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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Assemblée avec la précision d'une montre suisse, cette intrigue promène son lecteur durant 35 ans (1994/2029) sur les océans du globe et les ruisseaux financiers en compagnie de plus de 35 personnages qui découvrent au fil des pages que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, que les rendements financiers extraordinairement réguliers et profitables ne peuvent pas être honnêtes et qu'un destin peut, à tout instant, être brisé.

Roman noir qui évoque l'escroquerie de Bernard Madoff et le principe de la pyramide de Ponzi, révèle les coulisses sulfureuses de la musique techno et les ravages provoqués par les stupéfiants, dévoile les mécanismes industriels et logistiques de la mondialisation avec son cortège de cargos immatriculés dans des états fantômes et ses montagnes de containers bourrés de textiles ou de produits électroniques, et nous plonge dans le monde des hyper riches évoluant entre le Canada, New York et les Emirats, encombrés d'escort girls aussi futiles que dépensières.

Roman social qui analyse les conséquences de la chute dans le vide quand l'épargne d'une vie disparait dans une escroquerie, quand les études financées à crédit débouchent sur un job mal payé et rendent illusoire le remboursement des emprunts, quand la précarité et la pauvreté obscurcissent le décor quotidien.

Roman moral lorsque, arrivés à la case prison, les escrocs sont hantés par les fantômes de ceux qu'ils ont exploité, ruiné ou tué, et que ces apparitions génèrent le remords et alimentent une interrogation sur les fins dernières … dans les pas d'un Dostoïevski, d'un Volkoff ou d'un Morris West.

Coupantes comme le verre, ces 400 pages demandent une attention soutenue, cachent quelques pièges (comment imaginer Vincent être un prénom féminin ?), dissèquent les ambitions, les illusions et les passions et laissent le lecteur abasourdi et émerveillé au terme de ce qui me semble l'un des meilleurs romans de l'année confirmant Emily St. John Mandel révélée par Station Eleven.

La quatrième de couverture claironne « L'hotel de verre figure sur la liste des 17 livres préférés de Barak Obama en 2020 », je précise qu'il fait partie de la liste de mes 17 livres préférés en 2021 ;-)))
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L'Hôtel de verre est un livre déroutant. Pendant les quatre-vingts premières pages, je me suis demandé dans quelle histoire embrouillée je m'étais embarqué avec Emily St. John Mandel, une jeune romancière canadienne à la réputation déjà établie... le bug de l'an 2000 ne m'avait pas perturbé ; je suis donc resté sur ma réserve dans les boîtes de nuit underground de Toronto, puis celles de Vancouver, courues par Paul Le 31 décembre 1999. Ce musicien junkie immature ressassait depuis l'enfance une relation tourmentée avec sa soeur cadette, affublée du prénom masculin de Vincent ; une très jolie jeune femme, dont les capacités d'adaptation vous surprendront...

… Apparaît soudain – cinq ans plus tard ! – un panorama de paradis perdu, à l'extrémité de l'île de Vancouver. Un hôtel de très grand luxe y offre un dépaysement grandiose à des touristes aux comptes bancaires XXL. On y retrouve Paul et Vincent. Mais voilà qu'un mystérieux graffiti défigure la façade vitrée du hall d'entrée : Et si vous avaliez du verre brisé ? Pas de quoi s'affoler, me direz-vous ! Un certain personnage pourrait toutefois y lire une menace…

Vous n'y comprenez rien ? Alors je reprends différemment.

Il se trouve qu'Emily St. John Mandel – c'est elle qui le révèle ! – a été fascinée par l'affaire Madoff… Vous vous souvenez ? Ce financier new-yorkais d'excellente réputation avait monté une société d'investissement aux performances incomparables. Etre son client était quasiment un privilège. Des institutions financières prestigieuses et des organisations caritatives lui confiaient des fonds, ainsi que des particuliers très fortunés ; ou juste fortunés. Lorsque la pyramide de Ponzi s'effondra, en 2008, Bernard Madoff avoua benoîtement qu'il savait depuis longtemps que cela devait arriver. Il est depuis décédé en prison, son sens de l'anticipation l'ayant sûrement averti que cela devait arriver, compte tenu de sa condamnation à cent cinquante ans de réclusion pénitentiaire.

Revenons-en à L'Hôtel de verre. Celles et ceux qui ignorent ce qu'est une pyramide de Ponzi auront de quoi élargir leur culture, tout en découvrant les contextes romanesques qui l'accompagnent, avant et après son krach. En périphérie de la gigantesque escroquerie, Emily St. John Mandel dresse une galaxie de personnages victimes, complices ou opportunistes, aux réactions psychologiques diverses. Ils témoignent.

Quel curieux soulagement, une fois que la vérité a éclaté, que le désastre est établi, et qu'il n'est plus besoin de craindre ce qui risquait d'arriver ! La cupidité, la naïveté, la soumission, la passivité, la peur de paraître stupide laissent la place au regret, à la fuite, à la mauvaise conscience, à la culpabilité, au désespoir, à la vengeance… Et si les circonstances et leurs conséquences deviennent dérangeantes, insupportables, l'on peut se réfugier dans les réalités alternatives que l'on souhaite : imagination, rêve, évasion… C'est le principe de la contrevie, déjà développé par Philip Roth il y a plus de trente ans. Une liberté salvatrice, qui peut pourtant dégénérer en divagations, délires, hallucinations.

Emily St. John Mandel a structuré son roman comme un puzzle, qui partirait de l'essentiel et s'ornerait de l'accessoire. Aux lectrices et aux lecteurs d'en démêler les fils. Après un début qui, comme je l'ai dit, m'avait quelque peu décontenancé, j'ai pris plaisir à voir l'écheveau se tricoter, à observer le parcours de la belle Vincent, celui du milliardaire Jonathan Alkaitis, puis de tous ces personnages s'affichant l'un après l'autre au premier plan. Amusant de passer d'un univers à un autre, en jonglant avec les années.

L'écriture est simple, directe, sans affectation, ce qui ne l'empêche pas d'exhaler une sorte de charme troublant, majestueux. Une fois le livre refermé, j'ai d'abord gardé le sentiment d'une image finale restant floue, indéchiffrable, évanescente. Il m'a fallu en relire quelques pages, en dégager quelques notes écrites, pour apprécier pleinement la saveur d'une étude de moeurs pertinente, étayée par des scènes critiques de la société contemporaine.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Pas tout à fait un coup de coeur mais assurément un coup de chapeau pour ce roman aux multiples facettes !

Elle s'appelle Vincent, une jeune femme dont la mère est disparue lors d'une sortie en kayak. Elle avait alors treize ans et ne s'est jamais tout à fait remise de cette disparition. Elle est prête à tout pour quitter l'isolement du petit village de Colombie britannique où elle est née.

Son demi-frère Paul, a quitté l'île avec sa mère il y longtemps, lorsque son père est brusquement tombé amoureux de celle qui est devenue la mère de Vincent. Il a vécu durement cette rupture et est demeuré jaloux de cette autre famille. Il enchaine les cures de désintoxication et veut consacrer sa vie à la musique, mais reviendra travailler à l'hôtel du village avec sa soeur.

En plus des tourments psychologiques de ces personnages, on assistera à une intrigue financière de haut vol, où on donnera la parole aussi bien aux fraudeurs qu'à leurs victimes.

Un roman dans lequel il n'est pas facile au début de savoir où on s'en va. En fait, il commence par la fin, par une personne qui se noie. Mais le petit effort de poursuivre en vaudra la peine, on aura de bien belles pages, entre autres sur la beauté de la nature.
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Il y a différents coups de coeur. Ceux qui vous sautent au visage très vite en cours de lecture et puis ceux qui s'imposent un peu plus tard, colonisent votre cerveau et dévoilent toute la profondeur de leur propos bien après que vous ayez refermé le livre. L'hôtel de verre est de ceux-là. Enfin, c'est plus compliqué, parce que la lecture en elle-même est captivante, troublante, tellement plaisante que l'esprit repousse au maximum l'idée d'une fin. Mais le plaisir ne s'arrête pas là. L'atmosphère vous enveloppe et ne vous lâche plus, vous y repensez, des éléments vous apparaissent après coup, la subtilité de la construction, la richesse de la trame planquée sous une apparente simplicité. Vous vous dites que décidément, Emily St. John Mandel est très très douée.

C'est à une exploration de nos réalités alternatives que nous invite l'auteure à travers cette histoire de pertes et de fracas. Les individus qui se croisent un soir à l'hôtel Caiette, havre de paix et de luxe isolé sur l'île de Vancouver sont loin de se douter de ce que leur réserve l'avenir. Quoi que. L'un d'entre eux le sait, il est milliardaire, se nomme Jonathan Alkaitis et possède une activité florissante de gestion d'actifs à Manhattan. Il sait que cela finira mal pour lui, ce qu'il ignore c'est à quelle échéance. Celles et ceux qui gravitent autour de lui ont beaucoup à perdre mais ne le savent pas. Ou ne veulent pas le savoir. Ou le savent mais en même temps ne le savent pas. Car on peut se mentir à soi-même de la même façon que l'on ment aux autres. Entrevoir des vies alternatives mais ne pas saisir l'occasion de les vivre. C'est ce que capte l'auteure, ce qu'elle nous renvoie à travers les parois faussement transparentes des immeubles de la City ou des hôtels de luxe. Ses personnages sont pétris d'illusions au royaume de l'argent qui fait tourner le monde. Lorsque tout s'effondre comme un château de cartes, que leur reste-t-il ? Une sorte de paix à en croire Alkaitis du fond de la cellule où il purge sa condamnation à cent-soixante-dix ans de prison : "Il y a une exquise insouciance à se réveiller chaque matin en sachant que le pire est déjà arrivé".

Emily St. John Mandel a un style et un univers bien à elle, dans lequel le lecteur progresse avec une fascination empreinte de douceur malgré l'absurdité et la violence du monde qui lui sont données à voir. Ses personnages sont à la fois ancrés et insaisissables, hantés par des fantômes qui les poussent à fuir ou à se cacher derrière des apparences de normalité. Chez elle, l'arme du crime est un tag énigmatique sur une vitre "Et si vous avaliez du verre brisé ?", l'art n'est jamais loin comme pour tenter de sauver ce qui peut l'être, par la grâce d'un poème ou la magie d'un tableau. Et sa virtuosité se révèle dans toute sa splendeur avec ce récit fragmenté, sorte de puzzle d'éclats de verre aussi tranchants que réfléchissants. C'est du très grand art.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Un livre paradoxal, qui apparaît au premier regard comme un excellent roman psychologique mainstream, remarquablement construit, alors qu'il est en réalité un excellent roman de science-fiction psychologique.
Un roman de science-fiction ? C'est cette affirmation qui pourra paraître paradoxale à beaucoup.
Cela apparaît si on replace ce livre dans le contexte global qu'il constitue avec les deux autres romans de l'auteur, clairement de science-fiction ceux-là, que Station Eleven et La Mer de la Tranquillité.
Ces ouvrages mettent en effet en scène un certain nombre de personnages communs, mais dont les vies ne sont pas tout à fait, ou carrément pas du fait de contextes extérieurs différents, les mêmes, et
en même temps ils sont liés par un réseau de correspondances subtiles, le tout conduisant à penser qu'ils se déroulent dans trois univers parallèles

Ainsi dans La mer de la Tranquillité, Marienbad, le best-seller écrit par Olive, traite d'une grippe venue de Georgie qui a entra^îné la quasi-extinction de l'humanité; il est question de cette même grippe dans l'Hotel de verre, mais elle a été maîtrisée dans ses débuts; et dans l'Hôtel de verre, Vincent, révant des univers parallèles et des réalités alternatives, se prend à penser qu'il pourrait exister un monde où la grippe porcine de Georgie, s'est "épanouie en pandémie impossible à enrayer, provoquant la quasi-extinction de l'humanité"; et cette pandémie s'est bel et bien produite dans l'univers de Station Eleven, qui comporte des avatars de certains personnages des deux premiers romans cités
Quant à ces derniers, ils se déroulent dans deux univers parallèles différents: dans L'Hôtel de Verre, par exemple, Alkaitis, qui purge une peine de prison de cent soixante dix ans, rêve à la réalité alternative où il aurait pu s'enfuir à Dubaï
S'enfuir à Dubaï, c'est justement ce qu'il a fait dans La mer de la Tranquillité;
Les trois romans s sont liés, et il est souhaitable de les lire à très bref intervalle, mais peu importe dans quel ordre, ils ne se suivent nullement puisqu'ils se situent dans des réalités parallèles

Je n'essaierai pas d'en dire beaucoup plus sur l'intrigue propre de L'Hôtel de Verre, d'autres m'ont fait ici mieux que je ne pourrais le faire

Un autre élément sortant de la réalité commune est cependant à mentionner : le très intrigant dernier chapitre, qu;on ne sait trom comment interpréter

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"L'hôtel de verre" n'est pas la suite de l'excellent roman d'anticipation de la même auteure, "Station Eleven". Néanmoins il est en lien avec lui pour diverses raisons.
Ainsi "L'hôtel de verre" se déroule dans un des mondes parallèles imaginé par August, l'un des personnages de "Station Eleven", à savoir un monde où la pandémie au coeur du récit dans "Station Eleven" n'a pas (eu) lieu. En témoignent la présence, dans "L'hôtel de verre" de deux personnages, Miranda et son patron de compagnie maritime Leon Prevant, qui figuraient aussi dans "Station Eleven" mais dont le destin sera ici, par la force des choses, différent.
"L'hôtel de verre" fait également écho à "Station Eleven" du fait qu'une catastrophe, certes plus feutrée, s'y déroule également, à savoir la crise financière de 2007-2008 et, en particulier le destin de ceux qui furent affectés par la pyramide de Ponzi mise en place par Jonathan Alkaitis, personnage manifestement inspiré d'un certain Bernard Madoff...
Signalons aussi l'omniprésence, dans "L'hôtel de verre", comme dans "Station Eleven", de fantômes certes dans un sens un peu plus évanescent dans ce dernier opus.
Enfin deux des personnages principaux de "L'hôtel de verre", Paul et surtout sa demi-soeur Vincent, sont originaires d'un "trou perdu" au Canada, comme Arthur Leander et Miranda dans "Station Eleven".
On pourrait sans doute multiplier les points de rapprochement comme, aussi, le fait que Leon Prevant mènera, dans son grand-âge au sein du récit de "L'hôtel de verre", une vie qui ressemble de manière troublante à celle qui constitue le quotidien des personnages de "Station Eleven".
Pour ma part j'ai commencé par lire "L'hôtel de verre" avant de me plonger dans "Station Eleven". Peu importe l'ordre de lecture finalement puisqu'il s'agit de mondes parallèles et les deux romans existent indépendamment l'un de l'autre mais c'est intéressant de lire les deux et de les axer l'un par rapport à l'autre.
Enfin, j'oubliais, autre point commun, stylistique celui-là, il s'agit d'un "time-jumping novel", un roman où l'on saute constamment d'une époque à l'autre dans le récit, ce qui crée une sorte de tension ou suspense mais qui peut irriter.
Ici nous avons donc Paul, musicien talentueux mais étudiant médiocre avec de gros problèmes de drogue, et sa soeur Vincent, enfant d'un second lit dont Paul est envieux, ayant le sentiment d'avoir été abandonné par son père pour cette autre vie et cette autre enfant. Paul se voit pourtant offrir la possiblité de faire des études, une chance qu'il gâche allègrement, tandis que Vincent se retrouve à voguer d'un petit boulot à l'autre pour échouer finalement au poste de barmaid à l'hôtel de verre, un luxueux établissement proche du lieu de son enfance, coupé de tout en pleine nature. Paul viendra l'y rejoindre dans le personnel d'entretien pour un court moment jusqu'au jour où un graffiti à l'acide sur une baie vitrée de l'hötel se manifeste sous les yeux effarés de Leon Prevant, alors de passage : "Et si vous avaliez du verre brisé ?" Mais ce graffiti lui était-il vraiment destiné ? Peu après le propriétaire de l'hötel Jonathan Alkaitis, descend sur les lieux et quelque chose se noue entre lui et Vincent.
Vincent mènera une vie de luxe avec Alkaitis jusqu'au jour de la catastophe. Quant à son frère il resurgira dans des circonstances assez étonnantes....
Ce roman n'est pas aussi spectaculaire que "Station Eleven", bien sûr, mais son style est plus poétique, plus introspectif, une aura indéfinissable de mystère flotte aussi et on sent, une fois de plus, la présence de ces "mondes parallèles" en toile de fond. La description de cette sorte de machinerie infernale qui mènera à la mise en place par Alkaitis de sa pyramide de Ponzi, appréhendée non seulement du point de vue des victimes mais ici, et c'est le plus intéressant, de son point de vue et de celui de ses collaborateurs, est extrêmement fine et plausible. Que l'on puisse combiner crise financière et atmosphère élégiaque est assurément un tour de force et marque encore l'originalité de cette auteure. J'hésite maintenant à lire ses romans plus anciens, de peur d'être déçue. Aussi si certains d'entre vous les ont lus, je serais heureuse d'entendre votre avis?
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Certains livres nous tombent des mains et d'autres nous emportent…

C'est l'histoire de Vincent qui a perdu sa mère alors qu'elle était une adolescente de 14 ans.
C'est aussi l'histoire de son demi- frère Paul compositeur accro aux opioïdes ( dérives chimiques nettement plus dangereux des opiacés) mais aussi celles de Jonathan Alkaitis, conseiller financier, de Léon Prevant cadre supérieur dans une compagnie maritime, d'Olivia, artiste peintre et de Walter chef de la sécurité à l'hôtel Caiette sur l'île de Vancouver, l'hôtel de verre du titre.

C'est un livre curieusement construit qui nous balade dans le temps et entre les multiples personnages. On ne sait jamais ce qui va suivre, c'est assez déroutant et très intrigant.
Certains événements sont annoncés avant leur réalisation mais le lecteur n'a pas, alors, les clefs pour en comprendre tous les tenants et les aboutissants.
On avance à l'aveugle dans ce roman en se demandant notamment dans les premières pages quelle est l'histoire qui compte vraiment et si tel ou tel personnage va resurgir au détour d'une page ou d'un saut dans le temps.
Une lecture qui m'a donc demandé une certaine vigilance mais qui m'a emportée «  littéralement » dans un autre univers.
Le début commence par la fin, le dénouement final n'est donc pas une surprise et pourtant une tension et un suspense permanents parcourent tout le livre aux allures de conte un peu noir.. Tout est trouble et mystérieux à commencer par les personnages aux contours flous. Riches ou pauvres, bienveillants ou égoïstes, leurs fêlures et leurs erreurs les rendent humains et fragiles.

L'auteur livre également une réflexion sur l'art par le biais de deux peintres ( magnifique rencontre autour d'une étrange proposition) et de Paul qui accompagne des images et des vidéos en composant de la musique.Vincent réalise elle aussi des films d'auteur (?) avec sa petite caméra en respectant comme un TOC une durée fixe de cinq minutes.

Emily st John Mandel n'hésite pas à ancrer ce roman poétique dans le monde actuel en abordant la mondialisation des échanges effectués par voie maritime ou en utilisant comme ressort dramatique la pyramide de Ponzi, une « juteuse » opération financière.
Sa description des laissés-pour-compte des Etats- Unis, à l'exemple de ce couple de septuagénaires qui sillonne le pays à bord d'un camping-car en alternant les petits boulots et les temps de repos fait froid dans le dos.

L'auteur excelle à décrire des mondes connus ou inconnus, réels ou imaginaires. Ces mondes s'ouvrent au lecteur via les accidents de vie subis ou choisis par les personnages : royaume de l'argent digne d'un conte de fées, pays de l'ombre et contrevie où les morts viennent se mêler aux rêves et à la réalité.
Des phrases énigmatiques répétées comme des mantras : « Envolez moi », « Vous devriez avaler du verre brisé », « Nous connaissons tous ici la nature de notre activité » scandent les différentes histoires qui ne cessent de s'entrecroiser et de tisser des liens insoupçonnés entre les protagonistes.
Ce roman éclaté avec un impeccable compte à rebours final m'a pourtant laissée libre d'imaginer d'autres destins aux personnages peut-être dans une contrevie.
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Tout commence par une inscription à l'acide « Et si vous avaliez du verre brisé? » Intriguant n'est-ce pas? « Que peut signifier Et si vous avaliez du verre brisé ? à part J'espère vous voir mort ? » Qui a bien pu graver cette phrase, et pourquoi ?

Tout d'abord, bienvenue dans le monde de l'argent. Dans un hôtel de conte de fées, tout en verre, dans un lieu isolé et paradisiaque. Un hôtel qui ressemble aux milliardaires de ce monde : inaccessible - ou presque - étincellent de mille feux et écrasant les ombres qui gravitent autour de lui. Un univers de paraître, de paillettes, un monde de lumière.
Mais la lumière va décroitre … et on va finir par passer de l'autre coté du miroir… dans l'ombre..

Vous souvenez-vous de l'Affaire Madoff? Ce scandale financier qui a produit une onde de choc, ruiné un nombre incalculable de personnes, engendré des drames, des suicides…
Nul doute que l'affaire Madoff a inspiré le roman. Tout comme ce magnat de la finance, Jonathan Alkaitis, le personnage autour duquel gravite le roman incarne la puissance et l'argent, la réussite et le glamour, jusqu'au jour où il se voit condamné à « cent soixante-dix ans  de prison assortis d'une période de liberté surveillée à l'issue de la peine.»… Là aussi on semble transporté dans un autre monde… une dimension qui nous dépasse…c'est juste surréaliste… tout comme un monde où les fantômes du passé se promènent, les personnes se matérialisent et disparaissent, un monde dans lequel l'illusion est reine, un monde dans lequel les gens veulent croire à ce qu'ils savent impossible au fond d'eux…

Au programme : l'argent, la disparition d'une femme, une crise financière, la chute d'un homme, d'un système…

Tous les personnages sont pour ainsi dire des solitaires, des gens qui n'ont pas d'attaches, pas d'amis… des connaissances oui, mais pas - ou plus - de stabilité dans la vie. 
Les personnages sont hors-norme aussi… Il y a la barmaid, Vincent - cette fille au prénom d'homme et son demi-frère, un musicien à la poursuite du succès. Personnage intéressant que cette Vincent qui traverse la vie en se coulant dans la peau des personnages qu'elle interprète, comme une actrice se coule dans le rôle de ses personnages et mue au fil des rôles et gardant un point fixe : faire des petites vidéos de 5 minutes et regarder/garder ainsi le monde à distance, grâce à l'objectif de la caméra. Il y a aussi une artiste peintre qui a connu le frère du magnat de la finance, il y a des investisseurs qui vont confier leur argent à Alkaitis. Toutes ces vies vont s'entremêler, se croiser, se faire et se défaire…
Un roman noir social, psychologique, mélancolique aussi, qui nous parle de la perte, du manque, de la culpabilité, des disparitions, des fantômes de ceux qui nous ont quitté et qui hantent notre vie. C'est aussi un roman sur l'invisibilité… les gens qui se fondent dans le décor, qu'on ne remarque pas et ceux qui explosent à la vue de tous, des gens qui deviennent invisibles, en disparaissant de la lumière. 
Le roman parle aussi des personnes qui se voilent la face, aiment vivre dans l'illusion, en occultant dans leur esprit la réalité qui leur crève les yeux mais à laquelle ils ne veulent pas croire pour se persuader que l'illusion est la réalité. C'est confortable de s'installer dans le mirage et de fermer les yeux sur ce qui dérange… mais le réveil est brutal…

Le roman parle aussi des difficultés de la société, de cette société des gens de l'ombre, qui vivotent en marge, dans la peur du lendemain : ces personnes que l'on refuse de voir car elles nous angoissent… cette frange invisible de la société qui existe pourtant et dont on pourrait bien faire partie un jour si le sort s'acharnait sur nous: des survivants à la dérive, qui sortent à peine la tête hors de l'eau . Et de la chute des géants…
J'ai beaucoup aimé le concept de la contrevie, dans laquelle se réfugie Alkaitis ; après avoir vécu dans le monde hors réalité des milliardaires, il plonge dans la vie derrière les murs de la prison, qui n'est pas non plus la vraie vie. Il passe de la lumière à l'ombre, d'une cage dorée à une cage tout court: coupé de la réalité, dans une sorte d'univers parallèle, un refuge, une contrevie qui n'est pas faite de souvenirs mais qui est un monde inventé, imaginé, où se meuvent des fantômes qui sont en quelque sorte les manifestations de sa conscience qui ne le laisse pas en paix et fait revivre les personnes qui ont disparu, victimes de ses actes ou pas et qui ont quitté ce monde, son monde et se rappellent à lui.
Je vous invite à suivre la vie de ces hommes et ces femmes et je remercie une fois encore Barack Obama pour avoir pointé du doigt un livre passionnant qui sort des sentiers battus et qui est très bien écrit .

Lien : https://www.cathjack.ch/word..
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Tout commence par la fin mais ce n'est qu'à la fin que le début prendra tout son sens. L'hôtel de verre est un récit à la trame narrative décousue et où la ligne du temps est maltraitée. La construction est tortueuse mais habile. Tous les éléments nous sont donnés au fur et à mesure de la lecture mais la compréhension ne se fait qu'une fois les pièces assemblées. Bref L'hôtel de verre est un immense puzzle où s'entremêlent les points de vue de divers personnages et à des époques différentes.

L'hôtel de verre est un roman qu'il faut découvrir et c'est pour cela que je ne vais pas vous donner beaucoup d'informations sur l'histoire. L'autrice nous narre la vie de Vincent, une jeune fille qui a perdu sa mère lorsqu'elle était adolescente. Mais aussi celle de son demi-frère Paul - un accroc aux opiacés, de Jonathan Alkaitis - un riche homme d'affaires, d'Olivia - une artiste peintre, et d'autres encore. Roman choral par excellence commençant comme un thriller mais qui dérive rapidement vers le roman psychologique tout en se dirigeant vers la scène économique pour au final être un grand roman familial.

Outre l'histoire, le point fort est cette galerie de personnages tous croqués avec justesse, l'autrice dresse des portraits d'hommes et de femmes de notre monde. Tous ne sont pas exemplaires, certains sont même imbuvables mais Emily St. John Mandel arrive à tirer le meilleur de tous ces êtres tourmentés.

Pour conclure, L'hôtel de verre est un roman inclassable, au suspense permanent, à la tension folle, drapé d'une terrible noirceur, déstructuré le tout porté par la plume fluide et agréable d'Emily St John Mandel. Un roman étrange et envoûtant qu'il est difficile de lâcher.


Lien : https://les-lectures-du-maki..
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Vincent (qui est une femme), est barmaid dans un palace perdu sur une île de Vancouver (au bord d'un lac, on ne peut y accéder qu'à pied, et il s'adosse à la forêt), un hôtel paradisiaque, hors du temps et de l'espace, derrière les vitres immenses duquel se détend un monde de la finance luxueux, et sur lequel règne Jonathan Alkaitis, escroc de haute voltige. Flottement, narration éclatée, sinueuse, elliptique, ambiance mélancolique typique des romans de St John Mandel, happent le lecteur d'un bout à l'autre du roman, et racontent avec une grande virtuosité ce monde de la finance coupé du réel, et le destin de Vincent, qui bascule lors de sa rencontre avec Alkaitis. Un roman envoûtant.
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