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Critique de Pois0n


Avant toute chose, je tiens à remercier Babelio pour son opération Masse Critique ainsi que les éditions Omnibus pour l'envoi de ce livre.

Si Stevenson est surtout connu pour le cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde et, bien sûr, L'île au trésor, ce dernier est loin d'être son seul récit maritime. Ce recueil regroupe donc le chef d'oeuvre précité et d'autres textes moins connus... mais dont la qualité et l'intérêt varient hélas.

L'exemple le plus flagrant en est Les Merry Men, la nouvelle qui ouvre l'ouvrage, huis-clos sur un bout de rocher écossais dont l'ambiance n'est pas sans rappeler celle des "Ils étaient dix" d'Agatha Christie. Sauf qu'ici, point de meurtres en série, l'intrigue est plutôt construite autour d'un secret, de la psychologie des personnages... mais surtout d'un décor, cette fameuse île entourée de récifs, à l'atmosphère pesante. L'idée était prometteuse sur le papier, mais le résultat est loin d'être à la hauteur. le récit est beaucoup trop long à se mettre en place, Stevenson nous décrivant l'île dans le moindre détail, pour mieux se perdre ensuite dans les délires mystiques d'un des personnages. le peu "d'aventure" qu'il peut y avoir ne sert que de faire-valoir à un thriller psychologique à la conclusion abrupte. Bref, malgré de bonnes idées, de la part de cet auteur, Les Merry Men possède un goût amer de brouillon inachevé.
Heureusement, la suite relève le niveau.

Le secret de l'épave est tout aussi long à démarrer, mais, cette fois, aucun sentiment d'ennui ne pointe à l'horizon. La jeunesse du héros dans les milieux de la finance puis de l'art sont narrées plaisamment, le texte possède un petit côté page-turner faisant que l'on a toujours envie de connaître la suite, et avant même que l'on s'en soit rendu compte, on se retrouve en mer, pour une chasse au trésor comme Stevenson sait si bien les orchestrer. Pour qui connaît L'île au trésor, le ton du récit est heureusement radicalement différent; le héros, plus agé, le contexte, plus sérieux, plus réaliste. le tout est construit comme une enquête, et l'on se retrouve avec un véritable polar sur mer! Que s'est-il vraiment passé à bord du Flying Scud? Si, là encore, on reprochera à l'auteur une conclusion rapide, cette histoire se veut, et de très loin, la seule du recueil à pouvoir talonner L'île au trésor sur le plan de la qualité, et constitue LA grosse bonne surprise du livre!

Car si le Reflux n'est pas mauvais en soi, on y retrouve les mêmes défauts que dans Les Merry Men: un démarrage très lent et pas foncièrement intéressant, un côté huis-clos un peu longuet, quoique moins, les aléas de la navigation de chargeant de rendre tout ça un poil plus aéré, pour finir sur un côté exagérément tourné vers la morale et la bondieuserie, cette fois sans subtilité aucune. Bref, si la forme en fait un texte qui reste agréable à lire, le fond a de quoi rendre perplexe et la fin laisse un fort sentiment de "tout ça pour ça" assez décevant.

Ah, L'île au trésor, classique que l'on ne présente plus, chef d'oeuvre du récit d'Aventure avec un grand A. Que dire de plus? On y retrouve tous les thèmes chers à l'auteur et déjà vus dans ses textes ultérieurs: l'aventure bien évidemment, mais aussi la noirceur humaine et ses nuances. C'est toutefois dans ce texte-ci que le mélange se veut le plus équilibré, sans oublier un déroulement des évènements bien plus rythmé. Bref, L'île au trésor ne souffre d'aucun défaut, c'est le roman parfait par excellence, celui sur lequel il n'y a rien à dire. Si, "lisez-le".

C'est dans un tout autre registre que le dernier tiers de l'ouvrage s'oriente, avec des extraits des récits de voyage de Stevenson. Ici, il ne sera question que de paysagisme littéraire et d'esquisses d'études ethnologiques. Fort heureusement pour le lecteur, Stevenson est infiniment plus doué que Washington Irving pour rendre des descriptions de paysages intéressantes! Bref, même s'il faut prendre les informations avec des pincettes et tout en gardant en mémoire les courants de pensée de l'époque, ces témoignages sont très souvent intéressants, et toujours dépaysants. le chapitre sur les superstitions aux Tuamotu (ici nommées de leur ancien nom Paumotu) est juste l'un des meilleurs du livre, pour qui s'intéresse un tant soit peu au sujet. Bref, si l'on s'éloigne du récit d'aventures, on ne s'ennuie pas pour autant et c'est sur une note positive que l'on referme finalement ce gros pavé de plus de 900 pages.
A noter la traduction (d'époque?) très étrange parfois, comme l'île d'Abemama (ou Apamama en anglais), ici nommée partout APemama. Un détail dont l'on ne se rend compte qu'en connaissant le sujet ou en tentant de se renseigner sur ce que sont devenus les lieux mentionnés à l'heure actuelle.

Cependant, on notera tout de même un bémol éditorial tendant vraiment à pourrir la lecture sur la fin: les coquilles. Alors certes, sur un ouvrage aussi gros, il était inévitable d'en avoir. Mais ici, on passe du "normal, acceptable et pardonnable" (une boulette ou deux disséminées ici ou là) en début d'ouvrage à pratiquement une erreur par page sur le dernier quart, et encore, quand ce n'est pas plus! Virgules apparaissant n'importe où, erreurs de caractères dans les noms, étrange duo de n+i à la place d'un m, majuscules en milieu de phrases entre autres exemples, c'est un vrai festival et on sent que le correcteur n'était clairement plus très frais; peut-être en fin de journée ou éreinté après plus de 700 pages. Alors certes, on est loin des erreurs de conjugaison intolérables qui piquent les yeux dans un Hugo Romance, mais plus on progresse dans le livre, moins c'est discret, et plus on soupire. Les textes de Stevenson méritaient un peu plus de soin.

Que penser de ce recueil au final? Chez un même auteur, on le sait, il y a des hauts et des bas, ce que cette compilation prouve parfaitement. Si L'île au trésor vaut évidemment le coup, ainsi que le Secret de l'épave, Les Merry Men et le Reflux sont au mieux anecdotiques et dispensables, au pire ennuyeux. Seuls les extraits de "Dans les mers du sud" rendent donc l'ensemble en tant que tel intéressant, ainsi que le côté "compilation de textes méconnus". A vous de voir si vous recherchez l'exhaustivité, dans le cas contraire, mieux vaut vous procurer le ou les récits qui vous intéressent séparément.
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