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EAN : 9782351781630
368 pages
Gallmeister (07/09/2017)
3.82/5   14 notes
Résumé :
Ambassadeur à la retraite installé à San Francisco, Bruce Mason n’a plus grand chose en commun avec le garçon frêle et révolté parti quarante-cinq ans auparavant de Salt Lake City avec la ferme intention de tirer un trait définitif sur son histoire familiale mouvementée. Mais le voici de retour dans la ville de sa jeunesse pour organiser l’enterrement de sa tante. Au fil de ses déambulations dans les rues familières, ses souvenirs l’entraînent dans un voyage sinueux... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Retour et errance à Salt Lake City…

Il a suffi de presque rien, du décès d'une vieille tante oubliée, pour que Bruce Mason retrouve la ville de son enfance, quarante-cinq ans après en être parti.

Aujourd'hui ambassadeur émérite à la brillante carrière, personne ne l'y attend plus. Sauf son passé. Pendant les deux jours qu'il va passer sur place, il va déambuler dans les rues, à pied ou en voiture, errant sur les traces de ses années étudiantes et de ces quelques mois d'été qui précédèrent son départ.

À Salt-Lake, tout devient alors fulgurance, souvenir, nostalgie ou angoisse. Et poésie. Il suffit d'un regard, d'un bruit, d'un souffle d'air chaud ou frais qui se lève pour faire surgir une réminiscence : « Un simple effleurement et l'épiderme se souvenait ».

Pour le lecteur comme pour Bruce, les souvenirs s'invitent sans prévenir, à tout moment. Sa mémoire se ravive constamment car « elle boxait tout simplement mieux que lui, elle dansait autour de lui et portait ses coups quand ça lui chantait ».

Bruce devient alors spectateur de sa vie, passée et actuelle, il la contemple. Debout, allongé dans son lit, en songe, en spectateur derrière la caméra qui filme son passé ou le regardant d'en haut lors d'un vol en compagnie d'une légende arabe

Mais depuis Elliot Perlman, on sait que la mémoire est une chienne indocile et Wallace Stegner sait combien il est « dangereux de presser le tube de la nostalgie. Impossible d'y remettre le dentifrice ». Les souvenirs, visions, songes, rêves deviennent vite des remords, angoisses ou cauchemars.

Au centre de ces souvenirs torturés, sa famille, et plus particulièrement son père. Après La montagne en sucre, Stegner achève avec L'envers du temps de solder sa relation avec celui qu'il a craint, attendu, espéré, peu compris. Mais qui est néanmoins une part de lui-même et de ce qu'il est devenu. « Il se sentait comme le dernier spectateur encore présent à la conclusion du dernier acte d'une pièce dont le sens lui avait échappé ».

C'est remarquablement écrit, atypique, poétique, sur un rythme souvent assez lent. Et même si j'apprécie cela habituellement, je n'ai pu m'empêcher de regretter ici quelques longueurs, qui n'en seront certainement pas pour d'autres lecteurs adeptes de ce rythme qui convient si bien à cette nostalgie poétique.

Un dernier mot pour souligner – comme d'habitude – la qualité du travail éditorial de Gallmeister, tout comme celle de la traduction.

Merci à eux et à masse critique pour cet envoi.
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Bruce Mason (personnage bien connu des lecteurs de la Montagne en Sucre) est né, a grandi, connu ses premières amours, solides amitiés et désillusions à Salt Lake City, ville qu'il a fini par quitter pour poursuivre des études de droit dans le Minnesota avec dans l'idée de ne plus jamais remettre ne serait-ce que le bout du petit orteil gauche dans sa ville natale. Idée qui a tenu la route jusqu'à ce qu'une vieille tante, dont il était aussi proche que le soleil l'est de Pluton, casse sa pipe et l'oblige à renouer avec un passé qu'il avait mis presque cinquante ans à tenter d'oublier.
Et c'est au travers de rues, avenues et lieux presque oubliés que Bruce Mason renoue avec ses souvenirs autant qu'avec le jeune homme qu'il était à cette époque l'obligeant à se colleter de nouveau avec celui qui subissait les revers d'une enfance trop studieuse et pas assez sportive (en termes clairs : un crevette anémiée et grande gueule dont le verbe haut était la seule chose sur laquelle il pouvait compter pour se faire un tant soit peu remarquer), puis plus tard la double perte de la mère vénérée et de son premier amour, le tout sous l'oeil d'un père qui aurait préféré s'étouffer avec son alcool de contrebande plutôt que de laisser traîner une mini miette d'amour pour son fils.

La construction narrative oscillant entre passé et présent n'est jamais un exercice facile, à l'instar du roman choral, beaucoup s'y cassent les ratiches, mais pas Wallace Stegner qui transforme l'essai avec brio. Sans jamais nous perdre ni nous ennuyer, il nous livre un roman pudique sur le temps qui passe et les blessures qui restent, tout empli de nostalgie et de douceur à la faveur d'un personnage-alter ego attachant, fouillé et profond.
Grâce à Babelio et aux bien aimées éditions Gallmeister (qu'ils en soient infiniment remerciés) je rencontre enfin Wallace Stegner, un projet depuis trop longtemps remis au lendemain, eh bien voilà c'est fait et non seulement je ne le regrette pas mais je ne vais maintenant plus traîner pour me jeter dans le reste de sa bibliographie (ô joie, ivresse et hallelujah à l'idée des belles heures de lecture qui m'attendent).
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Wallace Earle Stegner (1909-1993) est un écrivain, romancier et historien américain. Né dans l'Iowa, il grandit dans le Montana ainsi qu'à Salt Lake City dans l'Utah et dans le sud de la Saskatchewan. Il a enseigné à l'Université du Wisconsin et à Harvard avant de s'installer à l'Université Stanford où il crée un cours d'écriture créative. Il a été le professeur d'étudiants comme Edward Abbey, Thomas McGuane, Ken Kesey et Larry McMurtry. L'Envers du temps (1979) inédit jusqu'à ce jour, vient de paraître.
Bien que considéré comme un romancier écologiste, ce livre n'a rien à faire dans une collection Nature Writing et je ne fais pas là un procès à l'éditeur - qu'au demeurant j'apprécie beaucoup – mais dans le souci d'éclairer un éventuel lecteur. Il n'y a pas ici l'ombre du début de l'esquisse d'un roman de Nature Writing… nous serions plus, mais prenez-le avec des pincettes et des guillemets maousses, proches d'une Virginia Woolf, en plus accessible.
Bruce Mason, le narrateur, est un ambassadeur à la retraite installé à San Francisco. le décès de sa tante le ramène à Salt Lake City, le temps de l'enterrement, une ville qu'il a quittée en 1932, soit depuis plus de quarante ans et où il a vécu sa jeunesse.
Ce retour inopiné dans la ville qui l'a vu grandir amène Bruce Mason à revivre son passé et se confronter au jeune homme qu'il fut. Sa visite de la cité au volant de sa voiture, ravive des trajets effectués jadis et lui remet des évènements qu'il pensait oubliés en mémoire. le moindre petit rien éveille un souvenir, « un simple effleurement, et l'épiderme se souvenait ». Il revit donc son enfance auprès de ses parents aujourd'hui décédés, son père détesté tenancier de bar clandestin ou bootlegger itinérant, sa mère chérie complice du fils face à leur triste existence.
Mais il y aussi cette boite, léguée par sa tante, qui une fois ouverte va s'avérer boite de Pandore, ressuscitant le jeune homme amoureux de Nola, son grand amour d'alors, les virées avec Bailey son copain dessalé ou son ami Mulder. le narrateur, avec son oeil d'aujourd'hui tente de mieux cerner les évènements et les situations d'hier et l'écrivain de disséquer les rapports homme/femme comme ils se présentent parfois.
L'ambassadeur retraité se revoit, gamin malingre alors et souffrant d'un complexe d'infériorité, pris entre un père étranger à sa famille, un copain Bailey trop sûr de lui et bien plus mature et cette vie avec Nola qu'il n'aura pas eue, le laissant célibataire à jamais. Son très court séjour à Salt Lake City sera l'occasion pour Mason de régler définitivement son compte à ce passé trop pesant.
Le roman est relativement dense, très bien écrit, assez détaillé (surtout concernant les vêtements !) avec des astuces narratives qui en épicent la lecture et nous donnent finalement un très bon livre, très fin et qui touche par sa nostalgie induite.
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Après tout ce temps perdu avant de poster mon avis je vais commencer par remercier les organisateurs de Masse critique et l'éditeur qui m'ont permis de découvrir ce roman de Wallace Stegner récemment traduit.
Ceux qui me suivent doivent bien penser que j'ai un penchant tout particulier pour cet auteur : j'emporterais "La vie obstinée" sur une île déserte ! Mais pas que cela ! Si vous avez ne serait-ce qu'un peu séjourné et roulé dans l'Ouest américain, il vous sentez bien qu'il en reste toujours quelque chose... comme après un séjour en Afrique, c'est inoubliable ! Alors dans ce cas, les livres de Wallace Stegner sont pour vous !
Dans ce roman, le personnage principal est un ancien ambassadeur à la retraite. Le décès de sa tante est pour lui l'occasion de retourner sur les lieux où il a passé sa jeunesse. Il quitte donc San Francisco où il vit pour se rendre à Salt Lake City ! ce n'est qui pas anodin.
En attendant les obsèques, tout est organisé à l'avance, il n'aime pas les veillées autour des cercueils, il en profite pour parcourir les lieux où il a vécu, repoussant toujours le moment de retrouver d'anciens amis...
D'une rue à l'autre les souvenirs remontent à la surface.
Tout en vivant intensément le moment présent, il parvient à faire revivre toute une époque, une grande partie du XXème siècle !
C'est un amoureux de la nature, de la langue, les textes sont empreints de poésie. Une lecture que l'on déguste, et même si je lui mets une étoile de moins qu'à "La vie obstinée", il pourrait tout aussi bien finir au fond d'une valise en partance pour une île déserte tant il me semble riche. Wallace Stegner est devenu pour moi un grand classique... merci aussi à son fidèle traducteur Eric Chédaille.
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Et voila, le charme de Wallace Stegner a encore une fois agi! Pourtant il s'agissait là de reprendre les personnages de la montagne en sucre, particulièrement le jeune fils, Bruce Mason, qui, des décennies plus tard revient à Salt Lake City, après une carrière de diplomate, pas vraiment terminée, l'ayant emmené surtout au moyen orient.

A Salt Lake City, plus rien ne le retenait, ses parents et son frère y étant enterrés depuis longtemps, laissant des souvenirs douloureux et compliqués, comme ceux restant de Nola, son premier amour, qui l'a laissé tomber pour un autre.
Lui reste un ami de toujours, Joe, et une tante peu connue qui vient de décéder, d'où son retour obligé dans la ville de son adolescence.

Le voilà qui déambule dans une ville ayant bien sûr changé, à la recherche (ou l'évitement) de lieux connus.
"Toutes ses impressions souffraient de distorsion et d'ambiguïté. Regardant les bâtiments, il n'aurait su dire s'il s'en souvenait ou si sa mémoire meublait la rue d'objets qu'elle voulait familiers. Quoique vaguement préparé à observer des changements, il n'avait pas prévu à quel point le connu et l'inconnu pouvaient fusionner. Il connaissait cette rue, mais celle-ci le mettait mal à l'aise. Cela tenait-il à ce que, bien que pourvu des mêmes yeux, celui qui voyait et celui qui se souvenaient n'étaient pas les mêmes?" (p31)

Oui mais
"Dangereux de presser le tube de la nostalgie. Impossible d'y remettre le dentifrice. le risque était qu'il finisse par verser dans la confusion. Car les côtés sombres qu'il ne pouvait manquer de se remémorer concernant cette ville étaient au moins aussi nombreux que les aspects sentimentaux et plaisants, et le seul fait de chercher à s'y soustraire les faisait remonter à la surface. S'il leur donnait libre cours, ils pouvaient revenir en masse comme des mouches d'automne contre la fenêtre du grenier." (p 42)

Un livre sur la mémoire, son manque de chronologie, ses évitements (et leur impossibilité)? Oui, mais ne pas s'imaginer du systématique, Wallace Stegner renouvelle les façons dont il se remémore le passé, y compris avec une caméra imaginaire. Et c'est passionnant, on a une 'vraie' histoire, dont on connaît bien sûr la fin, mais peu importe, les péripéties se découvrent avec avidité. Ajoutons une merveilleuse façon de décrire les paysages (nature writing bien sûr!), un art de la comparaison et de l'image, visible dans les passages cités plus haut, beaucoup de tendresse, un poil de drôlerie et autant de tragique.

La fin peut étonner, mais découle logiquement de ce qui précède.

Un passage lors de l'enterrement de sa tante, décédée fort âgée, avec un orage qui gronde, et où assistent seulement des dames de sa maison de retraite.
"Ces dames, qui avaient probablement savouré à l'avance cet enterrement comme une occasion de sortir, observaient Mason avec intérêt, le ciel avec inquiétude, le cercueil avec l'empathie chiffonnée de la prémonition." Franchement, quel génie de la concision!
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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critiques presse (1)
LeFigaro
27 novembre 2017
Malgré sa longévité littéraire exceptionnelle, Wallace Stegner est méconnu en France. Oliver Gallmeister le sort de l'oubli et publie l'inédit L'Envers du temps.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Ils se tiennent au bord de la conscience comme ces croix que l'on dresse au bord de la route à l'emplacement d'un accident mortel.
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Son enfance avait été une maladie qui n'avait pas produit d'anticorps. Il suffisait d'omettre un instant de lui appliquer humour ou ironie pour qu'elle s'enflamme aussitôt comme une sinusite chronique.
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Pendant au moins une de ces années-là il avait suivi un régime pour cause d'ulcères et ne pouvait donc boire, mais cela ne l'empêchait pas de s'isoler religieusement avec les garçons pour se gargariser au bourbon, du Green River pur, avant de le recracher dans le lavabo, rien que pour le plaisir d'enfreindre la loi et de rapporter une haleine distinguée dans la salle de danse et auprès des filles.
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[...] Une Vénus des marais, un personnage façon Moulin-Rouge, aux inclinations et complaisances si évidentes qu'elle pourrait aussi bien avoir, comme une participante au concours de beauté d'Atlantic City, la poitrine barrée d'une écharpe de satin rouge où on lirait Miss Consentante.
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Ce que je suis en train de te dire, c'est que si tu ne saisis pas ta chance maintenant, au moment où il est naturel de la saisir, jamais tu ne le feras. Tu vas prendre racine dans cette pépinière, épouser une de ces filles aux yeux en berne que tu serres de près et te retrouver avec six gosses à l'école primaire, des jumeaux dans le landau et des triplés au four, le moral dans les chaussettes et ta double hernie maintenue par un joli bandage.
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