Le rideau ne se lève pas encore, car il est chez le teinturier. (Le rien)
Le Communiqué
Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer. Il se redressa et, machinalement, il fit passer d'un poste à l'autre l'aiguille de métal qui boucla le tour du cadran sans se heurter au moindre son, pas même un parasite. Il allait fermer le poste quand soudain l'aiguille se buta à une voix. L'homme s'étonna: il n'avait jamais obtenu le moindre programme sur cette longueur d'ondes.
- Cher auditeur... dit la voix.
De cela, l'homme était certain : la voix n'avait pas fait mention des chers auditeurs. Cher auditeur, avait-elle dit. Et cette voix ne semblait pas appartenir au monde des spectacles et diffusions. Elle n'en avait pas la sonorité classique, il lui manquait une certaine onctuosité, un certain pouvoir rassurant. Elle sonnait sèche, personnelle. Le ton était distant, neutre, légèrement froid.
- Cher auditeur, dit la voix sans aucun effet oratoire, il est maintenant zéro heure, zéro minute, zéro seconde. Votre programme est terminé. Nous vous donnons rendez-vous demain matin dans un autre monde.
L'homme, en effet, ne passa pas la nuit.
Les chats
On s’était si souvent demandé, et depuis longtemps, à quoi les chats pouvaient bien penser. Tapis au plus profond de leur solitude, enroulés autour de leur chaleur, comme rejetés dans une autre dimension, distants, méprisants, ils avaient l’air de penser, certes. Mais à quoi ? Les hommes ne l’apprirent qu’assez tard. Au XXIe siècle seulement.
Au début de ce siècle, en effet, on constata avec quelque étonnement que plus aucun chat ne miaulait. Les chats s’étaient tus. On n’en fit pas un drame. En fin de compte, les chats n’avaient jamais été tellement bavards : sans doute n’avaient-ils vraiment plus rien à dire à présent. Puis, plus tard, on releva un autre fait. Plus singulier celui-là : les chats ne mouraient plus. Quelques-uns mouraient évidemment par accident, écrasés par un véhicule, le plus souvent; ou emportés en bas âge par quelque maladie particulièrement pernicieuse. Mais les autres évitaient la mort, lui échappaient, comme si cette fatale échéance n’avait plus existé pour eux.
Cette énigme, personne ne la perça jamais.
Leur secret était simple pourtant. Les chats, depuis qu’ils étaient sur terre, n’étaient jamais sortis de leur indolence native pour accomplir, comme les hommes, mille petits tours savants. Ils n’avaient jamais rien construit, pas même leur niche. Ils avaient toujours laissé les hommes s’occuper de leur sort, leur procurer la nourriture, le confort et la chaleur artificielle. Eux, libérés de tout, avaient toujours vécu dans une sorte d’hibernation idéale, bien dosée, parfaitement mise au point, ne songeant qu’à mieux se concentrer, douillettement lovés dans leur bien-être.
Les chats avaient eu beaucoup de temps pour y penser. Ils avaient beaucoup pensé. Mais alors que les hommes pensaient à tort et à travers, au superflu de préférence, les chats, eux, n’avaient pensé qu’à l’essentiel, sans cesse, sans se laisser distraire. Ils n’avaient médité inlassablement, au cours des siècles, qu’un seul problème.
Et, à force d’y penser, ils l’avaient résolu.
Le rêve
Il écoutait, allongé sur le dos. Il écoutait la respiration de la femme qui dormait à ses côtés. Soudain, il vit un mot se dessiner devant lui. « Entrer » c'était cela le mot. Puis une idée se fondit dans ce mot, comme une goutte d'eau subitement aspirée par une autre goutte. Entrer dans un rêve... S'il avait pu entrer dans le rêve de sa femme...
C'est alors qu'il eut la sensation de tomber au ralenti, de tomber durant très longtemps, jusqu'au moment où il se retrouva dans une pièce cernée de dalles blafardes. Sa femme était là. Elle souriait. Elle avança vers lui...
Elle s'éveilla très tôt, ce matin-là. Quand elle regarda sa main couverte de sang, elle comprit que c'était une impression d'humidité qui l'avait jetée hors du sommeil. Elle hurla quand elle vit l'homme qui gisait à côté d'elle, la gorge ouverte. Ouverte, c'était cela. A la gorge, elle s'en souvenait. C'était exactement cela.
Et c'était avec un rasoir que, dans son rêve, elle tuait son mari.
Au commencement, Dieu créa le chat à son image. Et bien entendu, il trouva que c'était bien. Et c'était bien, d'ailleurs. Mais le chat était paresseux. Il ne voulait rien faire. Alors, plus tard, après quelques millénaires, Dieu créa l'homme uniquement dans le but de servir le chat, de lui servir d'esclave jusqu'à la fin des temps. Au chat, il avait donné l'indolence et la lucidité ; à l'homme, il donna la névrose, le don du bricolage et la passion du travail. L'homme s'en donna à coeur joie. Au cours des siècles, il édifia toute une civilisation basée sur l'invention, la production et la consommation intensive. Civilisation qui n'avait en réalité qu'un seul but secret : offrir au chat, le confort, le gîte et le couvert.
Cinéma
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Robert BENAYOUN,
Jean Louis BORY,
Georges CHARENSOL, Pierre MARCABRU, débatent des
films suivants :
- "Le Point de non retour", de John BOORMAN
- "Le Cameraman", de
Buster KEATON
- "
Je t'aime, je t'aime", d'
Alain RESNAIS (le co-scénariste du film
Jacques STERNBERG prend la parole et répond aux critiques)
- "Le Rapace", de
José GIOVANNI
- "Phantasmes", de Stanley...