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Critique de Nastasia-B


Je vais volontairement tâcher de ne rien déflorer du délice de cet ouvrage époustouflant, atroce et tellement, TELLEMENT fort, afin que ceux qui désirent s'en repaître sans connaître l'histoire au préalable puisse tout de même avoir quelques indices.

Voici un pur bijou, du très grand Steinbeck. J'ai rarement lu un livre aussi petit qui me frappe aussi fort et aussi durablement (il n'y aurait peut-être que Montserrat d'Emmanuel Roblès ou On Achève Bien Les Chevaux d'Horace McCoy à concourir dans cette incroyable catégorie). Où donc John Steinbeck est-il allé chercher une pareille histoire (qu'il n'est pas usurpé d'appeler une histoire d'amour sous ses apparences tout autres) ? Probablement du côté d'Edith Wharton est de son étonnant Ethan Frome, mais ça c'est juste mon intuition.

Quoi qu'il en soit, l'auteur nous sert des dialogues impeccables, un scénario parfait, simple, efficace, un style lumineux, un fil qui se tend tout au long du récit jusqu'à vous éclater au visage. Si vous restez insensibles, allez d'urgence consulter un cardiologue car il y a vraisemblablement un problème de ce côté là !

Je voudrais seulement offrir deux comparaisons pour les deux protagonistes principaux, l'une pour George, l'autre pour Lennie.

George, l'ouvrier agricole modèle, pas naïf, les pieds sur terre, qu'il ne faut pas trop chercher mais qui est une bonne pâte dans le fond, me fait beaucoup penser à Jean dans La Terre d'Émile Zola. La Jacqueline de Zola a aussi son pendant dans ce livre.

D'autre part, ceux qui ont lu L'Homme Sans Qualités de Robert Musil trouveront peut-être une ressemblance frappante entre ce Lennie et le personnage de Moosbrugger au chapitre 18 de cet autre monument littéraire qui date lui aussi des années 1930.

C'est un caractère récurrent chez Steinbeck de choisir un protagoniste souffrant d'une difformité physique ou mentale comme une sorte de Quasimodo moderne (voir La Grande Vallée, Les Pâturages du Ciel pour les difformités physiques, À l'est d'Éden pour les mentales).

Bonne lecture et surtout, j'aimerais souffrir d'amnésie pour revivre le plaisir que j'ai eu à lire ce livre pour la première fois, néanmoins, ce n'est là que mon tout petit avis parmi une kyrielle d'autres, c'est-à-dire, bien peu de chose.

P. S. : On sait que John Steinbeck s'est inspiré du poème en dialecte écossais de Robert Burns de 1785 intitulé « To a mouse » pour choisir le titre de son oeuvre et que le passage suivant décrit à merveille ce qui s'y passe :
« The best-laid schemes of mice and men
Go oft awry,
And leave us nothing but grief and pain,
For promised joy ! »

La symbolique est partout très forte dans ce roman et j'aimerais simplement faire une toute petite remarque quant à l'utilisation de la souris. Ici, malheureusement, on perd beaucoup à la traduction. Dans le titre original " Of Mice and Men ", l'utilisation de deux substantifs proches à l'oreille et ayant un pluriel particulier (ce qui n'est pas si fréquent en anglais) rapproche inévitablement, comme dans le poème de Burns, l'Homme en général de la Souris. Dans le déroulement de l'action, le parallèle entre l'un des personnages, broyé par Lenny et la souris me semble assez transparent.

De même, la fuite continue de George et Lenny, au départ, n'est sans doute pas très différente de la fuite des rongeurs face à leurs bourreaux humains. Si bien que la question qu'il convient de se poser est : Qui sont les bourreaux de George et Lenny ? Mais voilà, c'est tout le roman, cette question, et c'est pour ça qu'il est vraiment grandiose.
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