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Critique de domi_troizarsouilles


Et voici un nouveau livre d'un.e auteur.e néo-zélandais.e que je lis dans le cadre du challenge « Je voyage » (sur Livraddict), où la Nouvelle-Zélande est l'un des pays à l'honneur en ce mois de mars. Certes, je l'avais déjà repéré je ne sais plus trop comment, et il était dans ma wish-list depuis plusieurs mois sans doute… mais sans ce challenge, il y serait sans doute encore resté un moment ! En outre, je l'ai vu passer plus d'une fois ces derniers temps chez l'un ou l'autre des bookstagrammeurs que je suis : c'était donc plus que jamais l'occasion de m'y lancer.

À vrai dire, j'ai eu un peu de mal à entrer dans ce livre qui ne se laisse découvrir que petit à petit, et quand enfin on est bien entré dedans, du moins le croit-on, paf l'autrice nous sert un formidable (et cruel) retournement de situation auquel je ne m'attendais pas du tout ! Mais, curieusement, ce qui aurait pu être rédhibitoire pour moi, s'est avéré une source d'intérêt renouvelé, et peu à peu ce livre est devenu un véritable page-turner. C'est que l'autrice a su créer un univers complètement original, avec ces deux mondes que tout, mais absolument tout oppose : Osolis, où il fait toujours chaud, où le temps se compte en révolutions (du système sur lequel ils tournent), où les gens appelés Solatis sont plutôt … froids, mesurés et discrets et ne disent que rarement un mot plus haut que l'autre ; tandis que le monde en face, Glacium, pays ennemi avec qui une paix précaire a pu être établie, ne connaît que le froid, mais ses habitants, les Brumas, compensent (c'est moi qui l'interprète ainsi) ces températures dignes d'une Sibérie plus qu'invivable, par une chaleur dans les relations humaine, une joie de vivre, une liberté de parole et une ouverture des moeurs incompréhensibles pour les Solatis.

Olina, princesse héritière d'Osolis, rencontre Kedrick, prince et frère du roi de Glacium, lors d'une mission de quelques Brumas sur le système Solatis – on comprend que des délégations de chaque peuple se rendent à tour de rôle sur l'autre système, afin de préserver cette paix fragile entre eux. Olina porte en permanence un voile qui masque son visage, depuis toute petite, pour des raisons qu'elle-même ne connaît pas. Détestée par sa mère qui lui mène une vie à la limite du supportable, malgré son rang d'héritière, elle se rebelle à sa façon, en apprenant notamment à se battre, dans le plus grand secret, et malgré son voile, avec l'aide d'un vieux soldat qui s'est pris d'affection pour elle. Kedrick quant à lui est heureux et libre selon les standards de son peuple. En dépit de toutes leurs différences, les deux jeunes gens se rapprochent et finissent par comprendre qu'ils sont amoureux. Mais rien n'est jamais simple dans ce monde où la paix est précaire, la bonne entente primordiale, mais où tout rapprochement sérieux (pire encore : amoureux !) entre les deux peuples reste impensable…

Ce double monde est extrêmement bien construit, fouillé et tout se tient – à tel point que j'ai été surprise par une petite incohérence : au début du livre, dans une scène où un enfant demande à la princesse Olina de lui expliquer ce que sont ces fameuses révolutions, voilà qu'elle lui parle en terme d'années etc. Or, le concept d'années, apprend-on plus tard, est typique de Glacium, mais certainement pas d'Osolis, si bien que ça n'a aucun sens d'expliquer les révolutions à un enfant de son monde, en se référant à un autre système… si ce n'est pour l'expliquer ainsi indirectement au lecteur ? le procédé est connu et utilisé dans de nombreux romans, mais ici c'est raté, car ça n'a aucun sens – il aurait fallu jouer avec des notes de bas de page à l'attention du lecteur, ou donner l'explication des révolutions dans un dialogue entre Olina et le prince bruma Kedrick, par exemple !
Cela dit, c'est vraiment le seul point qui m'a presque « choquée », car pour le reste tout est cohérent dans sa complète originalité, et révélé au lecteur au fil de l'histoire, toujours bien à-propos.

Par rapport à ce tour de force sur deux univers tellement différents, qui font indéniablement penser à bien des travers de chez nous, la plupart des personnages sont nettement moins approfondis – même si certains d'entre eux sont réellement soignés. Peut-être est-ce dû au fait qu'Olina est seule narratrice ? C'est dès lors un regard unique, et forcément biaisé selon son éducation et ses propres préférences, qui est posé sur ces personnages et proposé au lecteur. On a ainsi une vision très noire de sa mère, un avis un peu en demi-teinte sur son frère qu'elle adore mais avec qui elle n'est pas toujours d'accord sur certains points pourtant importants ; on se rend compte aussi que, finalement, on en sait bien peu sur Kedrick. Ensuite, on apprend à connaître les différents membres de la délégation de Glacium (même si certains restent en arrière-plan et seront moins développés) et, une fois arrivée sur cet autre système (oups ! je suis à la limite du spoil !), j'ai adoré les liens d'amitié qui se créent avec quelques femmes de l'entourage royal, et ce jeu du chat et de la souris qui se met en place entre Olina et le roi Jovan ! Un jeu qui fait bien un peu penser au début d'une romance, malgré Kedrick, mais qui n'aboutira pas dans ce tome-ci… (et je ne sais pas si une telle romance aboutira davantage dans les tomes suivants, mais quelque chose en moi l'espère !)

Avec tout ça, il y a relativement peu d'action, on est davantage dans ce que, d'habitude, je n'aime pas trop dans la fantasy et qui, ici, est porté à son apogée : des intrigues politico-sociétales de cour, avec toutes sortes de rivalités internes pour pimenter le tout, des antagonismes politico-historiques avec le peuple voisin, etc. Mais comme je disais : ici, le fait que tout soit en train d'être découvert par notre narratrice, en même temps que le lecteur en réalité, est habilement mené, avec en plus une bonne humeur constante liée au caractère enjoué des Brumas. On aurait pu être dans le drame, mais non : on est dans une découverte joyeuse, émaillée de divers incidents d'ordre « diplomatique » dus à la méconnaissance d'Olina de ce monde glacial où elle vit désormais, mais qui se résolvent presque systématiquement par l'arrivée plus ou moins impromptue du roi Jovan, plus ou moins sévère, toujours teintée de ce je-ne-sais-quoi qui, comme je disais plus haut, laisse penser que ses sentiments ne sont pas seulement ceux d'un roi tout-puissant vis-à-vis de sa prisonnière ennemie…
Dans tout cela, il y a quelques passages durs et/ou (très) tristes, surtout dans la 1re partie du livre en réalité, mais ensuite, on trouve une majorité de passages joyeux, où l'on attendrait presque les diverses, nouvelles bévues et mini-actes de rébellion d'Olina, pour voir comment les autres vont réagir, et comment tout le monde va s'en sortir dans la bonne humeur ! On notera aussi quelques passages presque joyeux, comme lorsque Olina découvre la neige (complètement inconnue sur Osolis), ou bien quand elle voit pour la première fois une meute de chiens de traîneau ! Quelques moments d'émotion, aussi, liés à sa relation avec Kedrick dans la première partie, ou lorsqu'elle découvre son propre visage pour la première fois, en fin de livre – et bien entendu, je ne vous en dirai pas plus !

Bref, c'est un livre très sympathique, qui crée un monde fantasy absolument original et cohérent (à l'exception d'un tout petit passage) de bout en bout, avec une 2e partie particulièrement joyeuse malgré un environnement tissé d'intrigues politiques de cour, en partie grâce au choix de la situer dans un univers où les gens sont très chaleureux. le fait que l'héroïne soit aussi la seule et unique narratrice fait que certains personnages, toujours vus par son seul regard, sont très soignés, tandis que d'autres, potentiellement intéressants, restent en retrait – mais c'est un moindre mal, et peut-être seront-ils mieux développés dans les tomes suivants ? Avec ça, quelques scènes font sourire avec bonheur, tandis que d'autres touchent en apportant une indéniable émotion. Une belle réussite qui donne envie de découvrir la suite !
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