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Critique de mariecesttout


Je crois toujours que Wallace Stegner est un auteur à lire.. en tout cas, il me fait toujours autant de bien! J'y retrouve les descriptions de la nature ( ah, les jardins californiens...), la finesse d'analyse de sujets oh combien complexes que sont les conflits de générations, les rapports familiaux avec toutes leurs erreurs- et surtout tous leurs non-dits qui se perpétuent, tout cela sans aucun pathos, avec même de l'humour...

Donc, les deux volumes La vie obstinée et Vue cavalière sont à lire ensemble. A mon avis.
La Vie obstinée a été publié aux Etats-Unis en 1967 et Vue cavalière (qui a obtenu le National Book Award) en 1976. On y retrouve le même narrateur, Joseph Allston, un homme d'une soixantaine d'années, et sa femme Ruth, un vieux couple lié par une complicité et une tendresse remarquables.
Agent littéraire en retraite, Joe Allston et sa femme se sont retirés dans la campagne californienne, au sud de San Francisco. Comme Wallace Stegner.
Liens rompus avec le passé.. à voir. C'est leur entourage, en particulier deux personnages, un campeur un peu sans gêne et une jeune femme , Marian, qui aime la vie mais est en train de mourir, qui vont donner l'occasion à Joe Allston de voir plus clair en lui-même. Et cela rouvre sans cesse la même blessure que le temps n'a jamais vraiment guérie, la mort du fils et l'incapacité qu'a eue le père à lui manifester son amour, à trouver avec lui le moindre lien.
Cela n'a rien d'un roman ( ou un roman selon la définition de Philippe Forest..), c'est tout à fait autobiographique . Et déchirant de lucidité.

Vue cavalière se situe donc quatre ans plus tard. C'est la lecture par Joe à sa femme d'un journal entrepris, vingt ans avant, lors d'un voyage au Danemark sur les traces de ses origines , sa mère étant une émigrée danoise ( la rencontre avec la baronne Blixen est un régal, on est loin du sourire de Meryl Streep..);
C'est le temps de l'acceptation de ce qui aurait pu être et n'a pas été.
Comment se construit une vie.. le hasard bien sûr et d'abord. Et puis, un luxe, les choix. Et la dernière étape, pouvoir accepter de ne pas les regretter..
Bon, mon commentaire ressemble à de la philosophie pour les nuls, mais je vous promets que ce n'est pas du tout le cas de ces deux livres...

"Même de son vivant, jamais son apologie d'un perfectionnisme biologique n'a pu me convaincre. Elle n'a jamais réussi à me persuader d'ignorer ou de simplement regarder comme des plaisirs âpres le mal que je ressens dans chaque rouille, charbon, nuisible qui infeste mon jardin- et que pour ma part je ressens comme un crapaud posé sur mon coeur. Songez à la force de vie, oui, mais songez aussi à la part de ténèbres qui s'y tient tapie . Il y a dans le lait de la baleine un élément qui annonce la souffrance et la mort.
Et alors? La flagrante évidence est admise, et puis quoi? Effacerais-je, si je le pouvais, Marian Catlin de ma conscience imparfaite? Renoncerais-je au plaisir de sa compagnie pour m'épargner la tristesse de sa disparition? En reviendrais-je à ma propre solution ,qui était le sommeil crépusculaire, afin d'esquiver la souffrance qu'elle apporta avec elle?
Jamais de la vie. Ainsi donc, malgré quelques grincements de dents, je reconnais la réalité de ma conversion. Il se passe pour moi ce qu'un jour je lui ai dit qu'il se passerait pour sa fille. Je serai, toute ma vie durant, plus riche de ce chagrin."
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