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Christine de Montauzon (Traducteur)
EAN : 9782253058533
251 pages
Le Livre de Poche (15/03/2002)
3.43/5   21 notes
Résumé :
Siméon crut suffoquer.
L'air emprisonné martelait ses côtes. Il vit les yeux de l'homme. Pour la première fois. Il vit les pupilles gris-vert sous les paupières bouffies et la veine qui les bordait comme un fil blême. Les yeux étaient morts. Mais soudain, dans la cendre froide, flamboya, vif et ténu, un cristal de lumière. Puis une fumée grise recouvrit à nouveau le regard de l'homme. Alors Siméon reprit son souffle. Sa voix jaillit, rauque et tendue.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
A. H. ou comment évoquer sans avoir l'air de le faire le personnage le plus épique, le plus effroyable, le plus intelligent, le plus génial, le plus fou du 20e siècle (chaque lecteur choisira l'adjectif qui lui convient en fonction de ses affinités particulières) : Adolf Hitler.

Ne nous atermoyons pas sur le caractère houleux du choix d'un tel sujet. George Steiner ne laisse pas le temps au lecteur de se poser des questions et le fait débarquer de manière impromptue dans son roman, alors que deux personnages semblent en pleine confrontation :

« -Toi.
Le vieil homme se mordit les lèvres.
- Toi. C'est toi ? »

Le premier chapitre amorce une présentation très vague de la situation. George Steiner prend un malin plaisir à effacer tout indice permettant d'identifier les personnages, et même l'objet de leur discussion demeure un mystère insoluble. On espère que la situation s'éclaircira au fil du temps, mais Steiner est aussi terrible (à un autre niveau) que A. H. et il prend un malin plaisir à brouiller les pistes et à perdre son lecteur dans les bifurcations improbables d'une intrigue qu'on peine à comprendre.
Ainsi, quatre fils différents s'entrelacent (peut-être même davantage, il n'est pas facile de trancher clairement), mettant en scène des personnages différents dont le seul point commun est celui d'être liés d'une quelconque façon à A. H.


A. H. est mort depuis des années, dixit l'opinion générale, et des preuves tangibles semblent pouvoir le confirmer. Mais quelques voix se font entendre, qui remettent en cause ce fait établi. En vérité, A. H. ne serait pas mort mais croupirait dans un marais au fin fond de l'Amazonie (torture autrement plus intense). Une équipe a été dépêchée pour le retrouver dans le plus grand secret gouvernemental. Dans les hautes sphères politiques, entre personnalités bien informées, la question entraîne également son lot d'interrogations. Entre juifs et rescapés des camps de concentration, les considérations prennent une tournure plus personnelle, et c'est à ce moment-là seulement que le Transport de A. H. devient véritablement intéressant.


On sent que George Steiner n'est pas très à l'aise avec la forme du roman. Plus connu pour ses essais, lorsqu'il s'empare de la fiction, il donne l'impression de s'embourber avec des usages et des expressions convenues. Vaille que vaille, il tente d'instaurer une atmosphère différente à chaque chapitre mais se perd surtout dans des descriptions creuses et des accumulations de détails inintéressants (« Ryder passa les doigts sur le cuir craquelé. Tout cela aurait eu besoin d'un peu de cire ») lorsqu'il ne donne pas l'impression de se lancer dans une parodie de roman noir un peu laborieuse :


« Il s'approcha. Son haleine sentait l'alcool mais sans exagération.
- Sales bestioles.
Il se donna une tape sur l'avant-bras et fixa pensivement l'insecte écrabouillé. »


George Steiner instaure un rythme également éprouvant. Il faudra plier l'échine et s'y soumettre avec maints efforts dans les deux premiers tiers du roman, avant d'accéder au dernier tiers, qui constitue de loin la partie la plus intéressante du Transport de A. H.. On comprend alors pourquoi George Steiner a choisi la forme du roman pour aborder les questions troubles liées à l'existence d'Adolf Hitler : elle permet un désengagement partiel de l'écrivain qui peut alors oser avancer des théories politiquement incorrectes en les attribuant à ses personnages ou à Hitler, sans que la parenté avec sa réflexion personnelle ne soit directement invoquée. Question de prudence bien compréhensible puisque George Steiner s'érige à l'opposé des bonnes âmes pleines d'une compassion qui ne permet pas à l'Histoire d'avancer. Il remet également en question le rapport victimes/coupables dans une tentative non pas de rejeter les accusations d'une partie de l'humanité sur l'autre mais de répartir équitablement la dose de bien et de mal en chacun, dans une négation totale du manichéisme qui sévit habituellement lorsqu'on évoque les conséquences de l'Holocauste et du Reich. le plaidoyer final d'Adolf Hitler sera l'occasion pour George Steiner de poser une question cruciale : en désirant éliminer les juifs, l'homme n'aurait-il pas permis, finalement, leur résurrection ? N'est-ce pas grâce à lui qu'Israël a pu se fonder aussi facilement aux lendemains de la seconde guerre mondiale ?


On s'avance sur un terrain nébuleux. La prudence de George Steiner traduit peut-être une autre incertitude : celle de pouvoir répondre clairement à ces questions. Là où l'essai est censé pouvoir apporter une réponse, le roman permet quant à lui de laisser les interrogations en suspens…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Face à certains livres, je me pose toujours la question : Pourquoi l'auteur un beau matin a t'il eu ce besoin d'écrire une chose aussi insipide ?
Comment peut-on être aussi peu conscient de la médiocrité de son talent littéraire ?
Cela m'épate !
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
« Mon cher Gervinus, nous souffrons tous d’une certaine forme de cancer, tous ceux qui ont connu l’époque hitlérienne portent en eux la prolifération d’une force vitale anarchique. Que faire pour donner asile à ces énergies, à ces pouvoirs d’adaptation pathologiques que nous avons sécrétés pendant cette décennie en folie ? Le cancer n’est qu’un excès de vie sans finalité, ni plus ni moins. »
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Peut-être est-ce moi le Messie, le véritable Messie, le nouveau Sabbatai dont les abominations furent permises par Dieu pour ramener son troupeau au bercail. « Il fallait que le mystère de l’Holocauste fût afin qu’Israël recouvrît ses forces. » Ces mots ne sont pas de moi, mais de vos visionnaires, ceux qui se mêlent d’expliquer les desseins divins, le vendredi soir à Jérusalem. Ne devriez-vous pas me rendre hommage à moi, qui ait fait de vous des guerres, qui ait donné une réalité aux vieux songes creux qu’était Sion ?
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N’importe qui peut dire Auschwitz, et s’il le dit assez fort, il n’y a plus qu’à baisser les yeux et écouter. C’est comme un verre qu’on casse au milieu d’un repas. C’est trop facile, si on était gosse ou pas encore né à ce moment-là. Quand on n’a pas la moindre idée de ce que cela a représenté réellement pour la plupart d’entre nous, pour la classe aisée et cultivée qui tentait de survivre sur l’autre face de la lune. Allez-y, citez Auschwitz, Belsen, ou ce que vous voudrez, couvrez-vous la tête de cendres, montrez-nous le poing, et exigez que nous fassions pénitence ad vitam aeternam. Il y a une somme rondelette à la clé des remords, c’est le produit des feuilletons télévisés et des livres de la rentrée d’automne. Laissez-moi vous poser une seule question, chers petits amis : qu’auriez-vous fait, quels mots superbes auriez-vous criés alors ? Au pas cadencé des hommes en brun, les plus braves d’entre nous faisaient dans leur culotte.
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Je crois vraiment qu’il désirait que le temps s’arrêtât avec lui, que l’histoire, les cités et la race élue périssent avec lui. Dans le dernier embrasement. Sardanapale. C’est toute la poésie romantique allemande. Et c’était un romantique ! Fou à lier, mais quel virtuose !
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Le monde païen était peuplé de petites divinités, malicieuses ou bienveillantes, ailées ou pansues, cachées dans le feuillage et dans les branches, dans les rochers et les rivières. Toujours aux côtés de l’homme, le taquinant, le caressant, elles étaient à sa mesure. Se repaissant de galettes au miel et de viande rôtie. Dieux à l’image de nos désirs. Et même les plus grands descendaient de l’Olympe rendre visite aux mortels, pour faire la guerre ou bien l’amour. Plus puissants que nous, je vous l’accorde, mais abordables et se mettant dans notre peau. Le Juif a balayé tout cela. Il a fait le vide en créant un Dieu lointain, complètement étranger à l’homme et à ses sens. Pas d’image. Pas de représentation concrète. Pas même de fantasmes. Désert plus vide que le désert. Et pourtant si terriblement proche ! Epiant chacune de nos fautes, et sondant le fond de nos cœurs pour en trouver la cause.
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Videos de George Steiner (21) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de George Steiner
Nous venons de publier un recueil d'entretiens entre George Steiner et Nuccio Ordine, intitulé //George Steiner. L'Hôte importun//. Il est précédé par un beau texte en témoignage à Steiner, écrit par celui qui fut un de ses plus proches amis, Nuccio Ordine.
Pour en savoir plus : https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251453163/george-steiner-l-hote-importun
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Ce livre est le témoignage de la profonde amitié personnelle et intellectuelle qui a lié George Steiner et Nuccio Ordine. L'amour des classiques, la passion de l'enseignement, la défense du rôle du maître, la fonction essentielle de la littérature qui rend l'humanité plus humaine constituent les thèmes d'un intense dialogue, nourri de plus de quinze années de rencontres et de voyages dans diverses villes européennes. Ordine trace un portrait original de George Steiner, en le peignant sous les traits d'un « hôte importun ».
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