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Éric Chédaille (Traducteur)
EAN : 9782752905659
Phébus (14/01/2011)
4.15/5   126 notes
Résumé :
Etrange, vraiment, que Wallace Stegner (1904-1993), écrivain considéré comme un maître par des gens comme Jim Harrison ou Thomas McGuane, couronné par tous les prix possibles et imaginaires (Pulitzer et National Book Award compris), ait attendu si longtemps (1998) avant d'être traduit chez nous.
Un homme qui croit avoir à peu près réussi sa vie rouvre le journal intime qu'il tenait vingt ans plus tôt et s'aperçoit qu'il n'est pas loin d'avoir tout raté. Humo... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Alors que l'âge le rattrape, Joe Allston retrouve trois vieux carnets où il avait tenu le journal de son voyage au Danemark, vingt ans plus tôt, en 1954. En les lisant à sa femme Ruth, il redécouvre un pan de son passé qu'il avait totalement effacé. Entre les lignes, il recroise la comtesse Astrid Wredel-Krarup et l'auteure Karen Blixen. Il exhume aussi de terribles secrets. Au cours de la lecture qu'il fait à Ruth, Joe omet certains passages et médite en silence, revenant sur ses doutes et ses erreurs. « C'est tout le charme du journal intime. On y touche le seul public vraiment compatissant » (p. 59) La lecture fait surgir des non-dits, mais ni Joe, ni Ruth ne sont dupes devant tous ces secrets éventés, mais tus.

J'ai eu quelques difficultés à entrer dans cette lecture. Mais finalement, je m'y suis laissé prendre et j'ai été très émue par la relation qui unit les époux Allston. Ruth est partisane de l'honnêteté au sein du couple, mais Joe a bien des difficultés à se livrer. Ruth est sans cesse inquiète pour la santé de son mari qui ne se prive pas de bougonner et de décrier son quotidien. « Je tourne vraiment au vieux birbe ratiocineur. » (p. 19) Néanmoins, ils sont tout deux unis par un tendre et solide amour qui a résisté aux drames, ainsi qu'en témoigne la lecture du journal.

Le plus intéressant dans ce texte, c'est la longue réflexion de Joe sur la vieillesse, ses méfaits et le temps qui passe. « Ce que je mesurais en lisant ce journal, […], c'est la somme de toute ce qui s'est perdu, la somme de toute ce qui a changé depuis cette année de 1954. Je suis en train de vieillir. Je m'aperçois avec effroi que je me borde à tuer le temps en attendant que le temps finisse par me tuer. » (p. 124) Joe mesure à quel point la société contemporaine est loin des valeurs qu'il défend, mais il sait également ne rien pouvoir faire pour retrouver un âge d'or qui n'existe probablement que dans son imagination : « Comment vivre et vieillir harmonieusement au sein d'une culture qu'on méprise, quand, de surcroît, on n'a pas une bien haute idée de soi-même. » (p. 154) Mais à mesure que Joe remonte dans son passé, les amères désillusions aboutissent finalement à une plénitude plus ou moins sereine.

Si ce n'est les mots danois non traduits qui émaillent le texte, ce roman est très plaisant. Je me suis longuement interrogée sur son titre. Selon Wikipedia, « la perspective cavalière est une manière de représenter en deux dimensions des objets en volume. Cette représentation ne présente pas de point de fuite. » Cette définition ne m'a pas vraiment convaincue. En regardant du côté du titre original, j'ai trouvé plus de sens avec The Spectator Bird. L'idée d'un oiseau survolant une scène qui se déroule sans lui représente assez bien la situation de Joe Allston qui prend conscience être passé, dans une certaine mesure, à côté de sa vie.
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Wallace Stegner est un romancier américain né en 1909 et décédé en 1993. Il est militant écologiste et est surnommé « le doyen des écrivains de l'Ouest ». Pour son roman « Vue cavalière » paru en 1976, il obtient le prestigieux National Book Award.
Joseph et Ruth Allston forment un couple de septuagénaires vivant une vie ordinaire. Ils se trouvent « cadenassés » dans un quotidien alors que la plus grande part de leur vécu se trouve derrière eux. Joe a la tendance dépressive et se laisse guider par Ruth jusqu'au jour où il réceptionne une lettre qui le plonge dans le passé. Il décide d'ouvrir la boîte de Pandore matérialisée par un journal intime qu'il a rédigé lors d'un voyage réalisé avec Ruth au Danemark bien des années plus tôt. Dans ces écrits, ressurgit un temps ancien où est enfermée une histoire, celle d'une famille danoise, la famille de la Comtesse Astrid Wredel-Karup. C'est elle qui a hébergé Joe et Ruth durant leur séjour prolongé en Scandinavie. Dans un parfum de scandale, Joe replonge en lui, remet le doigt sur une blessure ou plutôt les conséquences d'un choix qu'il a dû faire à cette époque et qui a orienté le reste de son existence.L'écriture de Wallace Stegner est sublime et les sentiments sont effleurés et décrits avec des ailes de papillons, je veux dire avec une subtilité et une délicatesse absolument magnifiques.
J'ai aimé ce roman qui m'a transportée même si certains passages s'étiraient quelque peu, j'en ai saisi le pourquoi à l'issue de l'écrit. La composition du roman nous invite à une méditation sur le temps, la vie qui passe, ce que les choix peuvent induire dans un vécu. Il n'est possible d'en faire le constat, d'avoir cette « vue cavalière », cette hauteur, qu'à l'orée de la vieillesse comme c'est le cas de ce couple, et comprendre alors la puissance du sentiment. Ce livre est bardé de finesse.
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J'avais repéré cet auteur il y a déjà quelques temps, sans savoir trop comment l'aborder. Ce titre trouvé dans une vente de livres d'occasion a choisi pour moi. Et maintenant, de l'autre côté de la lecture, il m'est bien difficile de me souvenir de pourquoi j'avais noté cet auteur dans mes tablettes, et il m'est bien difficile d'aborder cet exercice de la note de lecture.
Je dis difficile de savoir pourquoi je voulais découvrir cet auteur parce que je ne crois pas que ce livre me ressemble vraiment (quoique…), mais pourtant j'en ai beaucoup apprécié la lecture. Même si je ne peux plus compter mes cheveux blancs sur les doigts de la main, je ne suis pas encore à l'âge des époux Allston, et pourtant je me surprends depuis quelques années déjà à apprécier les livres dans lesquels les personnages arrivent sur ce versant de leur vie où ils peuvent commencer à faire un bilan. Je me souviens de la lecture de Best Love Rosie de Nuala O'Faolain en 2013, notamment. Peut-être ai-je l'impression que ça y est, les dés sont jetés, que j'ai pris les grandes décisions qui marqueront les orientations de ma vie présente et à venir, et peut-être déj suis-je en train de me demander si c'étaient les bons choix, et où ils me mèneront. Peut-être est-ce un peu tôt pour se poser ces questions, il reste encore beaucoup à découvrir et à vivre, mais déjà je sens que j'aborde les questions du sens de la vie de façon bien différente que lorsque je commençais tout juste cette longue randonnée.

Pour en revenir à Vue cavalière, ce livre s'inscrit dans cette veine de lecture qui est nouvelle pour moi mais qui commence à devenir récurrente, en peut-être plus sombre et plus immobile. Il ne se passe pas grand-chose dans ce livre, sinon le ressassement de vieux souvenirs à moitié enfouis, l'exploration de plaies mal refermées…
J'ai beaucoup apprécié le style de Stegner, sa capacité à relever les petits incidents de la vie de tous les jours, que ce soit le silence d'un mari perdu dans ses pensées ou le prêt d'une tondeuse, et à montrer ce qui se cache derrière. Sensations irraisonnées, pensées peu avouables, ou conscience du temps qui passe et de la difficulté à trouver un sens à cette vie qui passe si vite et que l'on remplit de tant de choses futiles.
Finalement, sans jamais dire les choses clairement, ce livre donne une définition de ce qu'est vieillir. C'est faire le deuil. le deuil de beaucoup de choses. de ses rêves de jeunesse, d'une emprise sur le cours du monde que l'on n'a plus et que, d'ailleurs, on n'a jamais eue, de l'illusion de laisser une trace ou un héritage. C'est peut-être faire le deuil de l'idée de trouver un sens à notre vie, c'est accepter cette parenthèse pour ce qu'elle est, une parenthèse, quelque chose que l'on a cru indispensable de noter sur le moment mais qui au fond sera oubliée aussitôt que les yeux seront passés à la ligne suivante.

Amère cette note de lecture. Amer ce livre, pourtant, s'il est dur parce qu'il ne se voile pas la face, il dégage au fil des pages une sérénité qui va en s'affirmant. C'est le deuil qui se fait, l'acceptation de la vie dans ses beautés fugitives et ses limites infranchissables. Ce livre a quelque chose de bouddhiste, même si je fais probablement là un rapprochement très osé. Accepter ce qui ne peut être changé, et surtout se détacher de ses illusions, de ses rêves, lâcher prise pour se laisser porter par le courant.
Une sensation renforcée par le titre en anglais, « The Spectator bird ». Je crois qu'il existe effectivement un oiseau qui porte ce nom, un rapace, mais je n'arrive pas à remettre la main dessus. Mais ce nom décrit bien ce qu'est Joe Allston, un oiseau qui plane haut dans le ciel jouant des courants d'air pour se mouvoir, et regardant de si haut et avec une vue si acérée la vie se dérouler à ses pieds, sans jamais véritablement y prendre part. La traduction française fait plus penser à un regard décalé, de côté, qui donne une autre interprétation, peut-être moins épurée mais plus humaine, de l'attitude de Joe. Je crois que je me sens plus proche du titre anglais, et je le garde précieusement, me demandant si un jour, moi aussi, je deviendrai cet oiseau et que je poserai sur ma vie ce regard direct mais sans illusion, et que je me dirai : « Tout pour ça, mais finalement, ce n'est déjà pas si mal ».
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Autant vous le dire tout de suite, j'ai beaucoup aimé le cheminement dans les pages de ce livre : s'y mêlent de l'humour, de l'auto-dérision, du réalisme et une grande nostalgie ou mélancolie selon les pages.

Je ne crois pas que l'on puisse dire que le narrateur a raté sa vie, il a juste eu, comme tout un chacun, des choix à faire... Et celui de venir prendre sa retraite à l'extérieur d'une grande ville dans un quartier "quasi campagne-nature", n'est peut-être pas le meilleur !

le début du roman est plus accès sur la constatation que l'augmentation des années n'améliore pas les performances sportives même s'il ne s'agit que de ratisser le jardin....Beaucoup de malice face à une vieillesse redoutée et aussi beaucoup de nostalgie de l'absence.

La lecture des carnets entreprise un soir pour partager avec sa femme les récits d'un voyage au Danemark est passionnante : outre L Histoire, la nature, la nature humaine dans son ensemble et les relations, nous sont décrits les sentiments du narrateur et ses perceptions de ce qui l'entoure hommes et paysage....

Un beau voyage à l'intérieur d'une âme dans une langue qui enchante.

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Magnifique roman de cet auteur américain que je découvre par la même occasion.

J'apprends sur le net qu'il a eu Edward Abbey et Ken Kesey comme étudiants à l'université. Incidemment, je signale que Kesey figure justement parmi mes grands coups de coeur de ces dernières années avec son remarquable "Et quelques fois, j'ai comme une grande idée".

Pour revenir à Stegner, j'ai vraiment apprécié son style et sa sensibilité. Il relate avec un grand réalisme le phénomène de vieillissement, tant physique, qu'amoureux ou encore social. Un livre émouvant car chacun s'y retrouvera. Un vieux en devenir, ou un vieux déjà vieux, ou encore un nostalgique de vieilles amours!

A mes yeux, Stegner est incontestablement un grand de la littérature américaine du XXème siècle, bien injustement oublié en langue française.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
J'ai parcouru quelques unes des questions, puis j'ai jeté le tout dans la cheminée. Encore une de ces études socio-psycho-physiologiques menées par informatique dont les conclusions sont déjà connues de toute personne au-dessus de cinquante ans. Qui a jamais douté que l'amour-propre des vieux en prend un coup dans une société qui montre de trente-six façons possibles qu'elle ne leur accorde aucune valeur et les tient pour une source de dépenses et de tracas, dans une société qui se rit de leur expérience, se défausse de leurs problèmes, les parque dans des hospices et d'une manière générale les ignore, sauf pour solliciter leurs suffrages, ou leur arracher leur sac à main et le montant de leur pension ? Une société qui possède l'effrayante capacité de les regarder droit dans les yeux sans jamais les voir.
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De gros bouvreuils se coulent les uns auprès des autres, des colombes écervelées fourragent dans l'herbe, le champ d' à côté se couvre soudain de rouges-gorges qui arrivent telles des feuilles amenées par le vent, y font un rapide pique-nique et s'en retournent tous ensemble comme pour répondre à une convocation. De la fenêtre du bureau j'observe des troglodytes et des mésanges dans le chêne vert. Les premiers qui nichent dans le même trou pour la cinquième année consécutive, sont fort occupés ; c'est un ballet de queues obliques qui y entrent, de têtes pointues barrées d'un sourcil blanc qui en ressortent. Ils sont maussades et agressifs, et je me prends à me demander pourquoi moi qui serais aussi irritable qu'eux, je préfère de beaucoup les plus sociables mésanges. Cela vient peut-être de ce qu'elles font ce que j'ai toujours pensé que nous ferions à leur place : elles se bornent à gober les mouches sans souci du temps qui passe, elles font voler les feuilles mortes, jouent à cache-cache dans les arbres et, d'une manière générale, prennent du bon temps.
C'est grâce à cette sorte de méditation que je reste, à près de soixante-dix ans, aussi bienheureux et sain d'esprit.
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C'est comme la semaine dernière, quand mon dentiste m'a annoncé que la molaire qu'il a tenté de sauver en intervenant sur la chambre pulpaire va finalement devoir être arrachée. Pas besoin de tarots ni de marc de café pour prédire l'avenir : dans un premier temps, bridge, s'il trouve à quoi le fixer ; puis prothèse partielle ; enfin déblayage complet de tous les vieux chicots pour ménager de la place aux fausses dents, à un "appareil", comme dit la télé. Viendra le matin où, me regardant dans la glace, je verrai un quidam aux joues creuses, aux yeux apeurés et à la bouche en sphincter d'oursin.
Je suis capable d'en prendre mon parti. Il ne faut pas que je me laisse miner par ce genre de rumination. Une chose est sûre : ce ne sont pas des perspectives qui me réjouissent, et je ne goûte pas du tout le plus petit signe montrant que le bonhomme est en train de partir en capilotade. L'autre jour, au musée, après un rapide coup d'oeil, la petite jeune fille qui tenait le guichet m'a demandé d'un ton enjoué : "Carte vermeille, monsieur ?" et m'a délivré des billets à cinquante pour cent. Même Ruth en a été secouée. Dans l'état où j'étais après cela, le demi-tarif paraissait encore trop cher.
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Délaissant la porte d'entrée, j'ai tourné le coin de la maison pour passer par la chambre. Mais lorsque, dépouillé de mes effets trempés et boueux, j'ai actionné l'interrupteur de la salle de bain, il ne s'est rien produit: et quand, dans la cabine de douche, j'ai manoeuvré le robinet, il s'en est écoulé un filet d'eau bientôt changé en goutte à goutte. Tout en me rinçant tant bien que mal sous ce maigre débit, je me suis pris à imaginer que j'appelais le docteur Alexander pour qu'il examine la prostate de ma plomberie.
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La représentation la plus exacte que je connaisse de la vie est proposée par Bède le Vénérable : c’est cet oiseau qui entre dans le hall éclairé, y volette quelques instants, puis ressort dans la nuit. Mais Ruth est dans le vrai. Ce n’est pas rien – et cela peut être tout – que de s’être trouvé un compagnon oiseau avec qui se reposer sous les combles pensant qu’au-dessous libations, rodomontades, déclamations et échauffourées vont bon train ; un congénère dont on prend soin, auquel on aille chercher des graines et des vermisseaux ; un congénère qui soignera vos bobos, lissera vos plumes ébouriffées et pleurera sur vos plaies et vos bosses quand vous volerez par accident dans quelque chose qui vous dépasse.
(p. 267, Chapitre 4, Partie 5).
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