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Il m'est souvent difficile de finir les pages d'une série qui m'a accompagnée des heures durant. Je clos là une trilogie particulièrement grandiose, avec des phrases bouleversantes, des sentences qui m'ont pour certaines touchée, pour d'autres transpercée. Avec ces paysages typiquement islandais emplis de glace, de montagnes vertigineuses, de neige sous toutes ces formes, de mer à la fois hostile et nourricière. Avec toute une galerie de personnages, souvent rugueux de prime abord, mais attachants qui ont tous eu leur lots de drames et de bonheurs.

« le coeur de l'homme », troisième tome de la trilogie de JK Stefansson, après « Entre ciel et terre » et « La tristesse des anges » doit-il son nom à une facette cette fois plus engagée, plus militante de l'auteur, plus introspective aussi ? En s'éloignant un peu des éléments naturels par rapport aux deux premiers tomes, il se concentre là davantage sur les injustices faites aux faibles, notamment aux femmes, aux artistes et aux pauvres. Comme s'il voulait davantage sonder le coeur de l'Homme, scindé en deux, oscillant entre bonheur et désespoir. Oui, JK Stefansson prend parti et donne la parole davantage aux opprimés. La musique, bien présente dans ce tome, et la poésie, encore et toujours, pour affronter la violence, l'égoïsme, les rumeurs et les préjugés, le pouvoir, la cupidité, la cruauté.

Et cette voix d'outre-tombe en filigrane, comme dans les précédents livres, qui nous ordonne de ne pas vivre comme un idiot, en oubliant d'être soi, en oubliant ses rêves. « Les rêves sont la lumière qui éclaire l'homme, la clarté qui le nimbe ; en leur absence il n'y a que les ténèbres ». Cette ritournelle nous met en garde

Mais comment survivre dans ce pays où même l'arrivée du printemps est compliquée et assassine les faibles : « il vient vers nous avec la lumière, les couleurs, le jaune des fleurs et les chants d'oiseaux, il verglace la couche de neige qui fond et se transforme en une insupportable soupe pendant quelques jours, l'humidité s'infiltre dans les fermes en tourbe dont certaines reposent encore sous le manteau neigeux, parfois profondément enfouies, les lits suintent, on est transi quand on s'endort, glacé lorsqu'on s'éveille, l'humidité s'immisce jusque dans les os » ?
Comment vivre dans une île où les étés sont si brefs et capricieux qu'on dirait parfois qu'ils n'existent pas ?

Comment vivre heureux dans ce pays rude, au début du 20ème siècle, lorsqu'on est différent, poète ou femme libre notamment ? le gamin n'a que la poésie comme arme, et la soif de connaissances pour unique horizon alors que pour être un homme, un vrai, et se fondre dans la communauté, il faut être avant tout viril, vulgaire, costaud, peu sensible. Les femmes indépendantes, non soumises, qui vivent comme bon leur semble, sans mari, en faisant fi des convenances et de la bienséance sont également très mal vues car normalement : « C'est toujours la femme qui doit courir de toutes parts et penser à tout le monde en même temps ; quant aux hommes, ils engloutissent le repas, debout, parfois le dos appuyé contre quelque chose, c'est une vertu que de manger vite, celui qui mange le plus vite est le plus homme parmi les hommes, la nourriture est là pour être déglutie, et non dégustée. »
Comment espérer dans un pays où l'on travaille dur et où l'on s'épuise au travail sous les ordres de quelques hommes puissants et démoniaques ?

Oui comment vivre heureux dans ce pays mais, bon, « le café et le courant marin du Gulf Stream font de ce pays, de cette île reculée, calcinée, battue par les vents, mais parsemée de vertes vallées qui sont comme des rêves entre les murailles rocheuses, une terre pratiquement habitable ». Nous pouvons ajouter la poésie, celle de JK Stefansson, mise en lumière par l'exceptionnelle traduction d'Eric Boury, qui réchauffe et fait oublier ces injustices. La beauté des femmes est toujours autant magnifiée, qu'il s'agisse de la mystérieuse Álfheiður aux cheveux d'un roux flamboyant et dont « les taches de rousseur qui lui barrent le visage en passant par le nez et les joues forment comme une ceinture d'étoiles », ou d'une simple serveuse « elle remplit les tasses, les verres de cognac, elle est jeune, ses mouvements sont fluides comme ceux d'une longue herbe oscillant au fond d'un ruisseau, elle ne lève jamais les yeux, ils n'ont pas l'occasion de voir ces yeux, ces deux joyaux bleus, et elle ne se laisse pas impressionner bien que tous la regardent, l'observent, tandis que la braise remonte en crépitant doucement le long de leurs cigares rigides. »

Reconnaissons que l'homme n'est pas vraiment mis à l'honneur dans ce livre et que l'auteur islandais est parfois même sans pitié : « Les hommes tiennent des propos incroyables avant d'assouvir leur désir ou pendant qu'ils le font, tout ce qui se murmure, les phrases haletantes, les serments abyssaux qui ne sont que surface n'ont plus aucune valeur lorsque tout est fini, qu'on a joui, que le membre n'est plus érigé, tout gonflé de désir, de volonté de vivre, mais qu'il pend, épuisé, comme un lambeau de peau entre les cuisses. »

Cette trilogie est rude, poétique et surtout profondément humaine. La lumière du gamin scintillera longtemps en moi. Laissons la parole à l'auteur pour clore ce ressenti, auteur que je considère comme un grand, très grand Ecrivain, il me semble que tout est contenu dans cet extrait : « La délicatesse est mon rêve le plus vrai, dit un très vieux poème, et ce vers scintille à travers le temps, c'est vrai, la délicatesse et la fragilité sont le coeur de l'homme, nous le percevons douloureusement au printemps, lorsque l'existence danse sur le fil du rasoir, entre vie et mort. »

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J'ai les larmes aux yeux, c'est un livre que je ne veux pas refermer, je ne veux pas que cette lecture soit finie, je relis plusieurs fois les dernières pages et déjà je sais que ces trois livres, cette trilogie, je la relirai.
Jens et le gamin ont survécu, au terme de leur longue chute, ils ont atterri sur le toit d'une demeure ; dans ce grand nord, les habitations disparaissent entièrement sous la neige. À son réveil, le gamin se demande s'il est encore de ce monde, s'inquiète de Jens plus mal en point. Dès qu'ils le peuvent, ils reprennent la route du retour ... C'est une histoire que je ne peux résumer, toute transposition ne pourrait rendre la force d'écriture et la poésie de Jón Kalman Stefánsson, je sais que je me répète puisque j'ai souligné ces mêmes qualités pour les deux tomes précédents, mais les mots ne sont pas assez forts pour décrire les émotions ressenties à la lecture de cette trilogie de Jón Kalman Stefánsson.
Cette trilogie composée de "Entre ciel et terre", "La tristesse des anges" et "Le coeur de l'homme" est un chef d'oeuvre, son auteur un Grand Écrivain !

«Où s'achève les rêves, où commence le réel ? Les rêves proviennent de l'intérieur, ils arrivent, goutte à goutte, filtrés, depuis l'univers que chacun de nous porte en lui, sans doute déformés, mais y a-t-il quoi que ce soit qui ne se transforme pas, je t'aime aujourd'hui, demain, je te hais — celui qui ne change pas ment au monde.»
[Chapitre I - § 1 - page 17]
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Après un hiver qui n’en finissait pas, le printemps pointe timidement le bout de son nez. Timidement, car ici, en Islande, il n’est que le prolongement de l’hiver avec une légère amélioration. Mais cela suffit à la nature pour s’éveiller, aux hommes pour sortir de leurs tanières.
Le bonheur devrait être dans le cœur des hommes.
Mais, même en été on peut connaître des tempêtes. La neige a fondu, mais elle laisse une terre boueuse où l’on patauge.

Le gamin est à l’abri dans la maison des femmes qui l’ont recueilli. On l’appelle « le gamin », il ne porte apparemment pas de nom. Qui est-il vraiment et quel est son but dans la vie ? Un messager ?
Il écrit des lettres pour changer le monde, pour changer un destin. Ceux qui les reçoivent osent changer de cap, car ses mots sont si limpides et si puissants, qu’ils leur apportent la lumière, une étincelle d’espoir, une possibilité de bonheur.
Il vit comme une étoile qui scintille et, dans cette maison, entourée de personnages exceptionnels, étranges pour leur communauté, il apaise les souffrances.

Comment vivre dans ce pays, lorsqu’on est différent, qu’on n’a que les mots comme outils, l’émerveillement et la connaissance comme but, alors que pour être un homme, tout le monde le sait ici, il faut être viril, costaud, oublier la tendresse, ne pas s’attarder sur les faiblesses, les douleurs, les deuils. Un pays où les hommes sont écrasés de labeur par quelques hommes puissants, que l’argent et le pouvoir ont rendu démoniaques. Un pays où les femmes sont soumises et s’accommodent de leurs vies en oubliant leurs rêves.

Que valent la poésie et la musique dans ce monde où les rêves peuvent être assassins, où la délicatesse et la fragilité n’ont pas leur place?

Et pourtant, le gamin court, il vole. Il ne laissera pas le malheur le poursuivre, il laissera ses rêves le guider, ne se laissera pas façonner par la communauté, piégé par la coutume et les préjugés.

Une histoire bouleversante, avec des phrases grandioses, des mots qui nous dépassent, qui nous transpercent. Des mots, des notes de musique face à la cruauté, la cupidité, la violence, l’égoïsme et les préjugés, pour que l’homme n’oublie pas le bonheur de vivre, de respirer, de regarder, de s’émouvoir. Pour ne pas vivre comme un idiot en oubliant d’être soi, en oubliant ses rêves, en imitant son voisin.

« Le pire est de ne pas savoir vivre, de connaître toutes les notes, mais de ne pas saisir la mélodie. »
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« Un antique traité de médecine arabe affirme que le coeur de l'homme se divise en deux parties, la première se nomme bonheur, et la seconde, désespoir. En laquelle nous faut-il croire ? »

"Le coeur de l'homme" est le dernier tome de la trilogie romanesque de Jón Kalman Stefánsson, dans lequel nous retrouvons le Gamin et Jens, que nous avions abandonnés au beau milieu d'une tempête de neige à la fin du tome précédent. Recueillis chez un médecin, ils tentent tous deux de se rétablir, ayant échapper de peu à la mort. Puis vient le moment de rentrer au Village, en même temps que le printemps décide enfin de s'installer. Les neiges fondent, la saison de salage des morues débutent. Jens démissionne et s'en retourne vers la femme qui l'attend depuis longtemps. le Gamin, quant à lui, parfait son instruction auprès de Gísli, le directeur de l'école au penchant très alcoolisé, et auprès d'Hulda pour son anglais, tout en continuant de travailler à la buvette et de faire la lecture à la fin du service à Geirþrúður (propriétaire des lieux et femme qui se bat continuellement dans ce monde d'hommes pour garder son indépendance), à sa fidèle Helga et au vieux loup de mer aveugle Kolbeinn.

Alors que le printemps, puis l'été s'installent, alors que les travaux de saison ne manquent pas, alors que chacun des protagonistes va devoir se battre face aux imprévus et aléas de la vie, le Gamin cherche toujours un sens à son existence, découvre l'amour ou du moins les relations complexes entre les sexes, se demande si la vie en général en vaut la peine face à toutes ces injustices (pouvoir des hommes, pauvreté, deuils). Peut-on espérer vivre des jours meilleurs, peut-on aspirer à connaître un jour le bonheur quand tout autour de nous n'est que désespoir et injustice ?

Ça a été un plaisir que de retrouver ce Gamin, encore plein d'innocence, pour qui les livres sont un refuge mais dans lesquels il ne trouve pas toutes les réponses à ses questions, ce Gamin que l'on dit trop mou, pas assez viril, voire même débile, alors qu'il est juste un grand sensible. À travers réflexions et retranchements intérieurs, au fur et à mesure que le temps devient de plus en plus clément, nous assistons à la transformation qui s'opère chez le Gamin, celle qui le rendra homme. Et ce ne sont pas seulement ses lectures et son instruction qui en seront la cause : ses relations avec les autres évoluent, ainsi que les relations entre les divers personnages. C'est beau !

Ce dernier tome, pour moitié roman initiatique et roman psychologique/philosophique, clôt admirablement la trilogie. On avait eu droit dans les deux premiers tomes à une Islande froide, toute vêtue de blanc, peu accueillante avec ses montagnes imposantes et sa mer colérique. On la découvre ici, certes toujours pas si accueillante, mais toute verte, pleine de vie, plus chaleureuse. Une Islande décrite comme un personnage à part entière, avec ses défauts et qualités, dont sont tributaires les différents protagonistes.

Mon gros bémol est toujours le même : je suis toujours autant gênée par la mise en forme/page, avec des dialogues au beau milieu des paragraphes, au beau milieu des phrases, que l'on ne distingue pas de la narration et des pensées intérieures. Et souvent, on a droit aux trois dans une seule et même phrase, avec même des répliques de plusieurs personnages. Ça en fait des longues phrases, avec un nombre incalculable de virgules... C'est parfois usant et fatigant, et c'est ce qui m'a gâché en partie la lecture...

Heureusement que la jolie plume de l'auteur est là pour rattraper : toute pleine de poésie et de lyrisme, tantôt douce et mélodieuse, tantôt plus aigrie, en accord total avec les paysages, l'humeur et le climat islandais.

Des trois tomes, ma préférence tend plutôt pour ce dernier, que j'ai trouvé un peu plus lumineux, qui donne aussi un peu plus d'importance aux personnages qui entourent le Gamin, ce jeune garçon qui nous touche de plus en plus.
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Et voilà! le coeur lourd j'ai tourné la dernière page. Je n'étais pas prête à quitter le gamin. Une fois encore je suis revenue en arrière, mais la dernière ligne est arrivée et je me sens orpheline. Que c'est douloureux de quitter un tel univers.
Jon Kalman Stefansson est un grand, un immense écrivain.
Des personnages extraordinaires au sens littéral du mot.Un pays de neige , de glace, de mer, un pays dur et exigeant.
Une ronde de mots où le lecteur doit chercher son chemin. Une ronde de mots qui m'a touchée au plus profond. Une ronde de mots où le rêve tient toute la place« Les rêves sont la lumière qui éclaire l'homme, la clarté qui le nimbe ; en leur absence, il n'y a que les ténèbres, vous savez donc ce qui vous attend si vous cessez de rêver, vous savez aussi d'où vient la nuit en l'homme. »..
Je ne trouve pas les mots pour exprimer tout le bonheur ressenti à cette lecture. le coeur de l'homme est le dernier volet de la trilogie Entre ciel et terre, une trilogie qui a pris une place de choix dans mon coeur de lectrice.

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Miraculeusement rescapés d'une terrible tempête de neige, le Gamin et Jens le postier ont trouvé refuge à Sléttueyri, chez le médecin du village. Remis sur pieds, ils se séparent, Jens pour retrouver son père, sa soeur et, peut-être, la femme qu'il aime, le Gamin pour rentrer chez Geirþrúður où l'attend l'enseignement de Gislí , le directeur de l'école. L'hiver a enfin laissé la place aux printemps et le Village reprend vie sous un maigre soleil. Les hommes sortent de leur léthargie, pour le meilleur et pour le pire. le mode de vie de Geirþrúður , riche et indépendante, ne plaît pas aux maîtres du Village qui cherchent, et trouvent, le moyen de la faire plier. Pour protéger sa petite communauté, le Gamin n'a que les mots...Les mots font rêver, libèrent, apportent l'espoir d'une vie meilleure mais ils sont inefficaces face aux bas instincts de l'homme. Pourtant, le Gamin continue de les envoyer, pour sauver une femme, pour réunir des amoureux, et il en reçoit aussi, qui viennent de Sléttueyri, et d'une rousse aux yeux verts qui l'a sorti de l'hiver d'un baiser et a colonisé son coeur.

C'en est fini des voyages pour le Gamin. L'aventure cède la place à l'introspection et Jon Kalman Stefansson sonde le coeur des hommes qui sans cesse oscille entre bonheur et désespoir. C'est au premier que les hommes aspirent, malgré la boue, les tempêtes, les deuils, l'alcool, la violence mais parfois ils sombrent dans le second. Parce que les riches seront toujours plus forts que les pauvres, parce souvent le sexe prend le pas sur l'amour, parce que le courage parfois manque pour vaincre la peur. le Gamin amoureux des livres, étranger au monde viril qui l'entoure, cherche son chemin vers le bonheur. Pauvre, peu habile des ses mains, il est en marge, mais reste riche de tous les poèmes appris par coeur, fort de sa dignité, fier de ses mots qui peuvent sauver, consoler, dire l'amour.
Avec le coeur de l'homme, Stefansson clôt une trilogie rude, poétique et profondément humaine. Être soi pour ne pas se trahir, ne pas abandonner ses rêves, ne jamais renoncer à ses aspirations, voilà les leçons que la vie a inculqué à ce gamin dont le nom nous demeure à jamais inconnu et que l'on quitte avec tristesse. Il restera, de ces trois livres, la glace islandaise, les montagnes, la neige, la mer à la fois hostile et nourricière et une pléiade de personnages attachants, des hommes et des femmes rugueux qui ont affronté des drames, goûté des instants de plénitude, qui ont combattu la mort ou l'ont accueilli comme une délivrance. Un grand écrivain et un pur bonheur de lecture.
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Contre toute attente, Jens le postier et le gamin ont survécu à la terrible tempête de neige qui les a surpris à la toute fin de l'hiver. Recueillis par un médecin, ils reprennent des forces alors qu'enfin le printemps s'annonce. Avant de repartir vers son village, le gamin rencontre une jeune fille rousse qui le trouble au plus haut point. de retour dans sa communauté, il reprend le cours de son existence auprès de la belle Geiprudur et des autres femmes qui l'entourent. Mais bientôt de nouveaux drames vont s'annoncer…

Le coeur de l'homme signe la fin de la trilogie islandaise de Jon Kalman Stefansson. La tristesse des anges, le volume précédent, m'avait littéralement emballé et je n'avais pas hésité à le mettre sur la plus haute marche de mes lectures 2012. Ici, pas le même énorme coup de coeur mais la magie a néanmoins de nouveau opéré. Cette conclusion se concentre sur la vie de la communauté villageoise et de ses membres. le caractère épique et aventureux du volume précédent n'est plus de mise ce qui est quelque peu dommage. La profusion des personnages demande par ailleurs une attention accrue pour ne pas perdre le fil. de plus, il me semble difficile de se lancer dans cette lecture sans connaître les deux autres tomes car les références y sont nombreuses et donnent beaucoup de clés indispensables à la compréhension de l'ensemble.

Pour autant, le coeur de l'homme reste un merveilleux roman. Toute l'âpreté de cette Islande du début du 20ème siècle vous saute à la gorge. A travers la figure du gamin sont abordées des questions existentielles majeures. le rêve, la douleur, le deuil, la tristesse, l'absence, le désir et l'espoir d'une vie meilleure sont au coeur du récit.

L'écriture de Stefansson (ou plutôt l'exceptionnelle traduction d'Éric Boury) résonne fortement en moi. Ces réflexions sur le sens de la vie, le poids des mots, l'absolu besoin d'amour et cette haine viscérale pour la mort et la désolation qu'elle apporte me parlent et me touchent profondément. Pas certain que ce soit le cas de tout le monde. Je ne serais pas étonné de découvrir ici ou là des avis très mitigés sur ce texte qui peut, je le conçois, laisser totalement indifférent. Je ne cherche donc à convaincre personne. Je dis simplement que cette trilogie aura constitué pour moi un inoubliable moment de lecture. Et croyez-moi je ne dis pas ça tous les jours.

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Holà ! Qui va là ? Etes-vous vivant ou défunt ?
Je serai bientôt défunt si vous n'ouvrez pas la porte !
Jens, le postier, tambourine à la porte de la ferme perdue au milieu des montagnes, enveloppée de neige, muette face aux sifflements aigus du blizzard. Ce géant d'1 mètre 90, aux sourcils et à la barbe constellés de glace, est accompagné d'un gamin. le gamin dont on ne connaîtra jamais le prénom. Mais qui sont-ils ? Et que font-ils en pleine tempête ? C'est un véritable périple que de distribuer courriers, livres et journaux dans les villages et hameaux les plus reculés. Et quand la neige cesse de tomber et que les vents s'endorment, le brouillard vient les remplacer. Un brouillard tel que si l'on tend le bras, on ne voit plus sa main.

Le gamin a tout perdu. Père, mère, soeur et plus tard son unique ami avec qui il récitait des vers qui les éloignaient, au moins en pensée, du dur labeur de pêche. Ce pourquoi, il part. Recueilli par une femme indépendante et libre de ses mouvements, il obtient gîte et couvert contre services et travaux. le gamin n'est pas fait pour avoir les mains calleuses ni pour s'endormir comme une masse après la journée de travail et il est mal vu des pêcheurs à qui il a tourné le dos pour aller vers un ailleurs.
Mollasson ! Bon à rien ! Même pas un homme ! Il en a l'habitude mais rien ne le détourne de son amour pour les livres. Ce ne sont pas des mots qui vont remplir ton assiette ! Tout ça, c'est pour les mauviettes.
Les marins durs, travailleurs, exténués et incultes se vautrent dans l'alcool, véritable fléau d'où il n'en sort que bassesse, vulgarité, violence. Violence physique envers les femmes, les faibles, les sans défense, violence verbale envers les fortes, celles qui ne suivent ni convenances ni lois, vilipendées par la communauté.
Violence aussi envers les Danois, l'envahisseur depuis presque mille ans. Et ces Norvégiens, installés dans les fjords, donnant du travail à quelques centaines des leurs dans la pêche à la baleine, dont les carcasses éventrées, exposées au vent et au soleil attirent mouches et puanteur.
Le gamin est en perpétuel questionnement. Est-ce que les idées que font naître les mots vont nourrir la famille ? Que faire à part pêcher, profiter de ce que la mer offre ? Les hommes sont en mer tandis que les femmes nettoient les poissons et les font sécher au soleil. Tous, exploités pour une bouchée de pain. Mais que dire au nabab du village lorsqu'il fournir le travail à deux mille personnes ?
Il n'y a que les montagnards qui troquent leur liberté contre une solitude bien pesante. Eux vivent de ce que la terre donne. de magnifiques pâturages pour leur élevage de moutons, quand ils ne sont pas prêts à se rompre le cou en escaladant les falaises pour récolter quelques oeufs de macareux, qu'ils transportent en civières jusqu'aux villages, pour quelques sous.

Le gamin se sent inutile. Et pourtant… Sa sensibilité, sa soif de connaissances, son intelligence lui apprendront le coeur de l'homme. Comme il peut très vite se changer en pierre dans ces contrées si dures et sauvages. Il saura percevoir la petite étincelle dans le coeur de certains qui sont persuadés qu'elle n'existe plus ou qu'il est inutile de la raviver. Mais les mots ont cette force. Et l'étincelle devient flamme. Une flamme qui réchauffe et donne envie de s'en rapprocher. Hommes et femmes qui jamais n'auraient osé avouer leur amour des livres, de la poésie, de la musique, se rapprocheront. Et ça, c'est au gamin qu'ils le doivent.

« Entre ciel et terre », « La tristesse des anges » et « Le coeur de l'homme » constituent un seul et même livre et l'avoir divisé en trois en facilite la lecture. Je vous conseille de vous munir des trois avant d'entamer l'histoire du gamin et éviter la frustration des fins abruptes des premier et deuxième tomes. Pour ma part, j'ai enchaîné sans hésiter la lecture des trois et choisi de n'en faire qu'une seule critique.
Avec sa plume terriblement poétique, l'auteur rend hommage à ces hommes et ces femmes qui ont forgé le pays et, bien sûr, aux livres qui élèvent l'Homme.
J'ai trouvé cette trilogie magnifique  et prenante; ce n'est pas qu'un roman, c'est beaucoup plus que ça.
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Ce livre représente le dernier Tome de la trilogie de J.K Stefansson.
Il fait suite à la traversée du gamin et du facteur dans les étendues neigeuses Islandaises. le temps est venu pour lui de se poser et de faire le point sur ses sentiments et tout en se questionnant sur l'existence et l'avenir, il dessine le sien par les expériences.
Il doit choisir entre un avenir fantasmé par un désir qu'il ne comprend pas et qui l'habite intensément et l'image obsédante d'une jeune femme qu'il se construit comme beauté naturelle.
Toujours entouré de son groupe de marginaux bien plus stratège qu'il n'y paraissait, il se bat avec eux pour pouvoir continuer à vivre dans les lettres et l'instruction et échapper aux stratagèmes des puissants.
Je salue le travail fantastique d'Eric Boury qui a traduit si magnifiquement ses trois tomes pour en faire ressortir toute la beauté de l'oeuvre. Ce fut une rencontre émouvante avec cet auteur et l'ambiance poétique qu'il rend omniprésente tout au long de son récit. Après ces lectures, j'ai eu beaucoup de mal à reprendre un livre, l'esprit occupé par les images, les idées et le style.
J'espère pouvoir faire d'autres rencontres d'auteurs procurant de semblables effets rapidement!
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Miracle ! Je viens enfin de terminer la trilogie de Jon Kalman Stefansson, deux ans après avoir découvert Entre ciel et terre, qui fut mon coup de coeur de l'année et mon choix pour le Prix des Lectrices 2013. En 2012, j'ai lu le deuxième tome, La tristesse des anges. Et c'est donc le coeur de l'homme, paru fin 2013, qui clôt ce triptyque magnifique, en beauté !

Pour l'occasion, j'ai relu mes deux articles précédents, que je trouve très complets, et je ne vais pas prendre le risque de me répéter.

J'ai retrouvé le même style impeccable, d'une poésie rare, qui m'a emportée encore sur plus de 400 pages. Néanmoins, ce dernier volume a ouvert de nouvelles pistes de réflexion. Nous retrouvons donc le gamin au début du printemps, à la fin de sa livraison de courrier bien loin de son pauvre village de pêcheurs. Il est recueilli par de généreux villageois qui l'aident à se remettre sur pied, puis peut enfin rentrer chez lui. Mais il est accompagné par de plus en plus de fantômes, et il n'a toujours pas trouvé de nouvelles raisons de vivre … jusqu'à ce que l'amour se pointe sous une forme inattendue.

"En résumé : elle a des cheveux si roux qu'on les voit distinctement même à travers les montagnes. Et pourtant ces montagnes n'ont rien d'une plaisanterie, elles sont épaisses et impitoyables, mais la couleur de ses cheveux les traverse sans peine pour lui parvenir et elle change tout. Elle transforme le ciel et la terre, tout se teinte de roux."

Nous assistons ici avec plaisir au dégel : l'été est là, et les Islandais se réchauffent enfin au pâle soleil arctique ("Les étés d'Islande sont si brefs et capricieux qu'on dirait parfois qu'ils n'existent pas"). C'est le temps des salaisons, de la morue. Cela laisse peu de temps pour lire et rêver, et pourtant le gamin s'y accroche, grappillant chaque minute pour apprendre encore et encore auprès du directeur d'école alcoolique. Apprendre pour oublier l'hiver meurtrier. Apprendre pour ne pas connaître le même destin que son ami Barour et tant d'autres, dans un monde où "le poisson compte plus que la vie." Apprendre pour faire autre chose que remonter du poisson. Il lui faut donc maintenant vivre pour ne passe trahir soi-même, tout oser pour ne rien regretter.

"Il est à ce point dangereux de s'autoriser à rêver de passions, de tâches de rousseur et d'yeux profonds, à rêver au lieu de penser à lutter pour préserver la vie. C'est ainsi. On a l'esprit plongé dans un poème, on oublie sa vareuse et on meurt de froid. [...] Voilà qui devrait nous enseigner quelque chose. Quelque chose à propos des dangers de l'amour, des dangers du poème. Et pourtant. Qui se souvient de ceux qui n'ont que rarement et peut-être jamais été distraits, qui ne se sont jamais perdus dans le rêve, qui au lieu de trouver l'étincelle sont devenus gris, pâles, et se sont peu à peu fondus à la monotonie, transformés en monotonie, disparaissant longtemps avant leur propre mort. [...] Même si cela doit nous en coûter la vie, prématurément – prenons plutôt le risque, et vivons."

J. K. Stefansson nous offre encore un splendide roman, qui complète parfaitement ses deux premiers, accomplissant un travail impressionnant de peintre de la nature humaine, autour du travail de deuil. Mais aussi et surtout, un sublime hommage à la littérature et à la poésie, présentes à chaque page.

Un roman qui aide à vivre.

J'ai eu du mal à dire au revoir à ce gamin que j'ai suivi sur plus de 1000 pages. Ce petit gamin qui a grandit tout au long de ces pages. Qui a du mal à vivre mais a tenu le coup, par la poésie et la littérature (sa recommandation : pour quitter le monde des rêves, chaque matin : lire un poème !). Il faut donc lui dire au revoir, à lui et à tous les autres personnages – comme la forte Andréa qui a le courage de changer de vie, dans un monde si codifié – en me promettant que ce n'est pas un adieu … Il y a des livres comme ça, qui m'accompagneront toute ma vie. Celui-là en fait partie, avec ses deux frères.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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