Citations sur Un Américain en Picardie (9)
« Je vous présente madame Aurélie verdier, qui s’occupe de la comptabilité.» […]
Désarmé par cette arrivée incongrue, Bradley bredouilla une réponse dans un charabia incompréhensible. Cette fille ne cadrait pas avec le décor : dans une atmosphère rétro qui régnait là, il se serait attendu à une employée désuète ; une quinqua à chignon, ou un personnage à la Eugénie Grandet.
Mais Aurélie n’avait pas ce profil. […] Elle portait une robe sombre et bon marché qui épousait parfaitement ses formes. Bradley l’imaginait trente secondes en maillot de bain…
Désolé, je n’ai pas photos d’Aurélie à vous proposer… pour confirmer ou infirmer les propos de l’américain.
Il (en) fut comblé comme un homme qui apprend simultanément qu'il vient de gagner le gros lot au loto et que sa belle-mère est morte.
"Monsieur Bernard, vous prendrez bien quelque chose ? [...]
- Ma foi, ce n'est pas de refus", acquiesça Bernard, ses traits se plissant pour esquisser un sourire. C'était un réflexe de Pavlov : la simple mention d'une boisson alcoolisée pouvait dérider un Français, là où seules les stock-options agissaient sur les Américains.
Bradley avait pigé au quart de tour : sa tâche était de réduire les coûts de production et de rendre l'usine plus intéressante pour qu'elle soit revendue, dans six mois, dans deux ans au maximum. Tout dépendait comment les choses allaient se passer. S'il pouvait améliorer rapidement le tableau des profits, il rentrerait à Dallas et s'assurerait le grand bureau dans l'angle pour l'année suivante. Sinon, on pourrait "le pousser dans la cage d'ascenseur", la métaphore de H& T pour désigner une mise au placard dans l'un des étages du bas avec une vue directe sur le parking.
La voiture arriva à Anizy, et Fabre De Beauvais se tourna vers Bradley une dernière fois.
"Dites-moi. Savez-vous ce qu'est le Code du travail? Des RTT? Avez-vous entendu parler de l'URSSAF?
- Non répondit Bradley et il pensa : Miss Bennet ne m'a jamais appris ces mots-là."
Heureusement, il avait appris le français au lycée avec Miss Bennet, qui le considérait comme son meilleur élève- et ce n'était pas une mince affaire : aucun garçon n'étudiait cette langue aux Etats-Unis, à moins d'être gay ou hésitant sur son orientation sexuelle. Les douze autres élèves de la classe étaient des filles et constituaient ce qu'elles appelaient "Le harem de Jonathan". Miss Bennet trouvait ça déplacé.
"Dégraisseurs, au poteau! Dégraisseurs, au poteau !" devint la nouvelle rengaine, scandée à pleine gorge par les grévistes. Bradley crut distinguer les voix de Jojo et d'Aurélie, s'égosillant encore plus fort que leurs collègues. Il imagina ce que Louis XVI avait dû ressentir.
Bradley frappa ensuite à la porte des expéditions et entra. Il y trouva Marie-Claire qui se coiffait devant un petit miroir posé sur le bureau, et Jean, assis, qui regardait les mouches voler, l'air ailleurs, post-coïtal. Il avait les cheveux en nid d'oiseau.
A chaque fois qu'il venait dans ce service, Bradley avait l'impression de déranger.
"Un petit réveil l'arrachait de son sommeil tous les matins au son strident des flashs de France-Info. Plus efficace que la caféine ! Le pays semblait à feu et à sang : grèves, grogne, revendications, montée de la délinquance juvénile, notamment dans les banlieues. (…) Un sociologue parisien affirmait que la France était en voie "d'américanisation".