement transparente qui laissait voir les reflets bleus de mon jupon (maman et moi avions travaillé sur cette robe pendant quinze jours), Foster avec ses larges et belles épaules aristocratiques. Et puis, il avait mis un smoking blanc ! Personne sur la terre entière n'était plus fière que moi quand je suis entrée dans la salle de bal au bras de Foster Hamilton, ce soir-là. ... [...]
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— Qui est-ce ? demanda-t-elle à sa mère, un peu trop fort, et en voulant dire ce qu'une femme du Sud veut invariablement dire en posant cette question ; non pas comment s'appelle-t-il, mais d'où vient-il, est-ce quelqu'un que nous connaissons ? En d'autres termes, a-t-il des excuses à présenter, ne serait-ce que pour être né ?
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Je suis certaine qu'on peut faire n'importe quoi en cas de nécessité : parler français, faire un double saut périlleux, jouer Rachmaninoff au piano ou piloter un avion. Enfin, peut-être pas l'avion, c'est trop technique.
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Je me souviens toujours de l'odeur particulière de ce livre-là – le papier neuf, la reliure, la colle et l'encre d'imprimerie –, comme si tout se combinait pour qu'un livre ait un parfum bien à soi.
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