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Critique de folivier


DOL : manoeuvres frauduleuses, agissements malhonnêtes tendant à surprendre et tromper quelqu'un en vue de lui faire contracter un engagement qu'il n'aurait pas pris (Dictionnaire Culturel de la Langue Française - Le Robert).
Dol, est un album surprenant, intriguant, déroutant tant dans sa forme que par son discours. En fait, il s'agit de la mise en bande dessinée d'un style journalistique : le gonzo, méthode journalistique fondée sur l'ultra-subjectivité au départ par l'immersion totale dans le milieu enquêté (Günter Wallraff et les turcs immigrés en Allemagne, Florence Aubenas et les femmes de ménages plus récemment Claire Checcaglini en immersion parmi les militants du front national) puis par extension tout sujet étudié et analysé avec une opinion et des clés de lecture clairement affichées (l'ensemble des films de Michael Moore en est l'exemple typique). Dol, s'inscrit dans cette démarche.
Ecrit en 2006, Philippe Squarzoni, militant d'ATTAC, nous raconte les trois années de gouvernement Raffarin (mai 2002 - mai 2005). Il décrypte comment l'action gouvernementale s'est inscrite dans une logique de démantèlement des acquis sociaux sur les régimes des retraites, la sécurité sociale, le chômage et le droit du travail. Avec beaucoup de pédagogie il nous fait comprendre d'où vient ce mouvement néo-libérale, sur quelles bases idéologiques il s'appuie. Il dévoile la stratégie de rideau de fumée mise en place autour de l'insécurité et l'immigration orchestré par un Nicolas Sarkozy "brillant" ministre de l'intérieur, provocant l'hystérie médiatique. Il explique comment cette idéologie libérale est arrivée à submerger toute analyse critique et emporter l'ensemble de la classe politique gauche comprise pour appliquer ce programme. Il nous démontre comment un homme, Jean Pierre Raffarin, classé politiquement comme modéré, social, humaniste, à été le maître d'oeuvre d'une opération planifiée de grande envergure pour la démolition du socle social défini par le programme du conseil national de la résistance en 1945. Il permet de mieux comprendre l'immense tromperie, après les élections présidentielles de 2002, qui s'est déroulée durant ces trois années.
Cette enquête est extrêmement instructive à lire 6 ans après et en pleine campagne présidentielle. Elle éclaire avec cynisme le discours de notre président et de son premier ministre qui était aux affaires dans le gouvernement Raffarin, les arguments tenus aujourd'hui par les grandes instances décisionnaires dans le monde, Commission Européenne, FMI, Banque mondiale, les dirigeants des grandes banques mondiales et des multinationales.
L'utilisation de la bande dessinée pour une telle enquête est intéressant car cela permet d'apporter un second degré de lecture venant compléter le texte très dense. Philippe Squarzoni utilise les mêmes trucs que les documentaires : du récit, de l'enquête entrecoupé d'interview de journaliste et d'expert des thèmes abordés. Il pousse la similitude en dessinant les personnes interviewés comme si elles étaient face caméra.
Mais j'ai trouvé que l'exercice touchait rapidement ses limites et devenait parfois lassant. L'auteur a du mal à trouver à chaque fois des métaphores, allégories qui renforcent le propos et le dessin devient parfois un peu du remplissage.
Dans un interview donné au site Cuverville en mai 2009, Philippe Squarzoni, reconnaissait qu'il dessinait assez mal et qu'il utilisait la photographie comme base de dessin. Il retravaille complètement ces photos pour en faire des dessins. Malheureusement cela se voit et il est vrai que je n'ai pas trouvé le dessin très enthousiasmant. Il est néanmoins très doué pour la mise en page et les raccourcis symboliques et métaphoriques qui donnent beaucoup de force à son propos. Les dix premières pages de l'album sont à cet égard assez saisissantes.
Malgré cette déception portant sur le graphisme, aspect qui de mon point de vue est tout de même un élément important pour une bande dessinée, l'album demeure très intéressant. C'est un bande dessinée très orientée politiquement qui ne plaira pas à tout le monde. Philippe Squarzoni délivre une démonstration très percutante grâce au support de la bande dessinée.
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