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Critique de Presence


Ce tome contient un récit complet, paru en 2014, sans sérialisation préalable, sous la forme d'un album. L'histoire a été écrite et dessinée par Jim Starlin (le créateur du personnage Thanos), encrée par Andy Smith, avec une mise en couleurs de Frank d'Armata, assisté par Rachelle Rosenberg. Il bénéficie d'une introduction d'une page très pénétrante, écrite par Douglas Wolk, journaliste pour le New York Times, Time magazine et d'autres.

L'histoire s'ouvre sur la création de l'univers à partir d'un néant blanc (en 1 page), suivi par une discussion entre les personnages incarnant l'éternité, l'infini et le Tribunal Vivant. La scène suivante montre Thanos affalé dans son fauteuil, un filet de bave aux lèvres, à bord de son vaisseau Sanctuary IV. Il a senti un déséquilibre dans l'état de l'univers, sans réussir à en identifier la nature ou la source. Il a projeté son image à bord du vaisseau des Gardiens de la Galaxie, pour s'enquérir si Drax perçoit ce même décalage. Puis il se rend dans le domaine de la Mort pour consulter le puits de l'Inifini (Infinity well). Il ressort de ce bref séjour dans son domaine, avec un indice sur un objet lié à cet état, ainsi qu'un individu désincarné qui le suit.

En 2012, la séquence après les crédits du film Avengers montre un individu violet à forte carrure : Thanos. Cette notoriété soudaine a conduit Marvel à rééditer les récits les plus marquants où apparaît ce personnage, ainsi qu'à renouer des relations éditoriales avec Jim Starlin son créateur (même si Marvel détient les droits de propriété intellectuelle de Thanos). En VO, le lecteur profite alors d'une série de rééditions soignées, allant des premières apparitions du personnage (Avengers vs. Thanos) jusqu'à Infinity abyss (2002), en passant par l'inévitable Infinity gauntlet (1991), sans même oublier Marvel universe: the end (2003).

Autre bénéfice : les responsables de Marvel commandent une nouvelle histoire de Thanos à Starlin, certainement dans le cadre d'un accord préventif pour lui offrir une forme de reconnaissance (pour ne pas dire compensation) du fait qu'il est le créateur du personnage (mieux vaut pour l'image de marque de l'entreprise Marvel que l'auteur soit satisfait de son sort, plutôt qu'il s'épanche sur le manque de considération au travers des réseaux sociaux).

Dès la première séquence, le lecteur constate que Starlin est en pleine forme, et égal à lui-même. le cadre cosmique est posé avec l'évocation de la naissance de l'univers (même si la question sur son commencement fait son âge, car elle ne prend pas en compte les travaux plus récents d'astronomes comme Stephen Hawking). Dans la deuxième séquence, Thanos apparaît massif, trônant sur son fauteuil et déjà en train de mettre en oeuvre une stratégie attestant qu'il a plusieurs longueurs d'avance sur tout le monde.

Comme dans les précédents récits consacrés à Thanos, Jim Starlin fait figure d'employé modèle. Il a bien fait ses devoirs, et ses recherches, faisant état à plusieurs reprises de la continuité en vigueur en 2014, que ce soit pour les gardiens de la galaxie (où il met en avant Drax et le duo vedette formé par Rocket Raccoon & Groot), le petit souci de continuité lié à la réapparition de Thanos (sans explication) après sa disparition au cours de The Thanos imperative, ou encore l'existence de l'équipe cosmique de choc des Annihilators, créée par Dan Abnett et Andy Lanning.

Comme dans les précédents récits consacrés à Thanos, Jim Starlin intègre Adam Warlock à l'histoire, ces 2 personnages incarnant une variation du yin et du yang. Comme d'habitude, le lecteur se dit que Starlin cède un peu à la facilité en répétant le schéma habituel des récits estampillé Infinity en faisant interagir ses 2 personnages fétiches. Comme d'habitude, la lecture de "Infinity revelation" produit de prime abord un drôle d'impression, un mélange un peu heurté d'une quête d'un objet de pouvoir indéterminé, avec un risque à l'échelle de l'existence de l'univers, et des combats physiques parachutés pour remplir le quota contractuel, pour aboutir à une séquence métaphysique à la portée toute relative.

Bien que Starlin ne s'encre pas lui-même, il est visible qu'il a pris le temps de peaufiner ses dessins. Pour commencer, il a enfin investi dans un logiciel infographique qui date de moins de 15 ans et les effets spéciaux sont moins ridicules que sur ses précédents travaux (ou alors il a délégué la tâche de réaliser des arrières plans à l'infographie aux 2 metteurs en couleurs). Ensuite, il est visible qu'il a recours régulièrement au raccourci qui consiste à situer une scène dans un endroit désertique pour s'économiser sur les décors, mais il gère la surface de la case de manière à en occuper la majeure partie. Ainsi la densité d'informations visuelles reste satisfaisante. Enfin quand la séquence le requiert, il sait réaliser des décors détaillés qui permettent au lecteur de s'immerger dans l'endroit décrit.

En surface, le lecteur prend plaisir à lire un récit de superhéros de type cosmique, avec quelques invités surprises utilisés à bon escient et le risque de la destruction de toute la réalité. À y regarder de plus prêt, dès la page 4, le lecteur a le plaisir de voir que Starlin rehausse son récit de quelques touches discrètes d'autodérision montrant qu'il ne se prend pas trop au sérieux. Cela commence avec la première image de Thanos, avec le petit filet de bave au coin de la bouche comme n'importe quel usager assoupi des transports en commun. Dans la séquence suivante (à bord du vaisseau des gardiens de la galaxie), voilà que le costume de Drax subit des fluctuations, oscillant du simple pantalon avec des gros tatouages rouges, à son ancien costume violet. Thanos va également évoquer les différentes tenues vestimentaires d'Adam Warlock au fil des époques.

Arrivé au milieu du récit, Warlock et Thanos passent en revue les agissements de ce dernier évoquant tout (y compris Akhenaten) qu'il s'agisse des histoires écrites par Starlin ou par d'autres (Starlin n'hésitant pas à égratigner les autres scénaristes qui ont écrit le personnage sans respecter son profil psychologique), Warlock raillant Thanos pour sa propension à tabasser les superhéros plutôt que de discuter avec eux. Il s'offre à nouveau une séquence au cours de laquelle Thanos bat à plate couture quelques superhéros (les Annihilators) pour bien rappeler qu'ils n'arrivent pas à la cheville de Thanos qui est au dessus de la mêlée.

Alors que la fin peut laisser un goût d'incompréhension au premier degré, en y réfléchissant, Starlin s'en sert comme d'une métaphore pour relativiser l'importance de la continuité et le changement de psychologie des personnages manipulés par des scénaristes successifs. Starlin jette un regard apaisé sur les distorsions de continuité (pour ne pas dire les incohérences), indiquant que ce qui importe au final, c'est avant tout les qualités intrinsèques du personnage que le créateur lui a insufflées. Il finit même par justifier de manière convaincante le retour au statu quo et sa nécessité pour des personnages récurrents de fiction : une belle déclaration d'amour au médium des comics, une belle acceptation des avanies que subissent des personnages récurrents de fiction qui passent aux mains d'auteurs successifs.
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