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Critique de Nastasia-B


Si vous ne connaissez pas du tout l'auteur, peut-être aurez-vous un petit aperçu de son talent en lisant ce recueil de nouvelles, sorte de pot pourri de la vaste palette littéraire de John Steinbeck.

Des histoires assez variées qui rappellent ou qui annoncent plusieurs des oeuvres majeures de l'auteur. Par exemple, La Rafle et le Vigile me font grandement penser à un écrit politique et social comme En Un Combat Douteux...

La Fuite annonce à beaucoup d'égards l'ambiance mexicaine de traque qu'on connaît dans La Perle. le Meurtre, nouvelle mouture d'un drame paysan rappelle certains aspects de Des Souris Et Des Hommes, notamment le comportement volage de la femme de Curley.

Le Harnais, Johnny L'Ours et La Caille Blanche m'évoquent certains tableaux d'À L'Est D'Eden, notamment le comportement pathologique de Kathy, la mère des jumeaux. le Serpent paraît, quant à elle, tout droit tirée de Rue de la Sardine.

Les Chrysanthèmes et le Déjeuner, des morceaux de vie simples et authentiques sont comme des petites miettes tombées au sol de son célèbre et vibrant chef-d'oeuvre, Les Raisins de la colère. On peut dire également que le style délirant de Sainte Catherine La Vierge a quelque chose à voir avec l'humour de Tortilla Flat.

Quant à la plus fameuse des nouvelles, le Poney Rouge, elle est peut-être celle qui a le plus d'identité propre bien que pleinement dans le style concret et efficace qui a fait le succès mérité de l'auteur.

Je vous avoue que ce n'est pas dans l'exercice de la nouvelle que je préfère ce génial romancier américain, qui est pourtant, sans aucun doute, l'un de mes auteurs préférés, toutes catégories confondues.

Ici, on y découvre certains des " dadas " de l'auteur régulièrement ressassés dans plusieurs de ses ouvrages : l'âpre vie campagnarde, le drame domestique, la bizarrerie psychologique ou encore la vie des minorités immigrées.Comme toujours, Steinbeck nous téléporte dans la Californie de l'entre-deux-guerres.

Je ne vais pas vous faire un compte-rendu détaillé de toutes les nouvelles l'on peut s'attarder quelques instants sur le Meurtre. On y voit un fermier aisé, Jim Moore, qui vit une vie sans histoire avec sa femme Jelka. Oui, vous avez deviné, Jelka Sepic, ça sonne plutôt Yougoslave et effectivement, elle est une immigrée, elle et toute sa famille.

Les moeurs de l'Europe centrale étant encore plus rudes que celle de l'Amérique rurale, le beau-père de Jim, dans son anglais approximatif lui a bien spécifié qu'une femme yougoslave, ça doit recevoir des raclées, sans quoi, ça ne sait pas se tenir ! Jim assure au père de Jelka qu'il n'en sera jamais ainsi sous son toit.

D'ailleurs, en plus d'être d'une grande beauté, sa femme s'avère être une parfaite épouse, courageuse et travailleuse. le seul défaut que Jim pourrait à la rigueur lui trouver, c'est qu'elle ne décroche pas un mot spontanément et quand il s'adresse à elle, celle-ci lui répond une demie phrase banale.

Un jour pourtant, Jim Moore est appelé par un voisin qui lui annonce qu'il a découvert au loin la carcasse d'un de ses veaux. Jim doit donc s'équiper pour partir vérifier tout ça et s'apprêter à passer une nuit à la belle étoile car l'aller-retour à cheval sera une sacrée randonnée. Jim parvient pourtant à rentrer plus tôt que prévu, dans la nuit et… surprise ! Il y a quelqu'un dans le lit avec Jelka !

Dans le Harnais, nous avons également affaire à un fermier au-dessus de tout soupçon, Peter Randall, dont la droiture est localement quasi légendaire. Cet homme frisant la cinquantaine, à la réussite financière et à la conduite morale irréprochables, tire un surcroît de fierté à considérer sa forte échine, droite comme un i et munie de larges épaules, si différente de ses compères paysans, qui arborent presque tous un dos aussi voûté que leurs mains sont calleuses.

La robustesse triomphante de Peter Randall tranche singulièrement avec la chétive allure de sa minuscule épouse, hâve, flétrie et maladive. Nombreux sont ceux qui s'étonnent, une fois l'an, lorsque Peter quitte pour quelques jours sont ranch afin de se rendre à la grande ville, laissant seule sa frêle Emma…

La Fuite nous conte la traque dans le maquis de Pépé, le fils de Mama Torres, une fermière d'origine mexicaine. Elle avait envoyé Pépé un remède et du sel à Monterey chez Mme Rodriguez, une amie de la famille. Mais sur place, le vin aidant, le ton monta, la chaleur s'accrut dans les esprits, un couteau fut sorti, des insultes proférées et… Pépé dut défendre son honneur. Il le défendit si bien qu'il dut alors prendre la poudre d'escampette avant qu'on ne lui tombe dessus…

Enfin, j'en terminerai en vous glissant quelques mots du Poney Rouge. Vous connaissez sûrement la vieille chanson d'Hugues Aufray : « ♫ Il s'appelait Stewball, ♪ c'était un cheval blanc, ♫ il était mon idole, et moi j'avais quinze ans, ♪ quand le vétérinaire… » etc., etc.

Bon s'il n'était qu'au lieu de s'appeler Stewball il s'appelait Gabilan et qu'au lieu d'être un cheval blanc, c'était un poney rouge, le destin des deux quadrupèdes ne serait pas fondamentalement différent.

Jody Tiflin, est un jeune garçon de dix ans avec des étoiles dans les yeux le jour où son père, un gros éleveur californien, lui fait cadeau d'un magnifique jeune poney au pelage épais avec pour mission de s'en occuper.

Billy Buck, le responsable de l'écurie de l'exploitation de son père, réputé pour sa grande science du monde des chevaux lui fait la promesse de lui apprendre à monter sur ce poney rouge. Dès lors, toute la vie de Jody va tourner autour du poney rouge nommé Gabilan, comme les montagnes alentour.

John Steinbeck est un expert dans l'art de retranscrire ces petits riens que tous les enfants ayant grandi à la campagne auprès d'animaux domestiques ont un jour ressentis. Domaine dont, bien des années plus tard, Philippe Delerm s'est fait le chantre avec ses premières gorgées de bière et autres plaisirs minuscules.

L'auteur tisse admirablement la trame affective qui unit Billy Buck, Jody et le poney. La relation de confiance conduisant à une toujours plus grande complicité entre tous. Jody apprend à dresser Gabilan, à comprendre chacune de ses expressions. Puis, Gabilan étant devenu assez grand et assez fort, vint la délicate aventure d'arriver à le sceller puis le monter.

On vit avec Jody toutes les émotions que ceci procure, jusqu'à l'extase suprême que sera la première chevauchée. Seulement voilà, pas de bol et Gabilan se fait rincer sous une lourde averse. La première chevauchée sera pour plus tard car le poney semble un peu malade… Il faudra attendre Jody, attendre… (Si vous voulez connaître la fin, lisez le livre ou écoutez Hugues Aufray, au choix.)

En somme, du bon Steinbeck, pas de l'excellent, mais si vous craignez de vous lancer dans l'un des longs et voluptueux trésors de romans qu'il nous a légué, vous pouvez avantageusement vous en faire un avant-goût à la lecture ultra rapide de ce recueil. (Bien que j'aurais tendance à vous conseiller, en première approche un petit roman très abordable comme Des Souris Et Des Hommes, plus révélateur à mon sens du talent véritable de son auteur, mais, vous connaissez la musique à présent, ce n'est là que mon avis, un perdu dans la nuée, c'est-à-dire, pas grand-chose.)

Le seul regret que peut nous procurer ce recueil de nouvelles, c'est justement qu'il s'agit de nouvelles qui nous mettent l'eau à la bouche sans assouvir complètement notre soif... à vous de voir.
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