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Critique de Presence


Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, mettant en scène une version alternative de Superman dans un autre monde (Elseworld). Il est initialement paru en 1989. Il est écrit par Roger Stern, dessiné et encré par Eduardo Baretto, et mis en couleurs par Chris Chuckry. Il s'agit d'une histoire de 46 pages en couleurs.

En 1863, le soldat Atticus Kent écrit une lettre à ses parents Josephus & Sarah Kent. Il explique qu'il ne sait pas quand il pourra poster cette lettre. La journée a été consacrée à une longue marche, quelques soldats se sont plaints. Il comprend la nécessité de cette guerre pour préserver l'intégrité de l'Union, mais il a du mal à accepter le prix à payer par les soldats : les blessures, les membres arrachés, les remarques sur les afro-américains. Il sait que ces hommes parlent par ignorance. Il se souvient bien du jour où ses parents avaient accueilli la famille Johnson, des afro-américains, et où son père avait dû repousser un groupe de trois individus pro esclavage qui souhaitaient les récupérer. Il reste très fier d'avoir aidé son père à chasser ces tristes sires. le 22 mai 1863, Uysses S. Grant écrit dans son journal que son armée à entamé le siège de Vicksburg. Il se dit que de nombreux jeunes soldats marchent vers leur mort. Dans les rangs, Jeremiah interpelle Atticus Kent : il lui demande de ramener à son oncle, son attache s'il venait à mourir sur le champ de bataille. Atticus promet et lui demande la même chose s'il venait à tomber sous les balles. L'armée continue à avancer et Atticus Kent détecte la présence de rebelles loin devant.

Soudain les rebelles tirent, et Atticus Kent est atteint en plein ventre par un boulet de canon. À la surprise de tout le monde (y compris la sienne), Kent se relève, se saisit du boulet et le retourne à l'envoyeur. Puis il se lance en avant, les balles rebondissant sur sa poitrine. Il se jette sur les soldats confédérés et brise un fusil de ses mains. Il saisit un soldat après l'autre et les envoie valdinguer deux ou trois mètres plus loin. Il finit par se saisir du canon et le soulever au-dessus de sa tête. Les soldats de l'Union ont continué à progresser et le rejoignent alors qu'il est dans cette posture. Kent décide de se débarrasser du canon et l'envoie plusieurs centaines de mètres plus loin, couler dans le fleuve du Mississipi. La bataille se poursuit et Kent continue de mettre en déroute les différentes troupes de rebelles. Il finit par arriver au quartier général des sudistes et il se présente devant le général John C. Pemberton. Il le fait prisonnier. Atticus Kent ayant estourbi la moitié des forces rebelles, il ne leur reste plus qu'à se rendre, et le siège de Vicksburg s'achève dans la soirée. le lendemain, Atticus Kent et Jeremiah se retrouvent devant le général Ulysses S. Grant et le général William T Sherman. Grant demande à Kent comment il a résisté au feu de l'ennemi. Kent répond qu'il n'en sait rien. Grant voit tout l'avantage d'avoir un soldat capable de résister aux balles. le 10 juin 1863, Atticus Kent stoppe un train de confédérés en se mettant en travers des rails et en le repoussant tout simplement. Au cours de cette bataille, il découvre qu'il peut voler de manière autonome. Ulysses S. Grant écrit au président Abraham Lincoln pour lui faire part des capacités de ce soldat extraordinaire. Après avoir lu la missive, le président discute de la rémunération des soldats afro-américains avec Frederick Douglass.

Cette nouvelle variation sur Superman se démarque des précédentes par son ancrage dans une période historique à laquelle le scénariste s'attache à donner de la consistance, par opposition au moyen-âge en carton-pâte de Superman: Kal de Dave Gibbons & José Luis Garcia-Lopez. Roger Stern met en scène des personnages historiques réels d'un côté comme de l'autre de la guerre de sécession (1861-1865) : Abraham Lincoln, Frederick Douglass, Ulysses S. Grant du côté de l'Union, Robert E. Lee, John C Pemberton, J.E.B. Stuart, Jefferson Davis du côté des confédérés. Il date précisément l'année de son histoire : 1863. Il évoque le siège de Vicksburg, la bataille de Gettysburg, la tentative d'assassinat par John Wilkes Booth. le lecteur plonge donc dans une Histoire alternative où la présence de Superman accélère le déroulement des événements, avec une modification majeure. C'est l'occasion pour le scénariste d'évoquer le rôle des soldats afro-américains dans la Guerre Civile américaine, la réalité de la guerre (les blessés), l'esclavagisme. de son côté, l'artiste effectue également un travail de reconstitution historique : les uniformes militaires des bleus et des gris, les armes, le train, la Maison Blanche en cours de construction, l'intérieur du théâtre Ford à Washington. Il s'agit d'une reconstitution fidèle, sans être photographique. Par exemple le nombre de boutons sur la veste de l'uniforme confédéré doit être exact, mais la couleur de pantalon est sujette à caution. L'artiste sait reproduire avec fidélité les visages des différents personnages historiques, tous aisément reconnaissables.

Le lecteur observe donc comment les pouvoirs d'Atticus Kent sont mis au service de l'armée de l'Union, le héros s'associant donc aux gagnants d'entrée de jeu, ou plutôt par le hasard de sa naissance, c'est-à-dire de sa famille d'accueil. Il se demande donc jusqu'où le scénariste va pousser les changements, tout en regardant évoluer Kent jusqu'à ce qu'il accède à la plénitude de ses pouvoirs. En effet, il est aussi venu pour une histoire de Superman. Stern a choisi de ne pas commencer par l'explosion de Krypton, attaquant directement dans la situation alternative. Atticus Kent ne prend que progressivement conscience de ses pouvoirs : vision lointaine, invulnérabilité, superforce, vision calorifique, vol autonome. le lecteur identifie immédiatement la supervision, à la fois parce qu'elle fait partie de l'arsenal de pouvoirs de Superman et qu'il n'y a aucun doute sur l'identité d'Atticus Kent, à la fois parce que Garcia Lopez réalise une case à bordure ovale, et que Chuckry lui affecte une couleur différente. le boulet en plein ventre n'est pas si spectaculaire que ça, parce que le lecteur a l'habitude que Superman encaisse des décharges d'énergie beaucoup plus violentes, ou des coups beaucoup plus brutaux. Il sourit presqu'en voyant Kent prendre le boulet et le lancer comme une grosse boule de pétanque sur ses ennemis, dans un mouvement de retour à l'envoyeur. Il faut attendre qu'il soulève le canon au-dessus de sa tête pour commencer à le prendre au sérieux pour ses superpouvoirs. le compte y est quand il arrête un train à main nue. de ce point de vue, Stern & Garcia Lopez opèrent une réduction de ses pouvoirs, comme s'ils n'étaient pas parvenus à maturité. le lecteur comprend bien que cela permet au scénariste que la présence de Superman ne chamboule pas le déroulement de l'Histoire du jour au lendemain, et de ne pas avoir à introduire de supercriminels.

Du fait de ces pouvoirs limités, José Luis Garcia Lopez peut lui aussi donner une interprétation visuelle un peu différente de Superman. Il faut attendre quelques pages avant qu'il ne dispose de son propre uniforme, militaire mais différent de celui d'un soldat. Il faut attendre quelques pages supplémentaires pour qu'il soit affublé d'un sigle sur la poitrine avec un S proéminent. Dans un premier temps, Atticus Kent prend plus des poses d'homme fort que de superhéros. Par la suite, le dessinateur respecte la tonalité de l'histoire et montre plus Kent comme un homme d'action que comme un superhéros. Certes il dispose de capacités incroyables, mais dans un monde ordinaire : ses actions n'ont pas à être montrées dans une surenchère spectaculaire, et peuvent rester dans un domaine où la narration importe plus. Cette approche fonctionne y compris quand Atticus Kent finit par prendre connaissance de son véritable héritage. Alors même qu'il s'agit d'un point de passage obligé mille fois raconté, le message de Jor-El et l'explosion de Krypton présentent un brin d'originalité car ils sont vus par Atticus Kent en tant que membre de l'armée et défenseur de l'Union, plutôt que comme le sempiternel point de départ de sa vie, sans être teintés par son histoire personnelle. de manière totalement inattendue, c'est également dans ce passage que Roger Stern se montre le plus irrévérencieux et même provocateur. Jor El explique à son épouse Lara El que leur fils aura une force surhumaine grâce à l'énergie du soleil jaune, et qu'il pourra ainsi défendre le peuple attaqué sur ses propres terres. Or l'image ne montre ni des bleus, ni des gris, mais des rouges, des indiens. C'est bien sûr ce qui provoque une réflexion chez Atticus Kent quant à la cause qu'il lui convient de servir, mais c'est aussi un clin d'oeil malicieux à la gestion de cette communauté par le gouvernement des États-Unis, qui n'a rien d'une forme de bienveillance universelle.

En 1989, le concept d'Elseworlds est bien rôdé et la tentation est forte pour les auteurs de n'y voir que l'occasion d'écrire une histoire de Superman avec deux ou trois différences exotiques pour donner l'illusion d'une version originale. Au cours de l'histoire, le lecteur se dit que celle-ci est surtout l'occasion pour Roger Stern & José Luis Garcia Lopez de donner une version superficielle de la guerre civile, avec deux ou trois généralités et des dessins qui restent en surface. Malgré tout, la narration visuelle donne une saveur réellement différente à cette version de Superman, et l'histoire intègre le fait que ce héros n'est pas l'agent d'un gouvernement.
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