En 1938, après des débuts teintés de surréalisme,
Jacques Spitz publie «
La Guerre des mouches », un roman fantastique.
Un jeune chercheur travaille dans son laboratoire sur la transmission de caractères acquis chez les mouches drosophiles. Lui et son patron, le professeur Carnassier sont appelés en Indochine, alors colonie de la France, dans le but d'étudier un étrange phénomène : des essaims entiers de mouches « attaquent », dévastant tout ce qu'elles rencontrent en inoculant des maladies qu'on croyait disparues aux populations.
Tout d'abord quelque peu minimisée, l'épidémie s'étend. Personne n'est prêt. On emploie des moyens dérisoires contre le fléau. L'armée est appelée en renfort, «Tout l'arsenal de la Marine de guerre fut affecté à la fabrication de papier tue-mouche distribué gratuitement à chaque chef de famille ».
Les « sachants » s'en mêlent : « Pour lutter contre l'épidémie proprement dite, un conseil de défense sanitaire fut institué. Il délibéra longtemps sans pouvoir arrêter d'autres mesures que celles adoptées lors des grandes épidémies de 1868 et 1925.
Les industries sont réquisitionnées pour la production de scaphandres. Des combattants meurent en nombre, laissant les populations livrées à elles mêmes.
Des mesures de confinement sont prises, «Dans les rues de Saïgon où tous les magasins étaient fermés, où toute circulation frivole était interrompue, on voyait seulement de rares passants, le visage couvert d'un tampon de gaze, allant jusqu'aux bureaux de l'Intendance militaire où l'on distribuait des vivres », provoquant de lourdes séquelles psychiatriques chez les confinés.
Les mouches seraient elles devenues intelligentes, qui adaptent leur mode d'action à la riposte de l'humanité, «les vaccins semblaient n'opérer que contre une catégorie de microbes et laissaient proliférer les autres ». Car il s'agit bien de ça, face aux mouches mutantes (ou « variantes », comme vous voudrez ) : l'humanité est en danger.
Une histoire rondement menée qui n'est pas sans rappeler des situations contemporaines, quand des dirigeants, incapables de définir une politique commune, entretiennent, par action , omission , ignorance ou simplement bêtise (là aussi, comme vous voudrez) le mal qu'ils sont censés combattre, «Il comprit encore qu'il ne suffisait pas d'avoir raison et de le dire, mais qu'une vérité n'avait de sens que si elle était universellement partagée ».
Un bouquin qui ne manque pas d'humour non plus, quand les allemands partent au combat nus, lance flamme en bandoulière et que les russes tentent de mobiliser les forces révolutionnaires contre les mouches fascistes…
Bref. Un bon moment de lecture dans ces temps troublés.
« Et si L'aventure humaine devait échouer », comme disait Théodore ?