Quand Chase voit par la fenêtre une petite fille dévorer un rottweiler, la tête enfouie dans les entrailles du molosse, il se dit qu'il a trop forcé sur la méthamphétamine. Quand il s'aperçoit que cette petite fille l'a remarqué et qu'elle se rapproche de la fenêtre, tranquillement, avec sa jolie robe sanguinolante et des morceaux de chair se détachant de son joli minois comme de fines tranches de kebab, clairement il se dit qu'il est temps de raccrocher : jamais encore il n'avait eu une hallu aussi puissante...
Ce qu'il n'a pas encore compris, c'est qu'il n'hallucine pas, ni qu'il est dans un mauvais trip... Chase est tellement "déchiré" depuis quelques jours qu'il ne s'est pas encore rendu compte que le monde n'est plus le même : un soir, les gens se sont couchés pour ne plus jamais se relever, vivants tout du moins...
C'est par cette prise de conscience que débute le récit, qui nous met directement dans le bain (de sang). Dès le départ, on sait à quoi s'attendre : un monde post-apocalyptique peuplé de zombies et de junkies, les premiers cherchant à dévorer les seconds, les seconds tentant de survivre, fuir et s'approvisionner en "cristal". Parce que oui, s'ils ne veulent pas devenir comme les premiers, ils comprennent assez vite que la méthamphétamine en est le remède. Plus question de raccrocher donc, on se félicite même que les cures de désintox et les Narcotiques anonymes n'aient pas été des plus efficaces... La priorité, mis à part éviter de servir de casse-croute aux Morbacs ("Morts-back") : rester
déchirés et se trouver un "cuisinier" au plus vite.
Bon bon bon... Si j'avais bien compris, en choisissant ce livre, que je serai plongée dans un monde post-apo et qu'il y aurait des zombies tels qu'on les voit dans les films du genre, je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à un tel scénario, où la drogue est clairement mise à l'honneur. Suivre des personnages, toujours en quête d'une dose, toujours en train de se piquer, "
déchirés" du soir au matin et du matin au soir, devient peu à peu lassant au fil des pages. L'histoire perd en ténacité petit à petit et tourne en rond, d'autant que l'occasion de s'attacher à ces personnages est quand même minime.
Pourtant, ce livre a quand même des qualités. La plume de l'auteur, par exemple, brute de décoffrage, quelque peu bourrue, directe, s'accorde à la perfection avec ce qu'elle nous raconte. La narration à la première personne nous permet de suivre le déroulement des événements comme si nous étions dans la tête de Chase, et d'ainsi de mieux le cerner, de mieux comprendre ses propres ressentis, ses réactions face aux événements et surtout son addiction. Et même s'il n'est pas attachant et qu'on finit par se ficher de comment ça va se terminer pour lui, il n'en est pas moins un personnage intéressant : ce n'est pas un gentil, pas vraiment un méchant non plus d'ailleurs, il a un comportement plutôt énigmatique, puisqu'il ne réagit pas souvent comme on s'y attendrait, et tout ça fait de lui un personnage qu'on aime à suivre malgré tout.
Côté atmosphère, c'est plutôt bien retranscrit également : à la fois trash et mordante. On imagine très bien les Morbacs et leurs postures, tout comme les lieux déserts ou au contraire surpeuplés de zombies. On ressent bien l'urgence de se mettre à l'abri et de trouver des doses en quantité. La dimension horrifique, plutôt bien dépeinte, est efficace. L'intrigue quant à elle, même si elle devient lassante, est toujours menée tambour battant et la lecture se veut facile et rapide [et elle l'aurait été d'autant plus si j'avais pu distinguer les dialogues du reste de la narration avant qu'une conversation débute ; sans tirets et guillemets, on se rend compte qu'on est dans une conversation uniquement quand on est dedans ; c'est d'un pénible...].
Je ne dirai donc pas que je n'ai pas aimé, puisque ce n'est pas du tout le cas. C'est juste que les "bienfaits" de la drogue sont quand même clairement malaisants, et que j'aurais préféré que le scénario finisse par prendre une autre tournure. J'aurais aimé, par exemple, que les protagonistes se voient offrir une seconde chance, une occasion de rendre le monde meilleur, qu'ils aient une prise de conscience sur certains de leurs faits et gestes, sur le fait qu'ils peuvent tout reprendre de zéro, ou quelque chose comme ça en tout cas. Là il n'y a aucun espoir. Les personnages courent à leur perte du début à la fin. L'adage "Drogue-toi pour rester en vie" n'a pas d'issue, elle ne m'a pas franchement convaincue et plombe un peu le moral il faut bien le dire. Dans le genre roman post-apocalyptique, j'ai déjà lu bien mieux mais je n'ai pas détesté pour autant. Mon retour est plutôt mitigé, je vous invite donc à vous en faire votre propre avis. En revanche, ne l'attaquez pas avec le moral déjà en berne, car ce roman, même s'il parle aussi d'amour et d'amitié, n'a pas une once d'espoir.