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EAN : 9782876780200
357 pages
L'Aube (19/05/1998)
3.96/5   13 notes
Résumé :
Titre original "Blösch", publié en 1983. Traduit de l'allemand en 1987.

« Dans La Vache, il y a le monde d’Innerwald, ce havre qu’est l’étable, où, ballottées par les saisons, vivent et rêvent les vaches de Knuchel que nous apprenons à connaître, à reconnaître, à caresser du regard. Et puis il y a le monde social, celui des cafés où les poings s’abattent tandis que les chopes s’élèvent, où jalousies et mesquineries se tressent autour de la peur de l’é... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
« La Vache » de Beat Sterchi (2019, Editions Zoé, 480 p.) traduit de l'allemand par Gilbert Musy, avec une préface de C. Claro (7 pages) et une postface de Wilfred Schiltknecht (3 pages) surtout axée sur la bibliographie de Beat Sterchi. Des allusions au parler bernois, mais on ne parle pas de Bärndütsch, ni même de Plattdeutsch, le bas allemand. C'est traduit de « Blösch », le titre original, qui est, dans le patois paysan bernois, un veau né avec un pelage rouge paille et dépourvu de tachetures.
C'est de la race bovine de Simmental, une race originaire de l'Oberland bernois. La race est d'origine Suisse et plus précisément de la vallée de la Simme. En France, on l'appelait aussi Pie Rouge de l'Est. Ces animaux étaient alors très recherchés pour leur croissance rapide, un très grand niveau de production laitière et fromagère. Un faible taux de cellule et un bon rapport protéique/butyreux en fait un lait adapté à l'industrie fromagère (gruyère, emmental). Et en plus, un très bon rapport viande/lait, avec une viande très persillée, savoureuse à souhait. le persillage est le gras intramusculaire qui fond à la cuisson et donne du goût à la viande. Elevée sur les hauts plateaux des Alpes, elle se nourrit d'herbe riche et pure qui pousse en altitude. En hiver, elles restent en étable et sont nourries exclusivement au foin. Cette alimentation saine en fait une race à viande de très bonne qualité. « Car non seulement les Pie Rouge faisaient des taurillons bouclés, elles engendraient des filles remarquablement faciles à traire, avec un index mammaire excellent, sans compter qu'elles transmettaient une fécondité exceptionnelle ». Les taureaux, ce sont Gotthelf, l'actuel, ainsi que Jean-Jacques, le grand-père maternel de l'autre vedette, Pestalozzi. A ceci près que « Jean-Jacques n'était pas un Simmental authentique, mais un Pie Rouge, de cette race rouge et blanche donc qui est originaire du pays nanti mais qui a subi une mutation avantageuse sous un climat plus libéral et des conditions d'élevage différentes de l'étranger ».
« Les vaches de la race d'Herens sont petites, ont le pied montagnard ? Brun foncé, presque noires, avec des reflets roux sur les flancs. Pauvres en caractéristiques propres aux animaux domestiques. le cerveau relativement grand en proportion du corps. Les yeux vifs. Un certain nombre de vertèbres caudales non réduites. Peu de traits infantiles. […] Elles ont servi les Romains. Main d'oeuvre étrangère. le bétail romain autochtone avait des façons de rustre ».
Donc, le livre, composé de douze chapitres, un peu comme un chemin de croix, décrit tout d'abord l'arrivée à Innerwald de Ambrosio, ouvrier paysan, venu de son village à La Corogne, pour trouver du travail et plus précisément à la ferme des Knuchel. Ambrosio ne parle que l'espagnol, quand il parle. Mais il est arrivé au « pays nanti » après « un voyage aussi épuisant que compliqué de son Sud natal vers un Nord attirant incarné seulement par quelques noms imprononçables sur des papiers officiels ». Et bientôt « il travaillerait, gagnerait de l'argent ; bientôt il pourrait envoyer ses premiers mandats : il avait réussi, lui Ambrosio, là où tant d'autres échouent ». Il arrive donc à la ferme des Knuchel, souvent qualifiée de ferme knuchelienne ou de la hiérarchie bovine knuchelienne. Aussitôt jugé par les habitants. « Les regards le jaugeaient, les fronts se plissaient, les têtes oscillèrent horizontalement » « N'a pas l'air fait pour sortir le fumier, le gaillard. N'a pas le thorax, il me semble. Est-ce que je me trompe ? ».
Où l'on fait connaissance avec Blösch, c'est aussi le nom d'une vache « La first lady de l'étable [qui] pouvait admonester d'un coup de corne bien ajusté et à coups de sabots des génisses par trop ambitieuse ». « Ce n'est pas parce qu'une vache avait mis bas dans la nuit un veau qui mugissait dans la paille que Blösch allait renoncer à sa prérogative de quitter la première l'étable, de tremper ses naseaux frémissants dans la fontaine, d'aspirer au moins une ou deux douzaines de litres d'eau sans baver et de retourner la première sur la paille. A chacun son rang ». D'ailleurs, elle est prête à vêler « Pourvu qu'elle ne refasse pas un coillu. Avait dit le fils. Blösch avait meuglé ». Et en plus c'est dimanche. « Les bêtes n'étaient pas insensibles à ces attentions. Toutes elles tendaient leur pelage roux-blanc, dressaient les pis et battaient de la queue à en réchauffer le coeur de Knuchel qui se voyait contraint d'ajouter une poignée supplémentaire de paille friche sous chacune ».
Ambrosio va tout de suite montrer son savoir-faire. Important pour Knuchel, et ses livraisons de lait à la laiterie. C'est sa fierté locale. Hélas pour la Blösch. « Encore un coillu. le diable l'emporte. […]. C'est la meilleure vache de toute la Côte longue, mais bon dieu elle a le ventre plein de petits taureaux ». Mais Ambrosio montre son savoir-faire pour la grande satisfaction de Knuchel qui en retour l'habille de neuf « J'ai dit qu'il est capable, personne sur toute la Côte n'a à avoir honte quand il trait une de nos vaches ». Il est vrai que les vaches knucheliennes sont aux petits oignons. « de quelle génisse convenait-il de cimenter l'ambition naissante par une cloche plus grande, et à quelle vieille dame fallait-il rabattre un peu le caquet par une plus petite ? »
Puis arrive le chapitre II. On est plus tard dans le temps. Ambrosio a changé de métier, le voilà à l'abattoir. Poussé en fait par Knuchel. Les chapitres suivants vont être une suite alternée des périodes à la ferme et de celles à l'abattoir. Bien sûr, il gagne plus d'argent, et il travaille en compagnie, avec Gilgen un italien, comme lui un étranger avec qui il va se lier d'amitié. Un peu en contraste avec les Uberländer, tels Rötlisberger, ou Huber et Hofer ou Hugentobler. Métier difficile, qui commence à cinq heures du matin. Dans le sang et les excréments, avec les bovins ou les porcins. Là, tout devient très technique. Beat Sterchi redevient le boucher qu'il a été, décrivant le dépeçage des bêtes avec précision.
La narration change alors d'un simple récit plus ou moins champêtre en un récit plus précis, plus net. Mais le style lui aussi change. On passe de la simple narration aux dialogues entre les ouvriers de l'abattoir. L'univers devient social, avec des discussions à la taverne du coin. Simples discussions de bistrot, mais où pointe le malaise social. Malaise aussi vis-à-vis de l'étranger, représentés ici par Ambrosio l'espagnol ou Gilgen l'italien. Deux personnes, pièces rapportées dans ce paysage bernois. On quitte alors brutalement du monde rêvé de l'étable knuchelienne, celui d'Innerwald, havre de paix qu'est l'étable, où vivent et rêvent les vaches de Knuchel, au rythme des saisons. On passe alors au monde brutal et industriel de l'abattoir, sept ans après celui de l'étable, un monde « en bordure de la belle ville ». Et puis il y a le monde social, celui des cafés et des discussions au cours desquelles les poings s'abattent sur les tables. Les chopes et les voix s'élèvent, mais surtout les jalousies et les mesquineries surgissent, avec en toile de fond la peur de l'étranger. du sang et de la sueur, opposés au travail champêtre qui lui aussi a bien changé. « du lait, il faut qu'elles donnent du lait. Des baignoires de lait ! Et sans trop manger, en tout cas pas pour trop cher. Et qu'elles aient des pis comme une cornemuse et des trayons en fil de fer, ça n'a plus d'importance. Pourvu qu'elles donnent plus de lait que les autres ». Il n'y a même plus la reconnaissance de l'ouvrier paysan envers les animaux qu'il a gardé et soigné. « Je sais qu'ainsi étendue, tu ne feras plus jamais meuh, plus jamais. On va t'attacher une dernière fois avec ce licou. Je sens la sueur dessus, la salive et l'urine ; je sens l'odeur d'étable, de paille et de lait ».
Cela devient une alternance de deux mondes que tout oppose. A l'étable et dans les pâturages, au « sol glaiseux et vert », ce « vert humide et gras ». L'ambiance est différente à l'abattoir. « A coup de hache et de scie, Luigi ouvrait les cadavres, retirait les pis les queues aussi, et fixait les pattes arrière aux crochets de lavage. / Hugli faisait léviter les troncs, sortait les entrailles, mettait à nu coeur, poumons, foie et reins. / Piccolo transférait les panses vers la triperie et ramenait des charrettes vides. / Huber et Hofer levaient les peaux avec leurs machines, arrachant les cuirs rouges et blancs des carcasses. / Entre deux couloirs, dans la salle d'attente, Krummen partageait les corps en deux. / L'Uberländer arrangeait, nettoyait, lavait ce qui restait des vaches pour la pesée ».
Référence constante à Jeremias Gotthelf (1797-1854), auteur suisse qui a voulu décrire l'impact de la modernisation sur une société archaïque. D'où des références constantes à la modernisation, que ce soit à l'étable avec les traites mécanisées, où à l'abattoir avec ce qui se fait à Chicago, usine à produire, où les vaches entrent d'un côté et les saucisses ressortent de l'autre. Tout y passe, très vite avec l'arrivée de la reine du troupeau qu'il a gardé, la glorieuse Blösch. C'est une first lady déchue, qui n'est plus qu'une carcasse sur pattes, victime de l'industrialisation de l'élevage. « Elle était rongée jusqu'aux os, son dos droit était raccorni en une succession de vertèbres qui pointaient tels des pics ; elle était s èche comme un sarment, ses cornes étaient décalcifiées ; un coup de fourche mal cicatrisé avait laissé une plaie purulente à sa patte arrière, ses articulations étaient enflées et son crâne courbait un cou décharné ». « Elle était misérable, décharnée, écorchée, les os saillants, la peau pendante, les pis déformés par la machine à traire. Elle sentait le désinfectant à plusieurs mètres, elle sentait l'urine et la vaseline. Un squelette pitoyable qui s'arrêta une fois encore avant la balance pour pousser, dans un grand frémissement qui la parcourut de la queue à la tête, un long meuglement ». Une victime, même plus apte à la consommation, au milieu d'une cohorte d'autres victimes, mêlant indifféremment porcs, génisses, taureaux veaux et agneaux. « On a fait venir du bétail et on a vu arriver des êtres capables de peur et de souffrance ».
le style diffère également à l'intérieur des différents chapitres. On passe des descriptions, somme toutes champêtres, à des actes techniques de l'industrialisation. Puis d'un coup viennent des pages complètes d'une seule phase qui commence par « Et puis ce silence de chambre funéraire : ça mâche et mastique à grand bruit, ça mord dans les saucisses de porc tirées d'un seau d'eau chaude et qui craquent sous la dent ». Et qui se termine cinq pages plus loin, suivie de « Neuf heures quinze / Loin, les cigarettes / Vous comptez faire la pause combien de temps ? / On y va / M'en fous / C'était couru qu'il saute, ce boyau/ Est-ce que ça ne fait pas des semaines que ça menace, comme une roue géante qui tôt ou tard m'écrasera ? / Je déglutis / Bon, viens puisqu'il le faut, ils doivent savoir ce qu'ils veulent ».
En résumé deux romans imbriqués l'un dans l'autre, avec ses chapitres pairs et impairs. La vie paysanne telle qu'elle se pratiquait avec une certaine fierté dans le troupeau et sa production laitière. Son respect des bêtes, avec pour ces dernières toute une hiérarchie entre les animaux. Et progressivement l'apparition de la mécanisation, avec des traites à la machine, une déshumanisation des élevages, et la relation à une nature vraie et vivante. de l'autre la rentabilité à tout prix, qui transforme l'homme en machine, la grossièreté inhérente à la pauvreté des relations humaines, des conditions de travail parfois dégradantes, dans le sang et les excréments. Tout cela dans une Suisse bernoise que l'on pourrait encore qualifier d'idyllique. Point de départ, ou d'arrivée, d'une évolution sociale à l'air industriel. Et surtout une réelle maitrise du vocabulaire, tant des traditions paysannes que de celles de l'abattoir.

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Ambrosio débarque à Innerwald, bourg suisse débordant de bucolisme nourricier et d'opulence laitière, peuplé d'hommes et de femmes aux physiques charnus, aux bouches lippues, d'enfants aux joues roses et rebondies. C'est d'ailleurs pour travailler chez un éleveur bovin, Knuchel, qu'il a quitté sa famille et son Espagne natales. Son patron est de ces paysans, de plus en plus rares, qui restent férocement attachés aux pratiques ancestrales, le seul, peut-être, d'Innerwald, à résister à la pression croissante d'un progrès mis au seul service du rendement, aboutissant à une uniformisation croissante des exploitations et à leur rattachement à des groupes agro-alimentaires dont elles deviennent financièrement dépendantes. Knuchel lui, ne veut ni de machine à traire ni d'insémination artificielle, encore moins d'engrais synthétique. Il trait à la main, mène ses vaches au taureau et produit son propre fumier. Malgré sa frêle constitution, Ambrosio apporte rapidement satisfaction à son employeur, qui bientôt ne jure plus que par la vaillance et la dextérité de "son petit espagnol". Mais sa promptitude à vanter les qualités de son employé n'empêche pas ses concitoyens de voir d'un mauvais oeil la présence de cet étranger qui ne leur ressemble pas...

Nous retrouvons ensuite, par un bond de sept ans en avant, Ambrosio aux abattoirs, le récit alternant entre son existence auprès du troupeau et celle où il participe au massacre des bêtes dont il a trait, nourri, soigné les semblables. le même parcours -triste et macabre épopée- sera suivi par Blösch, la reine de l'étable knuchelienne, qu'Ambrosio aura connu altière, puissante, et qu'il voit, quelques années plus tard, réduite à l'état de squelette pitoyable et sans force.

C'est donc l'histoire d'une dichotomie... L'auteur oppose en permanence ces deux mondes, l'un d'une rusticité rutilante où la vache trône comme un symbole de plénitude généreuse, l'autre sanglant et macabre, s'apparentant à un cauchemar éveillé... la vie et la mort... le champ dans lequel paissent des bêtes que l'on caresse et appelle par leur prénom, et le lieu de la tuerie où, anonymes, elles tolèrent, dans une pacifique soumission, les coups... ce qu'elles nous donnent et ce qu'on leur fait...

Sa langue s'adapte au rythme, à l'atmosphère de ces deux univers.

Les épisodes en milieu rural se déroulent en un flux tranquille coloré d'un langage gouailleur et campagnard, dont les apparences bon enfant sont toutefois trompeuses, comme le démontrent les conversations captées au bistro ou à la coopérative, révélant la haine de l'étranger et du différent, mais aussi toutes les mesquinerie, les jugements, les jalousies.

Côté abattoirs, des séries de phrases brèves et percutantes alternent avec des logorrhées au cadencement frénétique, créant un effet lancinant, suggérant l'aliénation provoquée par un travail répétitif, soumis à un rendement dont le respect impose d'occulter la nature vivante des animaux à "traiter". le lecteur est immergé dans un monde de grouillements, de bruits et d'odeurs salines, chaudes, écoeurantes. Recouverts des sécrétions -mucus, bile, matières fécales- que répand l'abattage, les employés de cette usine de mort semblent s'amalgamer à la profusion de tripes, de carcasses, de peaux et de muqueuses qu'ils brassent à longueur de journée comme en une danse macabre et profondément intime, puisqu'il est question de mettre l'animal à nu, au sens viscéral du terme, et de créer ainsi avec lui la proximité physique la plus totale.

Ce qui se passe dans ces murs suscite chez ceux de l'extérieur fantasmes et dégoût, à la hauteur du déni qui leur permettra de planter leur couteau dans un steak bien saignant...

A lire.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Blösch, titre original de la Vache, a été publié en 1983 et a rencontré, à l'époque de sa sortie, un immense succès. Beat Sterchi, auteur suisse né en 1949, qui ne faisait pas du tout partie du milieu littéraire, a vu son roman salué par la critique et recevoir plusieurs prix. Pourtant, il a mal vécu ce succès, percevant dans les louanges qui lui étaient faites sur son style une manière de voiler le contenu du livre :

« On parlait de la véhémence de ma langue pour taire la véhémence de ce dont je parlais. » Interview de Beat Sterchi par Daniel Rothenbülher pour Viceversa

Les éditions suisses Zoé ont réédité ce texte qui avait connu une première traduction française en 1987. Ce qui frappe d'abord, c'est le caractère visionnaire de ce roman qui reparaît aujourd'hui, à un moment où l'on s'interroge davantage sur l'élevage industriel et ce qui se passe d'inhumaindans les abattoirs. Beat Sterchi avait déjà senti comment le productivisme et le progrès allaient nuire à l'élevage et au bien-être animal. Ainsi, l'un de ses personnages s'exclame :

« le progrès. Tu parles. le progrès ! La marche vers la mort ! »

Il serait donc impossible au lecteur mal intentionné (et très carnivore ?) de critiquer ce livre en criant au prosélytisme végan, à l'égoïsme végétarien, car ce n'est pas du tout le sujet de la Vache, et son écriture a pour contexte les années 80 où l'on n'avait pas encore entamé vraiment les réflexions actuelles sur l'industrialisation de l'élevage. de plus, on peut accorder un grand crédit à Beat Sterchi, qui sait de quoi il parle, puisqu'il a lui-même travaillé dans les abattoirs et que son père était boucher.

(...)
Lien : http://salon-litteraire.lint..
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De beaux chapitres, surtout ceux ayant trait à l'arrivée de l'employé dans la ferme et sa vie avec eux: c'est si bien raconté et décrit, on s'y croirait vraiment. Et puis de longs passages, ensuite, lorsqu'il travaille à l'abattoir, une sorte de réflexion qui n'en finit pas, où on se perd entre les lieux et les personnages, dommage. Cet aspect là a gâché ma lecture de toute la première partie pourtant si juste !
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J'ai été pas mal remué par cette lecture ! J'ai été emporté par la prose si entraînante de Beat Sterchi ! J'ai aimé que l'auteur passe si aisément du vocabulaire technique de l'élevage, à la façon de parler des paysans suisses, du vocabulaire de l'abattage des animaux au mélange d'italien et d'espagnol que parlent les travailleurs immigrés…

La force de Beat Sterchi, c'est de nous donner à lire un livre où le message est évident, mais jamais écrit noir sur blanc. Ce que nous faisons subir à ces bêtes est l'affaire de tout le monde. Mais nous décidons de fermer les yeux, pour avoir accès à de la viande toujours moins chère. L'auteur nous oblige à regarder la vérité en face.

C'est parfois très dur à lire, mais aussi très émouvant dans d'autres passages. Il est très violent de lire les scènes d'équarrissage évidemment. Mais aussi les dialogues où s'expose un racisme (et sexisme) décomplexé. Bref, c'est une lecture très importante, que je recommande à celles et ceux qui ont l'estomac bien accroché !
Lien : https://ledevorateur.fr/la-v..
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critiques presse (1)
LeMonde
10 mai 2019
Dignités humaine et animale sont au centre de premier roman de l’écrivain suisse, paru en 1983, en avance sur son temps.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Préface de Claro

La vie rêvée des vaches

La chose est entendue : jamais le sang des bêtes ne séchera sur la page de nos consciences. (...)
En lieu d'un Dublin ou d'un Berlin, il crée un monde à quatre pattes, qui vêle et qui mugit, qu'on trait puis qu'on désosse. Si le veau est de chair et d'or, alors son sang coule telle une encre radieuse. Et pendant que la vache vit sa vie de vache, les hommes vont et viennent, carambolés dans leur solitude. Ceux des villes, ceux des champs. (p. 6)
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Le sang dégoutte des naseaux blessés. J'entends le hurlement des taureaux. Un anneau au sol, un anneau dans le nez. Étroitement liés. L'anneau blesse les muqueuses. Bruits de chaînes, mousquetons, œillères, masques, coups de bâton. Des bouches écument, la salive dégouline, le blanc des yeux apparaît. L'anneau creuse davantage le nez. Les cornes. La nuque : courbée et dressée comme la crête d'un coq. Deux tonnes et plus de viande de taureau apprivoisé. Et la hache fait éclater ces tronches têtues, déchiquète le cerveau, et un sur deux ne se couche pas. Encore un coup. Encore rien. Attends un peu... un halètement : la puissante tête se secoue. Des ciseaux ! Le tourbillon de poils sur le front. Cinq doigts de poils ont amorti le choc. Chute des boucles du taureau. La hache frappe, et droit comme un fier navire dans la mer, le large dos sombre.
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Postface de Wilfred Schiltknecht

La composition figure l'entrelacs de deux mondes. Ici, l'existence paysanne, menacée par la technique, mais marquée encore par les moeurs et les traditions ancestrales, idyllique par certains aspects malgré le repli sur soi, les superstitions et les préjugés. Ici des espaces libres, la conscience de soi affirmée dans une relation à la nature vivante et digne. Là, l'usine abrutissante, le travail à la chaîne et l'esclavage du geste, une exigence de rentabilité transformant l'homme en machine, la grossièreté et le cynisme, des conditions dégradantes dans un environnement hostile.
Deux romans en un seul. Imbriqués l'une dans l'autre dans un contexte helvétique, la condition paysanne et celle de l'ouvrier : le point de départ et le stade peut-être ultime de l'évolution sociale à l'ère industrielle. (p. 474)
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Préface de Claro

Et peut-être que le monde, finalement, n'est qu'un vaste abattoir, un peu plus métaphorique mais non moins violent, et tout aussi désillusionné. Chacun y dépèce sa parcelle de temps. L'équarissage est général. Non seulement Dieu est mort, mais il pend à un crochet, aux yeux de tous. (p. 10)
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Il jeta un regard à sa petite valise déformée, leva ses yeux vers les gens, les baissa encore: en une seconde, il avait appris la solitude. Pour la première fois de sa vie, il sut qu'il était petit, étranger et différent. (p. 16)
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