AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ghjanlucca


BAR FLAUBERT, Grèce : Kédros 2001, France : Altérédit 2003

A bientôt 40 ans, Iannis Loukas n'a pas encore fait de choix existentiels. Vaguement journaliste, cet Athénien de 1998 ne connaît pas de souci majeur, son emploi du temps se compose un peu comme celui d'un éternel adolescent, partagé entre copains, aventures amoureuses et quelques contraintes de ci de là. Non émancipé de la sphère familiale, il travaille avec son père, écrivain réputé, à son autobiographie. C'est en manipulant ces documents accumulés tout au long d'une vie qu'il découvre un manuscrit adressé autrefois à la sagacité paternelle par un écrivain débutant, Loukas Mattheou, en quête d'une critique éclairée.
Ce texte suscite autant d'enthousiasme chez Iannis que de désaveu chez son père, voire de colère. Les mises en garde paternelles, ajoutées à l'infinie séduction des mots, ne font d'ailleurs que renforcer l'intérêt de Iannis. Il se laisse emporter par cette puissance poétique qui semblait n'attendre que lui pour renaître. Une histoire d'amour entre le narrateur et une certaine Léto, aventures métaphoriques dont il lui faut déchiffrer les codes et retrouver les clés étape après étape. Cela l'entraine loin de la Grèce, dans l'espace et dans le temps ; il voyage à ses risques et périls à la recherche d'un auteur de plus en plus mystérieux dont les mots le bouleversent toujours davantage. Ainsi va-t'il renouer les fils du passé, croiser l'amour véritable et le danger réel, rencontrer les protagonistes d'un roman qui n'est plus ni rêve, ni réalité, ni présent, ni avenir, mais la fiction de toute vie entre la force des souvenirs, avoués ou non, et celle du quotidien et de ses leurres.
Iannis répond aux énigmes que semble lui avoir lancé depuis toujours un maître du jeu capricieux : peut-être le Destin ? Sachant que toute quête de l'autre est d'abord une quête de soi et que la connaissance se mesure à l'état de solitude dans lequel elle nous laisse. C'est sa propre renaissance que Iannis met en scène, quant à Léto (dont le nom pourrait signifier « celle qui est cachée » selon certains mythologues) sa pudique apparition donne à l'ensemble une note digne de l'Antique.
Virtuose de l'écriture, Alexis Stamatis, traduit par Laure Pécher, est aussi un architecte qui sait sans doute aussi bien équilibrer matériaux et volumes que mots et idées.
Après une mise en place rapide de l'intrigue, A. Stamatis nous entraine sans répit vers le dénouement et ses surprises. L'enquête qui sous-tend le roman s'appuie sur un livre chargé de mystères. Un livre dans le livre, l'auteur se sort bien de cette difficulté en faisant de cet autre texte un personnage à part entière qui apporte sa part au récit sans le doubler, sur un ton différent ; au même titre que les autres personnages, tous précis et consistants, chacun sont des éléments essentiels à l'ensemble, relais humains d'une énigme littéraire ; comme un mobile de Calder la vérité prend forme dans l'espace du regard, et il y a autant de formes que de regards présents et à venir.
Ce livre me fait réellement regretter de ne pas pouvoir le lire directement dans sa langue d'origine. Me reste à espérer que bientôt d'autres Stamatis vont être traduits en français...
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}