Point de vue intéressant sur la littérature, surtout un des rares point de vue féminin de cette époque.
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Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment douloureux de l'incomplet de sa destinée. Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vie commune ; ils arrondissent, pour ainsi dire, leur existence, et suppléent à ce qui peut leur manquer encore, par les illusions de la vanité : mais le sublime de l'esprit, des sentiments et des actions doit son essor au besoin d'échapper aux bornes qui circonscrivent l'imagination.
L'être humain se sent tellement passager qu'il a toujours de l'émotion en présence de ce qui est immuable.
L'existence des femmes en société est encore incertaine sous beaucoup de rapports. Le désir de plaire excite leur esprit ; la raison leur conseille l'obscurité ; et tout est arbitraire dans leur succès comme dans leur revers.
Mais il ne faut pas tracer autour de la pensée de l'homme un cercle dont il lui soit défendu de sortir ; car il n'y pas de talent là où il n'existe pas de création, soit dans les pensées, soit dans le style.
Les tragédies grecques sont donc, je le crois, très inférieures à nos tragédies modernes parce que le talent dramatique ne se compose pas seulement de l'art de la poésie, mais consiste aussi dans la profonde connaissance des passions.
GERMAINE DE STAËL / CORINNE OU L'ITALIE / LA P'TITE LIBRAIRIE