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3,8

sur 588 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Pourquoi ce titre ? Une question de mode ? Pour le moment, les titres à rallonge ont la cote mais il y a toujours un élément dans le livre qui l'explique, je l'ai trouvé dans le texte ci-après :
... cette idiote de gamine continue d'avancer, elle entre dans l'eau sans l'ombre d'une hésitation même si personne n'a réussi à marcher sur l'eau depuis que Jésus est grimpé sur un lac il y a deux mille ans, histoire d'impressionner quelques pêcheurs. Cette fille descend du rocher et plonge son pied droit dans la mer, le gauche suit une fraction de seconde plus tard. le problème est que personne n'est capable de marcher sur la mer, c'est d'ailleurs pourquoi les poissons n'ont pas de pieds.
Cette gamine qui a voulu se noyer en a été empêchée et la raison de ce suicide raté, nous la connaîtrons à la fin du roman. D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds, une histoire familiale qui s'étend sur trois générations, une famille venue du Norðfjörður qui s'établit à Keflavik, petite ville portuaire. Pendant cette saga, j'ai vécu avec Ari et le narrateur au temps présent mais aussi pendant leur adolescence et au temps jadis, comme le sont titrés ces chapitres, avec leurs ascendants.
Dès que j'ai appris, par une amie Babelio, qu'un nouveau roman de Jón Kalman Stefánsson allait être édité, je l'ai commandé et dès sa réception, j'en ai commencé la lecture, et quelle lecture !
Jón Kalman Stefánsson est un auteur que je qualifierais de "complet", une très belle écriture, un poète, un écrivain qui va au fond des choses ; à la lecture, je ressens sa profonde humanité, sa connaissance de la vie ... Un livre plus que coup de coeur !
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L'écriture de Jon Kalman Stefansson parle à mon âme. Je ne saurai mieux décrire le ressenti de ce livre sur tout mon être. Ce livre est empreint de nostalgie, de peine, de tristesse. Il y a des passages où j'ai pleuré. En tout cas, une très belle traduction de la part d'Eric BOURY.

Ne cherchez pas de repère de temps, celui-ci n'existe pas, en tout cas, il n'a pas d'importance.

Il y a deux personnages principaux dans ce livre : le narrateur, qui est également le meilleur ami de Ari et Ari.

Ari revient du Danemark après avoir quitté l'Islande suite à une rupture avec sa famille, rupture qu'il a voulue… Et qu'il regrette.

Tout cela, après un colis des souvenirs de la famille qu'il reçoit de son père, avec lequel il n'a aucune affinité et dont les rapports sont inexistants, et d'une lettre de sa belle-mère.

Nous n'en saurons pas plus, en tout cas, pas dans ce premier tome, car à mon avis, il y en aura un second.

Voilà pour la trame…

Le reste du roman est un aller-retour entre les événements d'aujourd'hui et ceux de l'époque de ses parents et également de ses grands-parents paternels.

Ari se remémore la vie de ses grands-parents et de ses parents, ainsi que celle de sa famille, son adolescence, il raconte l'Islande, les paysages grandioses et effrayants à la fois, la mer, la fin de la pêche, le chômage, les hommes et les femmes.

Il dresse le portrait des femmes qu'il a côtoyées, avec la plus grande sensibilité, la plus grande tendresse, le plus grand amour. On pourrait croire qu'il est lui-même une femme, vu la façon qu'il a de décrire leurs émois les plus profonds, leur mal-être, leur solitude, mais également les agressions dues aux hommes.

Hommes pour lesquels il a une certaine tendresse aussi, car ils ne sont pas tous des agresseurs, notamment son grand-père.

Voilà, je ne sais pas si j'ai réussi à vous parler de ce livre comme je l'aurai souhaité. Il y a tellement de choses à dire. Je sais qu'autour de moi, je suis une des seules à avoir aimé cet auteur. C'est vraiment dommage…. Ou pas…, parce que je pourrais penser qu'il l'a écrit uniquement pour moi.

Il faut le mériter, il faut le lire doucement, sans se presser, le déguster comme un bon vin, lire des pages et le reposer pour avoir le temps de penser à ce qu'on vient de lire et le rependre ensuite.

A vous de voir.
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Ex-poète reconverti en éditeur, ex-mari de Þóra qu'il a humiliée et trahie, Ari revient en Islande après deux années passées à Copenhague. le coeur lesté de regrets, il rentre au pays pour son père qui serait au plus mal. La perspective de revoir Keflavík, ce coin de l'île sinistrée par le départ des américains et les quotas de pêche, fait remonter les souvenirs de son histoire familiale. Lui revient en mémoire sa jeunesse dans l'ombre de son cousin Ásmundur, tant admiré, son travail dans le hareng, les filles qu'il convoitait, mais aussi ses relations difficiles avec son père, sa mère trop tôt disparue et trop vite remplacée ou la passion qui unissait son grand-père Oddur, le meilleur capitaine de pêche du fjord et sa grand-mère Margrét, qui alternait euphorie et dépression. Sa famille, ses amis, des hommes et des femmes, poètes et rudes à la tâche, qui peuplaient cette terre perdue, la ‘'plus noire de l'Islande'', devenue la plus grise depuis qu'on les a privés de leur seul moyen d'existence. Qu'espère-t-il en revenant ? Un rapprochement avec son père ? Une réconciliation avec Þóra ? L'idée, peut-être, d'être chez lui, au bon endroit, au bon moment…


Où l'on retrouve toute la poésie de Jón Kalman Stefánsson qui sait si bien décrire les paysages âpres de l'Islande et l'âme de ses habitants. Dans les pas d'un narrateur qui restera inconnu jusqu'à la fin, il nous emmène dans la région de Suðurnes, au sud-ouest de l'île. Y cohabitent les vestiges d'un passé glorieux et les tentatives désespérées des autorités locales pour faire revivre ce territoire oublié de tous. Entre terre et mer, passé et présent, l'auteur raconte une chronique familiale universelle : le temps qui passe, les choix, bons ou mauvais, les décisions que l'on prend, mûrement réfléchies ou sur un coup de tête, les pertes que l'on subit, les héros, les moutons noirs, les femmes et le mal qu'on leur fait, les mille et une façons de faire face aux poids de l'existence…
Poétique et sensuelle, tendre et humble, l'écriture de Jón Kalman Stefánsson est un enchantement sans cesse renouvelé. Il sait si bien décrire les hommes et les femmes d'Islande, dévoilant leur âme, leur lumière, leur part d'ombres. Pour l'apprécier, il faut savoir lâcher prise, accepter de ne pas tout comprendre, se perdre dans l'espace-temps, voguer avec lui sur la mer déchaînée ou arpenter la terre volcanique d'Islande, se laisser guider par cet orfèvre des mots, cet explorateur des profondeurs de la condition humaine. Un très grand auteur.
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Quel plaisir de lire un beau texte !
Dans ce roman islandais, traduit par un amoureux des mots, on part dans les souvenirs partagés du narrateur et d'Ari, poète et éditeur qui revient au pays après une longue absence.

Partout où se pose leur regard dans la petite ville de Keflavik , où tout le monde se connaît, renaît une anecdote, tendre, drôle ou tragique. ..Keflavik, petit port de pêche avec sa base américaine et son aéroport international, située un peu au sud de Reykjavik, capitale d'un pays semblable à un cookie perdu dans l'Atlantique Nord, une lande battue par les intempéries, avec si peu d'habitants...peu nombreux certes, mais si passionnés !

Les souvenirs plus ou moins lointains sont prétexte à une méditation poétique sur le caractère éphémère de toute chose et sur la fonction incantatoire des mots qui font revivre le passé, bousculant au passage notre représentation linéaire et continue du temps.

J'aime les souvenirs des ados et leurs premiers émois, la douleur d'Ari avec son bégaiement, l'incroyable histoire d'amour des grands parents. J'adore ses délicates analyses du délitement des sentiments, le mail de rupture sublime de l'épouse d'Ari, sa petite vengeance aussi..j'ai souffert avec Margrete débordée par un quotidien tellement partagé par les femmes du monde entier.

J'ignorais le goût particulier des Islandais pour la poésie qui imprègne ce texte de moments lyriques, et toutes les émotions suggérées. Il y a le singulier d'une société dans laquelle la mort est un mot masculin, et l'universel de la condition humaine.

J'ai aimé voyager aux confins de la terre et de l'océan, il me reste quelques phrases en mémoires, de petites leçons de vie venue du froid.

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Trois époques, et plusieurs vies à Keflavik. « D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds » nous raconte le XXe siècle et ses boule versements en Islande. L'Islande cette terre âpre où, dans son histoire, les habitants ont, par deux fois au moins, été rayés de la carte par les famines, les épidémies et les éruptions, Keflavik la petite ville se situe dans la région la plus hostile du pays.

Jadis, c'est l'histoire d'Oddur capitaine courageux, de Margret son épouse énergique autant que fragile et de Tryggvy garçon costaud et sensible, poète dans le monde rude de la pêche. C'est l'histoire de l'Islande avec ses joies, ses larmes et ce goût de sel qui emprisonne les coeurs. Oddur sera le premier capitaine à savoir nager et à exiger que ses matelots prennent des cours de natation. Mourir en mer ne doit plusêtre une fatalité pour un marin.

1976-1980, récit d'apprentissage pour Ari,le petit fils d'Oddur. le jeune homme travaille dans une conserverie de poissons en se demandant ce que sera sa vie. Les quotas de pêche et le départ de la base américaine, véritable manne pour la ville, rendent l'avenir incertain, surtout pour un jeune adulte rêveur.

Aujourd'hui, Ari devenu éditeur à Copenhague prend de plein fouet la crise existentielle de la cinquantaine, le retour à Keflavik sera amer et douloureux.

Trois époques et tout un siècle se déroule, Jon Kalman Stefansson nous embarque dans l'histoire de son pays qu'il aime tant.

Il y a deux solutions : vous connaissez les précédents ouvrages du romancier, « Entre ciel et terre » « La tristesse des anges » et « le coeur de l'homme » et vous êtes déjà en train de dévorer « D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds » et cette chronique ne sert à rien, ou alors vous n'avez rien lu de ce grand auteur islandais et si c'est le cas fermez votre ordinateur courrez chez votre libraire préféré et plongez-vous sans tarder dans la prose ample et poétique de ce formidable romancier.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Magnifique saga islandaise du vingtième siècle, des générations d'hommes et de femmes qui vivent de la mer.

L'histoire se passe à Keflavik qui a « trois points cardinaux : le vent, la mer, l'éternité. »

On y trouve des garçons qui deviennent des hommes en affrontant la mer, des durs qui ne savent pas parler et des marins qui répugnent à apprendre à nager…

Des femmes qui deviennent folles lorsque bébé les empêche de dormir, lorsque « la fatigue brouille l'ensemble de l'existence, elle transforme le moindre événement quotidien en colis expédié depuis l'enfer ». Mais aussi des femmes qui dépriment à rester enfermées dans la maison et qui rêvent d'un autre destin.

Des jeunes qui travaillent à l'usine à préparer le poisson ou le mouton, qui apprennent l'amour et composent de la poésie.

Une société tiraillée entre l'indépendance et l'argent apporté par les Américains, entre les traditions et la modernité, dans un petit pays qui se voudrait grand.

Une écriture dense, de longues phrases et des métaphores poétiques, une profondeur d'émotions humaines. On y sent le vent du large et l'odeur de poisson…

Et si les poissons n'ont pas de pieds, c'est que personne ne peut marcher sur la mer…
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« Jon Kalman Stefansson entremêle trois époques et trois générations qui condensent un siècle d'histoire islandaise. »
Cette phrase reprise dans la quatrième de couverture peut résumer ce roman. Mais il mérite un peu plus que ça. Avec J.K. Stefansson, je sais que je vais passer un bon moment. Son style d'écriture m'enchante ; j'ai l'impression de lire un classique mis au goût du jour, avec de la poésie, de la pudeur. Même lors des scènes dures, violentes, cela n'enlève rien à leur intensité.

Trois générations dans lesquelles je me suis perdue parfois. Peut-être, sûrement, parce que ma lecture a été trop souvent interrompue ces derniers temps. Mais quel plaisir de ressentir la profondeur des personnages. Et les grands moments de la vie politique de l'Islande, sans être détaillés à l'excès apparaissent à travers les dialogues. Et l'on sent toutes les implications et les chamboulements pour chaque protagonistes. L'implantation des Américains pendant plus de 40 ans a modifié le paysage en amenant le béton pour la construction d'un aéroport, d'un hôpital, quelques routes et infrastructures, mais uniquement dans la région du sud-ouest de l'île, ce qui ne représentait qu'un très faible pourcentage de sa superficie. Elle a aussi modifié les mentalités, les « pour » qui bénéficiaient d'un travail et les « contre » qui ne voyaient que l'aspect colonisateur de leur île et de sa richesse en poissons. Après le départ des Américains, qu'en est-il resté ? Des infrastructures abandonnées, l'absence de travail, mais surtout des accords gouvernementaux instaurant des quotas de pêche et des zones d'interdiction pure et simple de pêcher dans les eaux islandaises, entraînant comme on s'en doute misère, alcoolisme, départ de nombreux insulaires vers la capitale et renoncement à un métier pourtant inscrit dans leurs gênes.
Un très beau roman dont le côté social est traité avec beaucoup de finesse.
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Ari a quitté sur un coup de tête femme et enfants, une vie qui l'étouffe, un pays, l'Islande, une île où il se sent trop à l'étroit.
Deux ans plus tard son père va mourir, il revient de Copenhague sans avoir trouvé ce qu'il cherchait – mais que cherche-t-il vraiment ? – et regrettant ce qu'il a perdu.
Parviendra-t-il à parler enfin à son père, à retrouver la confiance de sa femme, le sourire de ses enfants devenus grands ?
Il a dans la poche le diplôme d'honneur décerné en 1944 par les marins de Neskaupstadur à son grand-père Oddur pour son action en faveur de la pêche et des pêcheurs, toute une vie passée à améliorer leurs conditions. Oddur qui était marié à Margrét, sa grand-mère, femme rêveuse et angoissée, parfois dépassée par le poids de la vie, les soins aux vieillards, aux enfants, l'alcoolisme des hommes, la solitude des femmes…
Ari atterrit à Keflavik, ancienne base américaine, maintenant ville morte, anéantie par les quotas de pêche et le chômage qui en a découlé, où l'attend le narrateur, son ami de jeunesse. Il est assailli par les souvenirs et les regrets…
…la vie des hommes au temps de ses grands-parents, l'absence de sa mère disparue trop tôt, sa jeunesse entre un père taciturne et une belle-mère meurtrie, un premier amour déçu, sa passion pour les livres, la musique des années 70, le climat impitoyable de cette partie de l'Islande balayée en permanence par les vents, les relations avec les Américains.
Un livre rempli de nostalgie, sur la difficulté de vivre, ce qu'on oublie de dire, ce qu'on ne veut pas voir, la violence des hommes, la souffrance des femmes, la permanence de cette douleur à travers les générations, à travers les siècles. Et la mort contre laquelle il faut lutter, avec les histoires que l'on raconte, les mots que l'on écrit.
Un très beau texte, très poétique, dans lequel Jon Kalman Stefansson poursuit de sa magnifique écriture son exploration du coeur de l'homme et dont la résonnance est universelle.
Merci à Babelio, Masse Critique et aux éditions Gallimard de m'avoir permis de découvrir ce livre et de rencontrer son auteur.
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Cette fois c'est décidé : quand je serai grand je serai Jon Kalman Stefansson.
Je prendrai un stylo, une grande inspiration, et j'écrirai des poèmes.
Des poèmes géants, déguisés en roman, avec des titres farfelus genre "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds".

Car ne nous y trompons pas : quoi qu'en dise la mention "roman" inscrite par un plaisantin sur la couverture, ce livre c'est tout autre chose.
Plutôt un poème en prose, polyphonique, qui court sur 500 pages et s'éparpille sur trois générations, un poème comme un océan d'images puissantes qui secouent l'âme et où surnagent quelques mots barbares en islandais, un poème qui ne dit pas son nom mais un poème quand même.
Un beau poème, qui plus est !

Le genre de livre inclassable, qu'on ne peut s'empêcher d'annoter à chaque page mais qu'on serait bien en peine de résumer.
On pourrait dire qu'il y est question d'un homme et de ses souvenirs, de sa famille et de ses amours déçus, de l'Islande avant tout et de ses trois points cardinaux (le vent, la mer et l'éternité !) mais ce serait tellement réducteur que je préfère écourter le pitch.
Attardons-nous plutôt sur la plume envoûtante de Jon Kalman Stefansson. Penchons-nous sur ses phrases à rallonge et pourtant si légères, sur ces virgules à foison, des virgules comme s'il en pleuvait, qui marquent la cadence, irrégulières et saccadées comme l'électrocardiogramme d'un coeur fatigué, ou ému, ou exalté. Et l'on est tout ça à la fois (et bien d'autres choses encore !), quand on lit Stefansson.
Ses histoires enchevêtrées nous font voyager entre les lieux et les époques, le long des côtes déchiquetées et jusqu'au coeur glacé de cette île hors du monde qu'il décrit comme personne, une terre âpre, "à peine habitable les mauvaises années", une terre de solitude ("c'est à croire que la solitude est fabriquée ici même, qu'elle sort de la terre avec toutes vos satanées éruptions et qu'ensuite elle va se déverser sur le monde").

Alors c'est vrai, en refermant l'ouvrage, on ne sait plus trop quelle(s) histoire(s) l'auteur a voulu conter. Son héros Ari, expatrié à Copenhague mais récemment de retour en son Islande natale, ne peut pas faire un geste sans réveiller mille souvenirs enfouis, et les allers-retours temporels entre Keflavík et Norðurfjörður (à vos souhaits !), entrecoupés de digressions nombreuses et parfois surprenantes, finiront peut-être par fatiguer certains lecteurs... Un pas en avant, trois pas en arrière : l'action progresse lentement (mes pauses régulières pour relire et savourer tel passage, pour recopier telle phrase dans mon petit carnet de citations, y sont sans doute pour quelque chose...) Mais où est-il écrit que le rythme d'une bonne intrigue est nécessairement frénétique ?
Chez Stefansson on prend son temps, on rêve, on se transporte ailleurs sans pouvoir s'empêcher de chercher des parrallèles entre nos propres expériences et les vies qui nous sont racontées. N'est-ce pas le propre de la littérature ?

Après l'inoubliable Ásta, il s'agit là de ma deuxième incursion dans l'univers incroyablement poétique de Jon Kalman Stefansson.
Je sais déjà qu'il y en aura d'autres, et il me tarde de reprendre la mer avec lui, de poser à nouveau le pied sur ce monde "à l'arrière de toute chose", "cette étendue de terre créée en dernier par Dieu, à la toute dernière heure". Quel bonheur de parcourir ce monde où "les nuits sont parfois si tranquilles que les fjords se peuplent d'anges et que l'air s'emplit du bruissement de leurs ailes", quel bonheur d'arpenter ce monde où les chutes de reins des plus jolies filles "abolissent tous les axiomes et mettent en péril l'ensemble de théorèmes mathématiques", ce monde où les marins se jettent à l'eau pour rejoindre la lune à la nage et où les points cardinaux sont au nombre de trois !
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Le hasard a voulu que, il y a quelques semaines, je ne fasse qu'une bouchée de « Blackport » une série diffusée sur Arte. Je vous recommande chaudement « Blackport » malgré le paradoxe de cet adverbe quand il s'agit d'évoquer le « pays des glaces ».
Son thème ? Dans les années 1980, la mise en place de quotas de pêche bouleverse une petite ville, l'occasion de dresser un tableau politique, sociologique mais aussi artistique de ce territoire volcanique par le biais de personnages aussi foldingues qu'attachants. Excellente et fortuite introduction à ce « D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds ».
Est-ce que totaliser deux fois plus de citations que d'avis critiques sur Babelio est de bon augure ? Pour ce livre, en tout cas, la question ne se pose pas…
« D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds » est un livre envoûtant… inclassable… Tout semble désordonné, les incises nombreuses, les chronologies entrecroisées, les descriptions poétiques laissent place à des scènes burlesques (la fouille du douanier, le destin de Tonni le tonner-burger ou le trépas de Skuli Million) ou encore des passages poignants (le témoignage de Sigrun)… Or, de ce chaos naît une oeuvre d'une rare intensité qui est davantage qu'une saga familiale, davantage qu'une réflexion sur l'histoire de l'Islande, ce trait d'union entre les Etats-Unis et l'Europe, à moins qu'il ne s'agisse de points de suspension. Les vies décrites ici n'ont rien d'héroïques, à considérer du moins que l'héroïsme et la notoriété soient indissociables. Pas de gens connus, pas de gens qui nous ressemblent et pourtant les échos de préoccupations communes : lorsque le singulier conduit ainsi à l'universalité il n'est pas galvaudé de qualifier ce bouquin de pépite. Pas un caillou éblouissant, un morceau de roche noir tout chargé d'énergie tellurique. Comme si la géologie particulière de ce coin de planète isolé irradiait l'écriture de Stefánsson. Pourtant, « D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds » ne tombe pas dans le piège facile du déterminisme géographique. Si la nature islandaise est présente, omniprésente, l'essentiel dans ces pages est bien le genre humain. Certes, cette oeuvre est exigeante, âpre et nécessite parfois des retours en arrière. Certains chapitres sont brumeux et il faut quelques pages pour que la lumière se fasse. Néanmoins, l'immersion dans cet environnement déconcertant entraîne l'envie de prendre un billet pour Reykjavik. Découvrir les fjords bien sûr et les volcans qui valent 97 points au Scrabble mais aussi, et surtout, rencontrer in situ les habitants de cette autre île singulière… Björk, Guðbergur Bergsson, Auður Ava Ólafsdóttir et désormais Jón Kalman Stefánsson, il va vraiment falloir que j'envisage sérieusement ce voyage sur les traces de Floki ! Comme dirait Gaël Faye « On s'envole quand ? »
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