Jacques Sternberg est un auteur français comme je les affectionne, tout en contrastes, capable du meilleur comme du pire, mais comme l'ombre pour la lumière, le pire a parfois aussi du bon…
D'accord, Jacques Sternberg n'est pas français, il est belge.
Eh bien c'est encore mieux, et je ne rentrerai pas dans la litanie des artistes franco-belges (ou l'inverse) qui rayonnent génialement dans nos firmaments.
Jacques (permettez-moi de l'appeler par son prénom) m'accompagne depuis mon adolescence. On s'est bien perdus de vue à certains moments, mais il est toujours là, bien présent, avec sa verve et ses idées fulgurantes qu'il abandonne derrière lui aussi vite qu'il les a interceptées. Allez donc lire ses recueils de contes et vous comprendrez ce que je veux dire.
Mais parfois, Jacques aime bien aussi s'enfoncer dans les méandres d'une idée et barbotter dedans avec une complaisance qui alors peut devenir pâteuse. C'est un de ses défauts, mais il faut savoir pardonner les défauts de ceux qui vous accompagnent depuis si longtemps.
J'ai choisi de poser cette contribution sur "Toi ma nuit" car je garde de ce livre, et notamment de son ultime personnage féminin (car il y en a beaucoup), Michèle, un souvenir ému. Peut-être bien parce qu'à l'époque, j'avais moi aussi rencontré une sorte de Michèle… Alors voilà, Jacques, pour tous tes talents d'écrivain aux multiples facettes, et pour vous aussi, les Michèle, je vous dédie ces cinq étoiles.
J'ai imaginé une couverture originale pour ce roman, que je vous invite à découvrir sur mon site.
Au, fond, dit-elle sans me regarder, comme si ce travail l'avait absorbée corps et âme, je ne m'ennuie jamais. Mais tout m'ennuie.
Elle leva alors les yeux vers moi et dota son regard d'une extraordinaire expression de fièvre, de soif et de voracité, celle qu'aurait pu avoir un fauve qui n'aurait jamais trouvé aucune proie à se mettre sous la dent.
-- Peut-être, ajouta-t-elle de sa voix neutre et assourdie, que mon seul plaisir est justement de voir les choses m'ennuyer à ce point.
Il me semble que si nous avions de temps en temps quelques instants pour nous arrêter, regqrder les choses, les juger, nous ne pourrions que demander grâce, reculer, effarés, prendre la fuite. Mais justement le piège est bien conçu: il est bardé d'horloges qui ne nous laissent pas ce quelques minutes de répis.
Cà ne sert à rien de savoir des choses. L'intelligence, c'est avoir l'intelligence de ne rien apprendre.
Je pense aussi que ce siècle m'a toujours paru assez ridicule, mais je ne vois pas du tout quel siècle du passé ou de l'avenir me paraîtrait plus tentant ou moins ridicule. Il me semble que c'est l'homme qui est en cause, responsable. Je lui ai toujours trouvé une remarquable faculté de tout gâcher, de tout avilir.
La force des penseurs était de toujours promettre pour le lendemain jamais pour le jour même.
Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...