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Citations sur Tolstoï ou Dostoïevski (30)

Je dis cela parce qu'une bonne part de la critique contemporaine présente un caractère différent. Narquoise, pointilleuse, extrêmement consciente de son origine philosophique et de ses outils compliqués, elle en arrive souvent à enterrer plutôt qu'à louer. Il est vrai qu'il y a beaucoup à enterrer si l'on veut préserver la santé de la langue et du sentiment. Au lieu d'enrichir notre moi conscient, au lieu d'être des sources de vie, trop de livres nous offrent la tentation de la facilité, de la grossièreté et d'un éphémère plaisir. Mais ces livres sont l'objet du métier forcé du chroniqueur, non pas de l'art méditatif et recréateur du critique. Il existe plus de « cent grands livres », plus de mille. Mais leur nombre n'est pas infini. A la différence du chroniqueur et de l'historien de la littérature, c'est des chefs-d'œuvre que devrait s'occuper le critique. Sa fonction essentielle est de distinguer non pas entre le mauvais et le bon, mais entre le bon et le meilleur.
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La critique littéraire devrait naître d'une dette d'amour. Le poème, la pièce de théâtre, le roman, d'une manière évidente et pourtant mystérieuse, s'emparent de notre imagination. Quand nous refermons le livre nous ne sommes plus pareils à ce que nous étions quand nous l'avons ouvert.

Pour emprunter une image à un autre domaine de l'art - celui qui a vraiment pénétré une peinture de Cézanne verra désormais une pomme ou une chaise comme il ne les avait jamais vues auparavant.
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Les romanciers du XIXe siècle sentirent intensément ce que leur propre temps pouvait offrir de ressources dramatiques.

Un monde qui avait connu Danton et Austerlitz ne trouvait pas nécessaire de chercher dans la mythologie ou dans l'Antiquité les matériaux de la vision poétique.
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Selon les termes de Comte, Tolstoï fut un « serviteur de l'humanité ». Dostoïevski repoussait âprement le credo humanitaire et préférait demeurer avec les « serviteurs de Dieu », pleins d'angoisse, de faiblesse et parfois de criminelle folie.

Entre ces deux formes de servitude peuvent régner de grandes haines.
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Les romans de Dostoïevski marquent les étapes successives d'une enquête sur l'existence de Dieu. En eux s'est élaborée une philosophie profonde et fondamentale de l'action humaine. Les héros de Dostoïevski sont ivres d'idées et brûlés par le feu des mots. Ce qui ne veut pas dire qu'ils soient des types ou des personnifications allégoriques. Nul, à l'exception de Shakespeare, n'a représenté plus complètement les énergies complexes de la vie. Cela veut dire simplement que des personnages comme Raskolnikov, Muichkine, Kirilov, Versilov, Ivan Karamazov se nourrissent de pensée comme d'autres humains se nourrissent d'amour ou de haine. Là où les autres hommes brûlent de l'oxygène, eux brûlent des idées. C'est pourquoi les hallucinations jouent un si grand rôle dans les romans de Dostoïevski : l'hallucination, c'est l'état dans lequel la ruée de la pensée à travers l'organisme humain et le dialogue entre le moi et l'âme se trouvent extériorisés.
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Les œuvres de Tolstoï et de Dostoïevski illustrent de manière éclatante le problème de la croyance en littérature. Elles exercent sur notre esprit des pressions et des poussées d'une force si évidente, elles mettent enjeu des valeurs si évidemment parentes des grandes questions politiques de notre temps que nous ne pouvons pas, même si nous le voulions, y réagir sur un plan purement littéraire. Elles demandent au lecteur deux sortes d'adhésion ardente et qui souvent s'excluent mutuellement. On ne se contente pas de lire Tolstoï et Dostoïevski, on croit en eux.
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Le courant du roman occidental est surtout prosaïque, au sens exact plutôt qu'au sens péjoratif du terme. Là, ni le Satan de Milton battant des ailes à travers l'immensité du chaos, ni les sorcières de Macbeth voguant vers Alep dans leur tamis ne sont vraiment chez eux. Les moulins à vent ne sont plus des géants, mais des moulins à vent. En échange, le roman nous dira comment sont construits les moulins, ce qu'ils rapportent et, avec beaucoup de précision, quel bruit ils font par une nuit de vent. Car c'est le génie du roman de décrire, d'analyser, d'explorer, et d'accumuler les données du réel et de l'introspection. De toutes les peintures de la vie que tente la littérature, de tous les contrepoids que les mots essaient de donner au réel, ceux du roman sont les plus cohérents et les plus complets. Les œuvres de Defoe, Balzac, Dickens, Trollope, Zola ou Proust enrichissent le sens que nous avons du monde et du passé. Elles sont cousines germaines de l'histoire.
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Un critique contemporain dit que la littérature et la religion, « avec leurs autorités distinctes et leurs révélations distinctes » nous donnent les principales « formes théoriques » et les principales images de notre vie. Elles donnent peut-être à notre vision de la nature mortelle de l'homme son unique foyer durable. Dans des cas exceptionnels, tels que l'Orestie, la Divine Comédie et les romans de Tolstoï et de Dostoïevski, ces autorités et ces révélations distinctes s'unissent en un tout. Leur conjonction -l'accès au logos par les deux principales avenues de la raison - fut célébrée dans le haut Moyen Age par l'introduction dans le calendrier chrétien d'un saint Virgile poète. C'est sous son patronage que je poursuivrai.
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L'esprit russe est littéralement hanté par Dieu.

De là, une différence radicale entre le roman russe et le roman européen du XIX siècle. La tradition de Balzac, de Dickens, de Flaubert était séculière. L'art de Tolstoï et de Dostoïevski est religieux. Il jaillit d'une atmosphère pénétrée d'experience religieuse et de la croyance que la Russie est destinée à jouer un rôle capital dans l'apocalypse qui menace. Tout autant qu'Eschyle et Milton, Tolstoï et Dostoïevski sont des hommes dont le génie est tombé entre les mains du Dieu vivant. Pour eux, comme pour Kierkegaard, une seule alternative s'offre à la destinée humaine. Aussi ne peut-on comprendre véritablement leur œuvre en usant des mêmes moyens que pour Middlemarch, par exemple, ou pour la Chartreuse de Parme. Nous avons affaire à des techniques différentes et à des métaphysiques différentes. Anna Karénine et les Frères Karamazov sont, si l'on veut, des œuvres d'imagination, ou des poèmes de l'esprit, mais ils ont pour objet essentiel ce que Berdiaev appelle « la quête du salut de l'humanité ».
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Et pourtant, ce sont précisément ces artisans de l'horrible et du noir, ces évocateurs d'un faux monde médiéval et leur ténébreux attirail qui ont permis à un Coleridge d'écrire le Dit du vieux marin et Christabel, à Byron d'écrire Manfred, à Shelley les Cenci et à Victor Hugo Notre-Dame de Paris.

Et les chevaliers d'industrie littéraires d’aujourd'hui, les pourvoyeurs du roman historique et du roman noir sont les descendants directs de Horace Walpole, de Matthew Gregory Lewis, d'Ann Radcliffe et de Charles Maturin (l'auteur de Melmoth, qui eut une énorme influence). Il n'est pas jusqu'au roman de « science-fiction » qui n'ait son origine dans le Frankenstein, d'inspiration néogothique, de Mrs. Shelley et dans les rêveries néogothiques de Poe.
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