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EAN : 9782800129723
72 pages
Dupuis (25/10/2000)
3.71/5   63 notes
Résumé :
Dépenaillé, les yeux brûlants de fièvre, Déogratias erre dans les rues de Butare, au Rwanda. Déogratias, pauvre fou, a besoin d'urwagwa, toujours plus d'urwagwa, la bière de banane. Pour oublier. Pour oublier qu'il n'est plus qu'un chien terrorisé par la nuit. Pour oublier les cauchemars qui le hantent. Pour oublier que lui, le Hutu, a lâchement assassiné les femmes Tutsi qu'il aimait. Mais peut-on effacer de son esprit et de son corps la trace poisseuse du sang et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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C'est l'histoire d'un petit garçon, prénommé Déogratias. C'est un Hutu. Il a l'air perdu dans son village, un peu fou, traumatisé par le génocide rwandais qui a eu lieu en 1994 et qu'il a vécu, il en gardera des séquelles. Alcoolique, ne jurant que par l'urwagwa, une bière locale, il erre dans les rues à la recherche de ce breuvage. Au gré de ses rencontres, il se souvient du drame qui a secoué son pays, de l'horreur de cette épuration ethnique à laquelle il n'a pas eu d'autres choix que d'y participer...

Stassen nous fait revivre à travers les yeux de ce petit garçon le massacre qui s'est déroulé en 1994 et qui a fait un million de morts, n'épargnant ni femmes ni enfants. Il nous raconte cette histoire habilement construite, à l'aide de flash-back, la vie de Déogratias, avant et après le conflit.
A mi-chemin entre le conte et la réalité, on se prend d'affection pour cet enfant qui a dû subir ce génocide. Stassen s'est lui-même rendu sur les lieux en 1997 afin de rendre plus crédible son histoire.
Ses dessins, en parfaite adéquation avec le propos, sont parfaitement maîtrisés.

Déogratias.... au coeur du conflit....
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Rwanda, 1994. Entre avril et juillet de cette année, 800 000 personnes sont massacrées ; Tutsis pour la grande majorité, elles sont tuées par leurs propres compatriotes rwandais, de l'ethnie Hutu. Dire l'indicible est un oxymore insoluble. Pourtant, c'est ce à quoi s'emploie Jean-Philippe Stassen dans cet album. Témoigner, donner la mesure de l'horreur, un aperçu tout du moins, tant chaque meurtre est épouvantable, tant chaque exaction commise répugne.

Stassen ne heurte pas frontalement le génocide rwandais. Dans Deogratias, il le contourne, en montre les causes, en déplore les conséquences et, seulement à la fin de l'album, en expose sa cruauté et son ignominie. Pour cela, Stassen se met à hauteur d'hommes : la statistique, si impressionnante soit-elle, ne parle pas. L'expérience humaine, elle, permet l'identification, ouvre à des sensations tels que le dégoût, la tristesse, la colère, la consternation. Deogratias, le personnage qui donne son nom à l'album, est un jeune Hutu (mais Rwandais avant tout, comme il le précise) qui aide à la mission catholique. Un peu gouailleur, un peu rêveur, un peu dragueur aussi, Deogratias est amoureux d'Apollinaire et, à défaut d'en être aimé en retour, séduit sa soeur, Bénigne. Si certaines émissions radios qualifient déjà les Tutsis de cancrelats, si les professeurs d'école pointent avec froideur les différences ethniques du pays, aucune violence physique n'est encore à déplorer. Mais après l'assassinat du président, les massacres commencent. D'eux, on ne verra rien : parti pris de l'auteur qui peut étonner (parler d'un génocide et ne pas le montrer) mais trouve sa justification dans la construction de l'oeuvre.

Car la narration se construit justement sur la comparaison entre l'avant et l'après génocide. Deogratias est devenu fou : il erre dans les rues de sa ville, quémandant de la bière de banane, rencontrant et empoisonnant les hommes qu'il a croisés durant les mois de tuerie. Deogratias délire, se sent persécuté par les chiens qui dévorent le ventre des gens, se sent même devenir chien à la nuit tombée. Stassen, ici, ne se contente pas de la métaphore littéraire : on voit physiquement Deogratias se transformer en chien : preuve effrayante de la perte d'humanité, constat terrible de l'homme fait bête. La folie, comme la boisson (cette quête continuelle de l'urwagwa), sont le refuge de Deogratias. C'est la peur qui l'habite et le dirige après le génocide. Car Deogratias n'en a pas été seulement le témoin : il en a été l'acteur.

Sans doute manque-t-il - et c'est là le principal manque de la bande-dessinée - des éléments pour comprendre comment Deogratias, qui se dresse d'abord contre ces bandes de tueurs pour sauver Bénigne qu'il cache, commet les actes odieux qui le conduisent à la folie. Sans doute les menaces de mort qu'il reçoit le convainquent-elles, et peut-être la propagande radio joue-t-elle aussi un rôle. Toujours est-il que, pour sauver sa vie, Deogratias abandonne son humanité. Il n'est pas le seul. Les hommes d'Eglise fuient, eux aussi, laissant le pays à ses démons. On observe aussi avec impuissance le rôle ambigu des armées occidentales qui laissent faire, à l'image de ce lieutenant ou adjudant que retrouvera Deogratias après les événements. Il y a donc, tant dans l'armée que dans l'Eglise, ce double discours, antinomique, de la prétention paternaliste qui se transforme en fuite éhontée ou en indifférence sitôt que les massacres commencent.

Graphiquement, Stassen use d'un trait rond et appuyé, à la manière, en quelque sorte, des comics. La couleur, toutefois, ajoute une profondeur qu'il convient de ne pas négliger. Certaines cases sont magnifiques, notamment quand Stassen travaille sur le ciel à l'aube ou au coucher. Les nombreux détails finissent de solidifier le décor d'un Rwanda déchiré par ses habitants. Oui, les drames se jouent parfois dans de vertes vallées, et le firmament ne se teint pas plus de noir si ce qu'il observe est terrifiant. A défaut d'être exhaustive - mais c'est là un défi bien colossal et probablement irréalisable -, la bande-dessinée garde en mémoire ces événements marquants de la fin du 20ème siècle, et ouvre des pistes de réflexion multiples. C'est par cela, et aussi parce qu'elle rappelle avec acuité et émotion ce que furent ces cent jours de malheurs au Rwanda, que Deogratias est une bande-dessinée précieuse.
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Il ne suffit pas d'exploiter un thème très sérieux comme un génocide pour obtenir mon adhésion ne serait-ce que par sympathie. Encore faut 'il que cela soit traité correctement. Au fil de ma lecture, la construction et les enchaînements sont si mal réalisés qu'on ne sait plus où l'on se situe réellement au niveau des flash-back sur l'avant et l'après.

Des contradictions, un contexte inexpliqué : cette BD se contemple comme une forteresse imprenable. C'est âpre et dur à la fois mais les promesses de cette Bd ne sont pas tenues. C'est bourré d'idées mais trop complexes pour convaincre.

Par ailleurs, le dessin ne m'a pas convaincu tant le trait semble gras et simpliste. C'est vrai que le graphisme est une question de goût personnel. En l'espèce, je n'adhère pas.

Pour autant, j'admets que l'auteur avait au moins essayé de faire passer un message selon sa propre construction. Je dois également tenir compte de cela dans ma notation pour éviter la note minimale.
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Il m'a fallu beaucoup d'années avant de me décider à lire Déogratias. Quelques pages aux couleurs bien sombres, feuilletées au hasard de librairies, ne m'y avaient guère incité. Maintenant que c'est chose faite, je pense qu'il faut prendre le temps d'entrer dans l'histoire, suivre son rythme assez lent que retardent en effet de nombreux flash-backs (aisément repérables , car les vignettes concernées ne sont pas encadrées par un trait noir comme les autres). Prendre d'autant plus son temps que plusieurs éléments ne s'éclairent que dans les toutes dernières pages. Et ne pas hésiter à relire, à revoir chaque vignette dans ses détails souvent fouillés, révélateurs du pays et du moment d'histoire en cause. Ne pas attendre non plus une explication ou une fresque du génocide : ce n'est qu'un conte, mais un conte terrible, autour d'une poignée de personnages emblématiques de l'époque et de ses protagonistes. Un détour préalable par les livres de Jean Hatzfeld ne serait pas superflu pour qui voudrait aller au coeur du génocide. Mais l'on peut tout aussi bien suivre le cours imparable d'une tragédie où sont entraînés une poignée d'humains dérisoires de fragilité ou bassesse. Humanité poignante des victimes, laideur des coupables, et puis ce personnage halluciné et hallucinant mi- humain, mi-chien, rendu fou par l'horreur. Un grand, grand ouvrage, écrit à peine six ans après les faits, au ton juste, très bien informé, en bref la BD dans toute sa magnificence (des images paradoxalement très belles), la BD dans toute son importance, car levant le voile sur un pan peu glorieux de la fin du 20e siècle et dans lequel la France n'est pas exempte de lourds soupçons.
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Le jeune Déogratias à perdu la raison en même temps que le génocide Rwandais était perpétré.
En suivant son itinéraire parmi beaucoup de flash-backs avant et pendant les événements de 1994, cette bande dessinée nous interroge sur la folie qui le touche, lui qui a tant perdu pendant ces massacres, et sur la folie de ceux qui les ont aussi vécus sans en être traumatisés, où se trouve la vraie folie ? Où se trouve la vraie humanité ?
l'oeuvre nous touche de plein fouet, et l'auteur nous fait réfléchir sur l'endoctrinement et l'effet d'entrainement dont nous pouvons tous être les victimes avant de nous transformer en bourreaux.
Le trait et la couleur de Stassen sont extraordinaires, et leur côté enfantin contraste avec le sujet et le déroulé du récit. Les couleurs sont chatoyantes, les formes arrondies, et elles participent au choc reçu par le lecteur qui au détour d'une page se trouve enfoncé dans la noirceur et l'horreur.
Une oeuvre magnifique et terrible qui reste dans la mémoire
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
- Déogratias, quelle est la signification de ce...rite ? Pourquoi a-t-elle goûté l'Urwagwa avant de nous le donner ?
- Pour nous montrer qu'il n'est pas empoisonné, pardi !
- Empoisonné ?
- Et de la même façon, quand nous quitterons cet endroit en demandant à la cabaretière qu'elle remplisse la bouteille vide, que nous avons apportée, elle goûtera le breuvage afin de nous prouver qu'il ne contient nul poison et que nous pourrons nous en délecter chez nous en confiance.
- Mon Dieu ! Quelle étrange habitude !
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- ...Hutu, Tutsi... ce sont les blancs qui ont inventé ces différences entre nous ! ils ont inscrit ces mots sur nos cartes d'identité ! ...
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J'avais la nostalgie d'ici; alors, j'ai rappliqué mais en touriste cette fois.
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Les chiens, et ma tête qui s'évapore, qui se répand dans la nuit. J'ai peur de la nuit. Les étoiles sont refondues par les ventres, et ma tête est toute pleine de froid.
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Tout ce que j'ai fait, c'était pour vous !
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Vidéo de Jean-Philippe Stassen
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