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Critique de Olep


La Civilisation tibétaine
06 août 2018
La Civilisation tibétaine de Rolf Stein
★★★★★
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Il est des ouvrages dont on se dit que si nous les avions eu entre les mains en temps opportun dans les années soixante-dix(1), cela nous aurait fait sans doute l'économie de bien de vicissitudes inutiles, d'incompréhensions très dommageables à notre existence … ainsi en est-il de ce livre traitant de l'histoire de la « civilisation tibétaine » !
Il est constitué en cinq parties relativement indépendantes les unes des autres, qui sont :
L'HABITAT ET LES HABITANTS
COUP D'OeIL SUR L'HISTOIRE
LA SOCIÉTÉ
RELIGION ET COUTUME
ARTS ET LETTRES
Rolf Alfred Stein a eu Jacques Bacot(2) comme un de ses initiateurs. Ce dernier, très proche de lui, lui donna le goût et la connaissance de la civilisation tibétaine. Il est également à noter qu'en 1960, R. S. Stein fit venir de Kalimpong à Paris le lama tibétain maintenant bien connu, Dagpo Rinpoche.
La rétrospective de l'histoire du Tibet de la seconde partie nous plonge dans une “saga” qui n'a rien à envier à nos contrées aux mêmes périodes(3) … !
Le « Tibet pacifique mythique » de Shambala véhiculé par la tendance “New-age” d'Occident vole en éclats(4) ! Ce qui d'ailleurs pose une ambiguïté historique de fond. La complexité politico-religieuse tibétaine actuelle est non seulement dans une impasse, mais qui plus est, il semble qu'elle ne trouvera d'issue que dans l'évolution (si il y a lieu !) de la Chine elle-même*. Ce qui pose une réelle question de profondeur sur la présence significative et bien temporelle non pas d'une “diaspora” tibétaine en Occident (qui est assez insignifiante quantitativement parlant) mais bien plus de ses représentants religieux et de leurs agissements qui ne correspondent pas forcément à ceux affichés officiellement** … ! Car il ne peut être fait abstraction de l'histoire de cette culture sous peine de se fourvoyer complètement dans les jeux d'intérêts qui jalonnent toute l'histoire du monachisme tibétain. En effet le clergé actuel n'est que le prolongement de ce qu'étaient les institutions tibétaines avant la perte de leur indépendance dans les années 1950. Sauf que la culture de l'Occident n'est pas celle du Tibet, et ce en aucune façon ! D'où l'équivoque !
Dans « LA SOCIÉTÉ » R. A. Stein nous dépeint la vie d'un peuple avec ses caractéristiques tantôt “hautes en couleurs”, quand il cite les poètes mystiques comme Milarépa ou Kunley qui raillaient volontiers avec espièglerie les travers de leurs époques sous forme de “dohàs” — qui sommes toutes nous rappellent les nôtre dans les même périodes avec Rabelais —, tantôt décrites sous leurs aspects frustes et rustres.
Au chapitre « RELIGION ET COUTUME » sont exposées les particularités essentielles de la relation dans le vajrayana tibétain entre “maître et disciple”(5) qui provoque tant de quiproquos et de confusions en Occident, car il y manque toute la dimension d'une culture, la notion de “chef” (slob-dpon) et « sujets, peuple » (slobjbangs) ne pouvant s'entendre que dans le cadre de traditions séculaires, complètement obsolètes et anachroniques dans nos pays d'Europe et de cultures démocratiques. En outre, élément fondamental, il y avait des ermites au Tibet, des “sàdhakas” itinérants et autres yogis/yoginis errants et tout le monde ne se mettait pas au service des constructions cléricales et autres “labrang” (monastères), comme si c'était la voie exclusive du salut… et très loin s'en faut ! Hors avoir laissé diffuser et entretenu une telle idée malhonnête de propagande aberrante, voir dangereuse en nos pays est devenu un très grave problème !***
Des pages 190 à 210, un fort intéressant et excellent descriptif est donné sur l'ensemble de ce qu'il convient d'envisager comme « pratique de la voie tibétaine ».
Ensuite est exposée une très originale genèse des origines des traditions religieuses et “spirituelles” du Tibet quasiment non connue du public et sans doute encore moins du public qui fréquente les fameux « centres d'obédience tibétaines » ! Hors, sans cette connaissance particulière, le lamaïsme ne peut être appréhendé de façon globale dans son histoire et sa culture !
Dans « ARTS ET LETTRES », R. A. Stein rappelle avec pertinence la « … communion des saints “fous” avec les sources d'inspirations populaires qui en fait les plus grands créateurs de la littérature tibétaine. »
On peut donc dire qu'ils étaient « l'âme du Tibet » et sa mémoire ancestrale, donnant des représentations théâtrales ouvertes, à un public largement illettré, pour transmettre leur connaissance des traditions, des chants et de la poésie du peuple à la vie duquel ils aimaient se mêler, ainsi que le moyen d'appréhender la dimension spirituelle toujours possible de l'existence.
Les populations du Tibet réel aimaient particulièrement ces représentations et leurs auteurs, qui se distinguaient de tant d'autres — ennuyeuses et pédantes — par leur langue proche de la langue parlée et leur style vivant, et surtout par l'intérêt porté à mille détails de la vie réelle !
Quid donc du fameux « bouddhisme tibétain » en nos contrées ? Et du hiatus entre la tradition vantée et les réalisations “spirituelles” concrètes ..., qui consistent surtout en une édification matérielle très gourmande en matière de finances ! Ne serions-nous pas devant, au mieux ..., un grand malentendu ?
Nous n'avons à ce jour ni vu, ni entendu dire, qu'aucun de ses représentants “aimait” un tant soit peu se “mêler” à la vie réelle des gens de nos contrées … !
Nous avons connu une époque dans les années 80, où l'on n'était pas systématiquement et pesamment “sollicité” financièrement pour rencontrer de grands yogis du Tibet. L'implication dans l'authenticité de la relation au “maître” était pour eux, il est vrai, leur préoccupation essentielle ! Ce ne fut pas vraiment le cas par la suite … les priorités furent autres, ce qui explique bien des scandales récents dans ces milieux suspects de nos jours ...

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(1) alors que nous découvrions conjointement la vie de « Milarépa » de Jacques Bacot (1971) ainsi que les documentaires filmés d'Arnaud Desjardins, « le Message des tibétain »
(2) https://www.babelio.com/auteur/Jacques-Bacot/175694/bibliographie
(3)voit p. 51
« Songtsen Gampo eut cinq femmes : en plus des deux princesses de Chine et du Népal, ce furent une fille du roi de Zhangzhung, une femme du clan Ruyong, fille du roi de Minyag, et une dernière de Mong (mais il en existe d'autres listes). Cinq générations après, le roi Thide Tsugten (704-755) prit trois femmes : la princesse chinoise Kin-tch'eng (Gyimshang Kongjo) qui arriva à Rasa (Lhasa) en 710, une dame de Jang (le Nan-tchao) et une troisième née Nanam. le successeur, Thisong Detsen (742-797 ou 804), eut à nouveau cinq femmes, cette fois toutes de clans nobles tibétains. Ces grands clans fournissaient les ministres. Mais les rivalités entre la famille du roi et ses parents par alliance, entre les différentes femmes et leurs familles aussi (lutte pour la succession des fils), amenaient une grande instabilité du pouvoir. »
— À la même époque “Carolus Magnus” ou Charlemagne, avait les même moeurs … Comme quoi !
https://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/4508-charlemagne-roi-des-francs-et-empereur-doccident-biographie.html
(4) souliei, — On peut rendre hommage au père Jean André Soulié (1858-1905), un des plus remarquables missionnaires-botanistes français. Il fut un collecteur de plantes invétéré et renvoya plus de 7 000 spécimens séchés à Paris depuis les marches tibétaines. Il fut très apprécié des populations locales pour ses compétences de médecin et sa connaissance des dialectes locaux. Hélas, en 1905, il fut capturé, torturé et finalement tué par des moines tibétains, outrés que des troupes britanniques aient profané Lhassa. Pages 219/20 « le latin de mon jardin » Diane Adriaenssen – Éditions Larousse © octobre 2003.

(5) Aussi faut-il une soumission absolue du disciple au lama, et celui-ci lui impose une série d'épreuves pour éprouver la solidité de sa foi. Les liens entre eux sont prédestinés et indissolubles. Ils sont caractérisés à la fois par l'affection de père à fils et par la subordination de vassal à suzerain : les termes qui les désignent sont bien “père” et “fils”, mais aussi “chef” (slob-dpon) et « sujets, peuple » (slobjbangs). « Il n'y a pas de disciple plus affectueux (sha-tsha-ba) et plus fidèle (“proche du coeur”, snying-nye-ba) que toi », dit la “mère” spirituelle, la femme du maître, à Milarepa.
p. 195
(5) ou plus exactement “mystiques inspirés” et libre de mouvement, indépendant et ne relevant pas d'un “labrang” particulier.

*
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Le-Debat/Demain-la-Chine-democratie-ou-dictature
https://fr.news.yahoo.com/r%C3%A9gime-chinois-condamn%C3%A9-%C3%A0-dispara%C3%AEtre-sit%C3%B4t-110449269.html
**
https://behindthethangkas.files.wordpress.com/2018/07/mary-finnigan-lenvers-des-thangkas-mise-c3a0-jour-2018.pdf
https://www.babelio.com/livres/Campergue-Le-maitre-dans-la-diffusion-et-la-transmission-du-/644762/critiques/648122
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critique de Levradeur ***
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