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Bernard Faÿ (Traducteur)
EAN : 9782070201341
288 pages
Gallimard (23/01/1980)
3.49/5   39 notes
Résumé :
Nouvelle traduction par Martin Richet du livre le plus connu de Gertrude Stein. Dans cette autobiographie en trompe l'oeil, elle revient sur sa rencontre avec Alice B. Toklas, les débuts de son salon artistique à Paris et ses rencontres avec les avant-gardes qu'elle a contribué à faire découvrir, à commencer par les peintres cubistes. Un document savoureux de premier ordre sur cette époque effervescente et fondatrice du Paris des années 1920 alors en pleine mutation... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
"Rose is a rose is a rose is a rose is a rose"

Voilà la phrase la plus célèbre de Gertrude Stein, cette égérie de la "génération perdue" à laquelle elle a donné (dit-on) son nom. La phrase qui a trouvé d'innombrables échos littéraires, et qui a été inlassablement recopiée par sa secrétaire, amie, amante et compagne Alice Babette Toklas sur des plats décoratifs en faïence destinés à la vente : un véritable commerce de roses et de mots !
J'ai toujours été méfiante...
... et j'ai toujours eu l'impression que cette célèbre moderniste américaine est une sorte d'icône terrifiante qu'il vaut mieux vénérer de loin, et de temps en temps lui sacrifier une vierge ou un nouveau-né. En ce qui concerne les roses, j'ai une nette préférence pour la façon dont le magicien Will soulève la question du "nom de la rose" dans "Roméo et Juliette".
Puis je me suis finalement lancée dans cette autobiographie en essayant de la voir comme un livre ordinaire et inconnu, tout juste sorti dans les librairies.
Et je dois avouer que je n'y ai pas trouvé la révélation attendue, même si c'est probablement le seul texte de la grande prêtresse moderniste (officiant au 27, rue de Fleurus à Paris) qui s'est bonifié avec l'âge. On peut ajouter au lot le portrait de Gertrude par Picasso, un tableau que ses amis jugeaient particulièrement laid et non-ressemblant, mais que Gertrude avait adoré, ainsi que les mots de Picasso que "plus tard, elle finira par y ressembler". Il n'avait pas tort, et ce portrait fait fortement penser aux idoles païennes : cela ne fait que confirmer ce que j'avance prudemment plus haut.

Il faut dire que cette pseudo-autobiographie est une très riche excursion dans le monde littéraire et artistique avant, pendant et après la Grande guerre. Il est agréable de se promener sur ses pages et profiter de l'atmosphère surannée de Paris et Londres, "quand tout le monde avait 26 ans". Il est certain que Gertrude était une sorte de génie de son époque, capable de reconnaître un autre génie. Elle a su voir le potentiel des artistes moqués comme Matisse, du cubisme, et des expérimentations littéraires. Elle avait un "flair" pour décider dans quoi investir. Elle était toujours à la bonne place au bon moment, et elle a su se hisser avec succès sur les épaules des géants, pour en profiter le moment donné. Vu par nos yeux d'aujourd'hui, son entourage était fascinant : Picasso, Braque, Matisse, Juan Gris, Max Jacob, le Douanier Rousseau, Man Ray, Ezra Pound, Cocteau, Fitzgerald, Hemingway, T. S. Eliot, Apollinaire, Satie... tout une farandole d'artistes illustres traverse le récit, pour exprimer leur étonnement sur les incroyables aptitudes littéraires de Mme Gertrude. le livre est rempli de charmantes anecdotes sur tout un chacun, et aussi sur Gertrude elle-même : laide, méchante, avec une bonne dose d'humour et de jugeote, intelligente et visionnaire, qui conduisait sa petite Ford décapotable à toute allure, mais n'était vraiment pas douée pour la marche arrière, ce qui la rend tout de suite plus sympathique !

Ceci pour le positif, avant de passer aux "nuisibles" : aux blattes, punaises et puces littéraires qui pourraient éventuellement importuner le lecteur. Tout d'abord, le livre est totalement et hideusement "steinocentrique". Sur chaque deuxième page il nous est répété encore et encore que Mme Gertrude est l'une des rares personnes authentiquement géniales au monde. Je ne doute pas qu'elle le pensait vraiment, et que ce n'est pas juste une pose ou une vaine vantardise, laissons-lui donc ce plaisir... Vous apprendrez au moins une bonne dizaine de fois que son oeuvre marque au fer rouge le tournant vers la littérature moderne. En ce qui concerne chaque texte, tableau, événement ou personne mentionnés dans le livre, le facteur décisif est si Gertrude Stein l'avait aimé. Si ce n'est pas le cas, il est voué aux flammes de la Géhenne, et on n'en parle jamais plus. Dans le cas contraire, il sera rangé parmi les rares merveilles qui vont façonner L Histoire.

Le récit autobiographique d'Alice/Gertrude est innovant. Il empile les mots et se passe très souvent de virgule. Comme c'est osé et révolutionnaire ! le lecteur doit se les compléter seul, car s'il n'y arrive pas, il n'est pas digne de cette lecture. Dites donc, quelle idée ! de l'autre côté il y a une certaine transparence du texte et l'effort d'utiliser les mots et les expressions les plus simples possible : "C'était beau. Gertrude Stein en était satisfaite. Plus tard, cependant, Gertrude Stein ne l'aimait plus".
Eh oui, Mme Gertrude pensait que les mots au 20ème siècle sont déjà rassis, desséchés, usés et "littéraires", alors qu'à l'époque d'Homère ou de Chaucer ils étaient encore vraiment associés aux "choses". Les poètes d'autrefois pouvaient parler du monde directement, tandis qu'aujourd'hui ils doivent rendre la vie aux mots par toutes sortes d'expériences. Cela vous plaît-il ? Hmm... cette idée est presque aussi agréable qu'absurde, les mots étant "usés" depuis la nuit des temps. Est-il seulement possible de déterminer quelque "âge d'or" en littérature ? Avec une prétention presque steinienne, j'ose donc croire que messieurs Homère et Chaucer seraient d'accord pour me soutenir dans la campagne contre les phrases inutilement trop épurées.
Même Ernest Hemingway - dont "Paris est une fête" ressemble thématiquement beaucoup à ce livre - n'était pas aussi obstiné, malgré sa prédilection pour le style simple et direct. Il y parle d'ailleurs du mauvais accueil que Gertrude a fait à Paris à Zelda Fitzgerald, car elle avait du mal à tolérer une personne tout aussi excentrique qu'elle-même.
Et il n'a pas pu s'empêcher de paraphraser la célèbre phrase steinienne par un ironique "a stone is a stein is a rock is a boulder is a pebble", en ricanant aussi méchamment que Gertrude sur tout ce qui n'obtenait pas ses faveurs.
Alors 1 : 0 pour Ernie (y compris la préférence pour "Paris est une fête") et 3,5/5 pour Gertrude, mais je suis contente de l'avoir enfin lue.
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A travers le récit de leur vie en commun, de leur amitié, c'est oeuvre autobiographique que fait Gertrude Stein. Quelles belle histoires que ces rencontres avec Picasso, Hemingway, Matisse, Juan Gris et tant d'autres. Que d'humour aussi dans ce pointillisme qui décrit tant d'artistes majeurs de ce début de siècle! Pour savourer pleinement ce livre, il faut absolument lire en parallèle "Paris est une fête" d'Hemingway. Des regards croisés, des liens qui se tendent et se distendent, une amitié fiévreuse.
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Si tout le monde connait Gertrude Stein peu de monde connait Alice Toklas, sa confidente et secrétaire. Ce livre est un témoignage très intime sur la vie de ces deux personnages hors du commun. On revit l'ambiance des visites de Cézanne, Picasso, Juan Gris ou Matisse (excusez du peu !). Je vous recommande particulièrement ce livre si vous aimez l'ambiance des années 30, le monde de l'art et de la littérature. C'est un ouvrage Exceptionnel.
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L'un des principaux membres de la "Génération perdue", Gertrude Stein était la mère de certains des artistes les plus influents du XXe siècle. Si vous pouviez voyager dans le temps et visiter son salon parisien, vous pourriez apercevoir Ernest Hemingway, Pablo Picasso et F. Scott Fitzgerald. En plus de favoriser l'une des communautés les plus créatives de l'histoire humaine, Stein a écrit L'autobiographie d'Alice B. Toklas*, un livre sur sa partenaire de vie. Stein était une femme incroyablement puissante, mais alors qu'elle faisait partie de l'élite littéraire, elle avait un faible pour les fascistes.
Stein a dit un jour qu'Adolf Hitler devrait remporter le prix Nobel de la paix et a même fait un salut nazi devant le bunker du Führer. Certes, il est possible qu'elle ait dit cela avec ce qu'elle crpyait être de l'humour... ça sonne assez mal d'auatnt que son soutien à Philippe Pétain est un peu difficile à expliquer.
Si ce nom ne vous dit rien, Pétain était le chef d'État français pendant la Seconde Guerre mondiale, le chef du gouvernement de Vichy, et accessoirement l'employeur d'un de nos présidents de la république. Alors que la France de Vichy était censée être neutre, c'était en réalité un gouvernement fantoche pour le Troisième Reich, permettant aux nazis de diriger la majeure partie du pays et appliquant des lois antisémites.
C'est quelque peu étrange que Stein, juive, ait été si pro-Pétain.


Alice B. Toklas était sa compagne sa gouvernante et aussi une excellente cuisinière si l'on en juge à son livre de recettes (Le livre de cuisine de Alice B. Toklas) dans lequel figurent des recettes inspirées des traditions culinaires de la région de Belley où elles vécurent avant et pendant la 2° guerre mondiale)
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Gertrude Stein est un personnage, atypique et qui fascine, du milieu culturel français, du début du XXè siècle.
Cette autobiographie permet de la connaître un peu mieux et surtout d'avoir un autre regard, complémentaire, sur cette époque où de nombreux talents ont vu le jour et dont on se souvient toujours.
Gertrude Stein revendiquait un style d'écriture particulier, sans autre ponctuation que les virgules et les points, sans parenthèses ou guillemets, etc. Elle aimait aussi les répétitions de mots, comme à l'oral.
Un style qui n'est pas toujours agréable à lire mais que le traducteur à souhaité respecter.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Tout le monde s'assit et commença à manger le riz à la valencienne et le reste, du moins ils commencèrent aussitôt que Guillaume Apollinaire et Rousseau eurent fait leur entrée, ce qu'ils firent au bout de peu d'instants, et au milieu des applaudissements frénétiques. Comme je me rappelle bien leur entrée !
Rousseau, un Français petit et pâle, avec une petite barbe, comme tous les Français qu'on voit n'importe où, Guillaume Apollinaire avec ses traits fins et exotiques, ses cheveux noirs et son beau teint. Quelqu'un d'autre, peut-être Raynal, je ne me rappelle plus, se leva et l'on porta des toasts, puis tout à coup, André Salmon, qui était assis à côté de mon amie et discourait solennellement de la littérature et de voyage, sauta sur la table, qui n'était point trop solide, et débita un éloge et des poèmes improvisés. A la fin de son discours, il saisit un grand verre et avala tout ce qu'il contenait, puis aussitôt, il se mit à divaguer, car il était complètement ivre, et il commença à chercher querelle aux gens. Les hommes le maîtrisèrent, tandis que les statues vacillaient sur leurs socles. Braque, qui était un grand fort diable, saisit une statue dans chaque bras, et les protégea ainsi, tandis que le frère de Gertrude Stein, un autre grand fort diable, protégeait le petit Rousseau et son violon. Les autres, avec Picasso en tête, parce que Picasso, tout petit qu'il soit, est très fort, poussèrent Salmon dans l'atelier de devant et l'y enfermèrent à double tour.
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Les Stein dirent à M. Vollard qu'ils voulaient voir des paysages de Cézanne, et qu'ils lui étaient adressés par M. Loesser de Florence. "Ah oui", dit Vollard, d'un air guilleret, et il se mit à circuler dans la pièce ; puis il disparut derrière une cloison qui se trouvait au fond de la boutique, et on l'entendit monter lourdement un escalier. Après assez longtemps il revint, tenant à la main une petite toile qui représentait une pomme, mais la majeure partie du tableau n'était pas peinte. Tous trois examinèrent le tableau avec grand soin. "Seulement, voyez-vous, dirent-ils, ce que nous voulions voir c'était un paysage. - Ah oui", soupira Vollard, et il prit un air encore plus guilleret. Au bout d'un instant il disparut à nouveau, et cette fois revint avec un tableau, qui représentait un dos ; c'était une toile magnifique sans aucun doute, mais le frère et la soeur n'en étaient pas encore à comprendre bien les nus de Cézanne et ils revinrent à la charge. Ils demandèrent à voir un paysage. Cette fois, après une pause encore plus longue, Vollard revint avec une très grande toile sur laquelle était peinte un très petit fragment de paysage. "Oui, c'était bien cela qu'ils voulaient, dirent-ils, un paysage, mais ils souhaitaient une toile plus petite qui fut entièrement couverte de peinture. "C'est quelque chose comme cela, dirent-ils, que nous désirerions voir." Pendant ce temps, la nuit, qui tombe tôt l'hiver à Paris, était venue, et, à ce moment, une vieille femme de charge descendit l'escalier du fond ; en s'en allant, elle murmura : "Bonsoir, Monsieur, bonsoir, Madame", et elle sortit sans bruit ; puis, au bout d'un instant, une autre vieille femme de charge descendit le même escalier, susurra : "Bonsoir, Messieurs et Dames", et disparut silencieusement par la porte. Gertrude Stein éclata de rire et dit à son frère : "C'est une plaisanterie, il n'y a pas de Cézanne. Vollard monte là-haut, et il dit à ces vieilles femmes ce qu'il faut peindre, il ne nous comprend pas, et nous ne le comprenons pas, elles peignent vite quelque chose, et il nous l'apporte, et c'est un Cézanne." L'un et l'autre furent alors pris d'un insurmontable fou rire. Au bout de quelque temps ils se calmèrent et une fois de plus expliquèrent qu'ils voulaient voir un paysage de Cézanne.Ils expliquèrent que ce qu'ils voulaient voir c'était un de ces merveilleux paysages jaunes d'Aix tels que Loesser en possédait plusieurs. Une fois de plus Vollard sortit et cette fois il revint avec un merveilleux petit paysage vert. C'était ravissant, cela couvrait la toile entière, et cela ne coûtait pas très cher. Ils l'achetèrent tout de suite. Plus tard Vollard expliqua à tout le monde qu'il avait reçu la visite de deux Américains toqués, qui riaient tout le temps ; ça l'avait beaucoup agacé, mais à la fin il découvrit que plus ils riaient plus ils achetaient, alors il s'était mis à attendre qu'ils rient pour leur vendre quelque chose.
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Elle dit qu'auparavant elle s'était seulement inté. ressée à l'être intérieur des gens, leur caractère et ce qui se passait en eux, mais durant cet été, elle commença à éprouver le désir d'exprimer le rythme du monde visible.
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When you get there there isn't any there there
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Videos de Gertrude Stein (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gertrude Stein
Et observez comment cette installation se fait l'écho de l'oeuvre de Gertrude Stein. Son travail a effectivement influencé la scène d'avant-garde new-yorkaise dès les années 1960, dont le mouvement "Fluxus" rejoint par Nam June Paik avec le compositeur John Cage.
#Expogertrudestein L'invention du langage Jusqu'au 28 janvier 2024 @museeduluxembourg, Paris Infos et réservations bit.ly/BilletterieStein
Nam June Paik (Fluxus), Gertrude Stein, 1990, 249 × 196 × 94 cm © Courtesy James Cohan Gallery, New York © Nam June Paik Estate
Abonnez-vous à notre chaine YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCyAiVPzrW_o5PuNl6UH3JNg
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