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EAN : 9782253195733
640 pages
Le Livre de Poche (17/04/2024)
3.83/5   15 notes
Résumé :
À la mort de sa tante, Maria Stepanova se retrouve à vider un appartement plein de photographies surannées, de vieilles cartes postales, de lettres, de journaux intimes et de souvenirs : les vestiges d’un siècle de vie en Russie.
Cette découverte déclenche chez elle un irrésistible besoin d’explorer les archives dont elle a hérité. Et de retracer l’histoire de sa famille et de l’Europe depuis la fin du XIXe siècle, en révélant les non-dits, les mensonges, le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Je n'ai pas traduit le titre de cet ouvrage, qui est d'ailleurs paru en Russe comme "Памяти памяти" (Past Memory), parce qu'il sera sûrement traduit en Français prochainement, puisqu'il est en lice comme un des 6 livres retenus pour gagner le prestigieux Prix International Man-Booker 2021, le 2 juin prochain. L'année dernière ce prix a été remporté par la jeune Néerlandaise (29 ans) Marieke Lucas Rijneveld avec "Qui sème le vent".

À toutes fins utiles, je signale que le nom de famille Step(a)nov(a) est très courant en Russie, un peu comme nos Dupont et Durand. Il s'agit donc de ne pas confondre notre auteure avec son homonyme, la joueuse de basket d'Ekaterinbourg de 2,03 m, qui s'appelle aussi Maria Stepanova, ni avec Mariya Stepanova, une chanteuse d'opéra du siècle dernier et surtout pas avec l'écrivaine Marina Stepnova, auteure des romans à succès "Les femmes de Lazare" et "Leçons d'Italie".

Notre Maria Stepanova est une écrivaine, poétesse, essayiste et journaliste moscovite, née en 1972, et lauréate en 2005 des Prix Pasternak et Andreï Biély. Avec le présent ouvrage, elle a reçu le Prix du Grand Livre ("Bolchaïa Kniga").

La journaliste culturelle de la publication "Russia Beyond", Alexandra Gouzeva, s'est posée, dans son éditorial du 23 avril dernier, la question : pourquoi faut-il avoir lu ce roman et essai de Stepanova ?

Et elle y répond en mettant en exergue que l'ouvrage contient tant de couches que chacun y trouvera son thème favori. 
Le livre ne constitue pas une espèce de nécrologie de la mémoire, mais tout au contraire "l'espoir de pouvoir conserver pendant des générations".

À la mort de sa vieille tante Galya, une soeur de son père que la narratrice n'a pas vraiment connu, celle-ci découvre un appartement plein de photos, de cartes postales, de lettres, de notes disparates et de journaux intimes laissés par l'octogénaire.

D'après l'auteure, il existe 2 sortes de journaux intimes : ceux adressés à autrui, comme un témoignage ou testament et ceux écrits pour soi-même et pas destinés à être lus.

Les nombreux journaux de Galya appartiennent manifestement à la 2ième catégorie. Pendant des décennies la chère tante a systématiquement tout noté : l'heure de son réveil et de repos, le temps, les courses, les coups de téléphone, les visites et rencontres, les programmes de télé, etc.

Cette abondance d'informations, dont une large partie apparemment de signification dérisoire, va cependant former le catalyseur à la narratrice pour rechercher, approfondir et écrire l'histoire de sa famille.

Maria Stepanova estime, par ailleurs que ces notes disparates nous apprennent parfois plus sur la vraie nature de son auteur que des journaux intimes bien réfléchis et soigneusement rédigés.

Sa famille juive est originaire d'un village paumé, Pochinki, dans la province de Nijni Novgorod, à quelque 600 km à l'est de Moscou et où personne de sa famille n'habite plus. Absolument tous ont pris ou plutôt ont dû prendre la route de l'exil, comme ses parents par exemple en Allemagne et des tantes et oncles aux États-Unis et encore d'autres à Paris.

Ce roman-essai est incontestablement d'une qualité littéraire exceptionnelle, ne fût-ce que parce que l'auteure a avant tout l'âme d'une poétesse, ce qui se reflète dans une langue fort poétique.

Maria Stepanova, qui doit avoir une culture littéraire particulièrement vaste, nous surprend par ses nombreuses références à une variété d'écrivain-e-s, allant de Pouchkine et Tchekhov, en passant par Boulgakov et Nabokov à Susan Sontag.

L'approche poétique et les multiples citations littéraires font que l'ouvrage nécessite de la part de la lectrice et du lecteur une bonne dose de concentration pour en savourer pleinement sa richesse.

Le livre offre par surcroît un panorama très personnel sur l'histoire mouvementée d'un énorme pays qui a vécu différents régimes, une révolution et maintes guerres.

À mon avis, la façon admirable de ce que l'auteure nous transmet sur la valeur immense de la mémoire dans ses formes très variées, fait de ce document, unique en son genre, un véritable chef-d'oeuvre.

Quoi qu'il en soit Maria Stepanova mérite, le mois prochain, d'aller rejoindre les lauréats du Prix International Man-Booker, au même titre qu'Ismaïl Kadaré en 2005, David Grossman en 2017 et Olga Tokarczuk l'année suivante.
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Etonnant comme les lectures se répondent parfois, il y a moins d'un mois je lisais Souvenirs culinaires d'une enfance heureuse d'Alice Danchokh, et voilà que je viens de terminer cet ouvrage. Il n'y a pas que les éléments évidents : deux plumes féminines russes dont l'enfance s'est déroulée en URSS (années 60 pour l'une, années 70 pour l'autre), deux livres de souvenirs ; dans les deux cas, mais ce n'est probablement pas un hasard, vu le rôle central de la babouchka dans les familles russes, il s'agit surtout du souvenir des grands-mères ; dans les deux cas, plus surprenant, les parents ont une place très réduite, à la limite de l'absence ; dans les deux cas la plupart des chapitres pourrait se lire indépendamment, dans le désordre, en dehors du début pour le livre d'Alice Danchokh, en dehors de la troisième partie pour Maria Stepanova ; dans les deux cas aussi grand écart géographique entre les membres de la famille proche, et, grosso modo pour les mêmes raisons, entre immensité de l'URSS et aléas de l'histoire du XXème siècle.
La comparaison s'arrête là car l'objectif d'Alice et de Maria n'est pas le même. Alice parle de ses souvenirs, et à cette occasion de ses proches. Maria, elle, explore le peu d'archives qu'elle a de sa famille, elle commence une sorte de généalogie qui va d'ailleurs jusqu'aux arrière-grands-parents, et en même temps s'interroge sur le sens de sa démarche, sur ce qui lui donne, ou non, le droit de le faire, sur la véracité de ce qu'elle trouve et de ce que cela révèle de ses ancêtres, sur les dits et les non-dits de la transmission. Elle interroge «les mémoires de la mémoire» (traduction littérale de "Памяти памяти"), toutes les facettes du sujet. Et toutes ces réflexions sont enrichies par ce que lui ont suggéré des lectures, des oeuvres d'art, et c'est d'une richesse culturelle, d'une érudition incroyable, vertigineuse. le Josephinum de Vienne, Diversions d'Helga Landauer, Ossip Mandelstam, Sebald, les autoportraits de Rembrandt, Rafaël Goldchain, Francesca Woodman, Charlotte Salomon, le roman Trilby, les boîtes de Joseph Cornell, les frozen Charlottes, le plafond peint par Tiepolo dans un palais de Wurtzbourg, voilà une bonne partie de ce qui, au fil de ses pérégrinations, inspire sa réflexion. Et c'est sans compter les très nombreuses références littéraires. Autant dire que ce texte n'est pas d'une lecture aisée, mais tout à fait passionnante, à mille lieux de la plupart des livres sur l'histoire d'une famille. Quand à la plume, elle est splendide, souvent d'une inventivité poétique. C'est un texte qui mérite plusieurs lectures (dans le sens qu'il y a plusieurs niveaux de lecture mais aussi qu'il mérite d'être relu). Et là encore c'est curieux comme les lectures peuvent se répondre car c'est ma deuxième lecture de la semaine pour laquelle j'ai envisagé une relecture avant même d'arriver au bout, tant le texte est riche et complexe.
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critiques presse (3)
LaCroix
29 décembre 2022
La poétesse russe Maria Stepanova signe une foisonnante réflexion sur la mémoire, la sienne et celle de sa famille. Un miroir tendu sur nos propres souvenirs.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
06 octobre 2022
Cette période soviétique que tant de courants intellectuels cherchent à réinterpréter et à distordre, l’autrice, poétesse, romancière et journaliste, elle, l’aborde avec une infinie précaution, en paléontologue qui chercherait patiemment à reconstituer la silhouette d’un animal disparu à partir d’une empreinte de patte ou d’un morceau de squelette.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
12 septembre 2022
À travers l’histoire des siens au fil du XXe siècle, la poétesse russe a signé un labyrinthe narratif, historique et intellectuel vertigineux, pour saisir l’écueil de la mémoire.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
"Et quelle est l'utilité d'un livre", pensait Alice, "sans images ou conversations ?"

Lewis Carroll

(page v).
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J'ai toujours su, en même temps, que j'écrirais un jour un livre sur ma famille.Il y eut d'ailleurs une époque où je pensais que c'était l'affaire de ma vie.(...)

Le fait que tous ces gens, vivants et morts, n'avaient pu être " vus ", que la vie ne leur avait pas accordé la moindre chance de demeurer, d'être gardés en mémoire, d'être exposés à la lumière, le fait que leur banalité les avait rendus inaccessibles au simple intérêt humain, me semblait une injustice.
( p.34)
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Terrifiant d'être le narrateur, autrement dit l'instance qui sélectionnait et filtrait, celle qui savait quelle part du volume global du non-encore raconté devait passer à la lumière, et quelle autre était vouée à demeurer dans les ténèbres extérieures ou intérieures.
( p.35)
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Ma tante était morte, la sœur de papa, elle avait un peu plus de quatre-vingts ans.
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Videos de Maria Stepanova (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maria Stepanova
Dans "En mémoire de la mémoire", Maria Stepanova, écrivaine et journaliste russe, explore un siècle d'histoire russe, se plongeant dans la mémoire des siens et d'un pays.
Elle s'arrête avec nous sur la guerre en Ukraine. Née à une époque où la guerre n'était pas si lointaine et où se répétait le "plus jamais ça", elle exprime sa honte à l'idée qu'aujourd'hui, ses compatriotes russes soient les envahisseurs. Elle-même ne peut plus être publiée dans son pays.
#Russie #litterature #guerreenukraine ________ Écoutez d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture dans Bienvenue au club https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrqYh8kUxa2lt9m1vxzCac7X ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/bienvenue-au-club
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