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EAN : 9782752904546
160 pages
Phébus (15/04/2010)
  Existe en édition audio
3.89/5   4516 notes
Résumé :
Le docteur Jekyll est un médecin londonien, précurseur des tendances de la médecine psychanalytique moderne.
Ayant diagnostiqué deux éléments de sa personnalité, il les dissocie grâce à des poudres chimiques. D'où deux personnages distincts : le praticien distingué, le docteur Jekyll, estimé de la haute société, et le monstre abject et dépravé, Mr Hyde. Croyant se libérer ainsi de ses cruelles angoisses, Jekyll tombe en fait sous la domination absolue de Hyde... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (399) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 4516 notes
Un peu partout dans le monde, dans les diverses sociétés et depuis l'aube des temps, le mythe de l'homme double ou de l'homme au double visage a hanté l'humanité. Probablement aussi parce que la tradition veut que les visages et les personnalités constitutives de ce couple soit diamétralement opposées et que l'on ne sache jamais trop par avance à laquelle on aura affaire. C'est vrai, c'est inquiétant, que ce soit avec nos amis ou avec quiconque d'ailleurs, on aime bien savoir si c'est du lard ou du cochon et la duplicité de l'interlocuteur est toujours quelque chose de très mal vécu et de foncièrement angoissant. de l'exemple fameux du dieu Janus des Romains à l'incroyable Hulk des séries américaines en passant par une myriade de loups-garous et autres dieux ou héros polymorphes d'ici ou d'autre part, tous ont eu la part belle dans l'imaginaire collectif.
Au XIXème siècle, quelques écrivains ont su donner chair à ces mythes, ces récits fondateurs de l'humanité, il y eut Johann Wolfgang von Goethe avec son mythe de l'apprenti sorcier, il y eut Mary Shelley avec son Frankenstein ou le Prométhée moderne et il eut Robert Louis Stevenson avec son étrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde.
Mais ce que l'auteur réussit parfaitement, c'est à glisser son doigt sous notre épiderme et à nous faire sentir qu'en chacun de nous, deux êtres (au moins) sommeillent. L'un franchement plus reluisant que l'autre, qu'on n'ose pas trop montrer et qui nous fait honte parfois, mais qui est pourtant tellement constitutif de nous-même.
Un peu à l'image du héros de Kafka dans le Procès, Stevenson fait vivre au personnage intègre de l'avoué Utterson la douloureuse expérience d'une introspection minutieuse de son passé. Je vous restitue le passage en question :

« Tout en continuant à cheminer, il réfléchit un moment à son propre passé. Il explora les moindres recoins de sa mémoire. Sait-on jamais ? N'aurait-il pas commis jadis quelque iniquité qui, tel un diablotin, pouvait toujours resurgir ? À première vue, son passé semblait pur, et il aurait dû pouvoir scruter le sans broncher. En réalité, il était atterré et tremblait à l'énumération de ses fautes. Comme elles paraissaient nombreuses ! »

Évidemment, cela chatouille forcément quelque chose de nous-même et cette nouvelle est une véritable orfèvrerie. le message de R. L. Stevenson pourrait être "en chacun de nous, un Mr. Hyde sommeille, et ce Mr Hyde fait peur, à tout le monde, mais surtout à nous-même". Bien sûr, le suspense voulu par l'auteur a forcément pâti de la notoriété de l'ouvrage et l'identité cachée de Hyde (Hyde rappelle tellement le verbe to hide que ce n'est presque plus un jeu de mots) ne fait guère de doute pour le lecteur du XXIème siècle, mais tel ne fut pas toujours le cas, notamment à sa sortie en 1886.
C'est donc une narration bien menée et qui possède de fort nombreuses qualités, qui conserve toute sa fraîcheur et qu'on aurait tort de se priver d'encore lire ou relire, mais tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Comme tout le monde, je connaissais l'idée de la personnalité double à l'origine du roman de Stevenson.

Mais je n'avais pas en tête la structure vaguement fantastique de l'histoire, les personnages secondaires, le suspense ou même l'idée philosophique sous-jacente que nous avons tous un Mister Hyde en nous (et pas juste certains de mes collègues pénibles...). Je me suis donc régalée à cette lecture !

Outre mon plaisir, j'en retiendrai peut-être qu'il ne faut pas jouer avec le feu, les sels impurs ou notre côté sombre, sous peine de perdre le contrôle... mais que, quand on réprime tout en soi, on se retrouve avec une vie morne et terne comme celles de Utterson ou Lannion...

J'ai donc l'impression que Stevenson nous a posé plein de questions sur la nature humaine dans son conte psychanalytique, mais s'est bien gardé de nous donner des réponses... Soit le Docteur Stevenson ne les avait pas, soit son Mister Hyde l'a empêché de nous les donner...

Challenge XIXème siècle
Pioche dans ma PAL avril 2018 - merci @Witchblade !
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Cela commence par une apparente enquête policière assez commune et cela finit en apothéose fantastique, scientifique, psychologique et philosophique avec le journal du Docteur Jekyll qui révèle le fin mot de l'histoire.

Du Londres de la fin du 19ème, le contraste est saisissant entre les beaux quartiers autour de Regent's Park et le glauque de Soho. Jekyll habite dans l'un et Hyde dans l'autre. le premier a les bonnes manières, le second est brutal. Jekyll offre le thé, Hyde peut tuer gratuitement.

Pour retrouver le diabolique Hyde, Mr Utterson, un notaire ami de Jekyll, mène une enquête personnelle. Cette démarche permettra de confondre l'assassin. Mais, avec la découverte du journal de Jekyll, l'histoire se termine de manière magistrale.


Cette centaine de pages est une oeuvre de R.L.Stevenson (L'île au trésor). Ici c'est le grand écart avec la mer ou à dos d'âne dans les Cévennes. La dimension fantastique vient du fait qu' il a développé par écrit un de ses cauchemars puis ensuite il a lu des articles de Charcot puis de Freud sur l'hystérie.

D'ailleurs le nom de Hyde veut bien dire caché, mais quand cet inconscient refait surface, on pourra dire, qu'à notre conscience, il apparaît particulièrement hideux!
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Alors que je viens tout juste de terminer – on pourrait tout aussi bien dire dévorer – ce roman, je ne peux résister à l'envie de vous en parler de suite …

Cela faisait un moment que je voulais m'attaquer à ce texte, en partie parce que je ne connaissais pas l'histoire réelle, seulement le mythe, et aussi parce que cela me permettait de lire en anglais … Mais il se trouve que la curiosité a bien vite pris le pas sur le “devoir” et que je n'ai tout simplement pas pu le reposer une fois commencé. Je tiens à préciser que malgré ma lecture passionnée, je me suis accrochée au texte anglais jusqu'au bout … pour la beauté de la langue !

Car ce qui m'a le plus accroché de prime abord, c'est de retrouver l'anglais du XIXe siècle que j'ai pour la première fois apprécié en lisant Frankenstein, de Mary Shelley, en classe de première. C'est dans cette optique que j'ai commencé Jekyll car j'avais dans l'idée que les textes pouvaient être proches, et ce fut bien le cas. A la fois dans le style, très descriptif mais très efficace, qui donne une ambiance très gothique au texte; et dans le mode de narration, à l'aide de témoins étrangers, de lettres explicatives, de récits à posteriori.
De la même façon, Victor Frankenstein (qui est le savant créateur, et pas le nom du monstre …) et le Dr Jekyll, deux savants fous, ont créé de toutes pièces leur destin, la perte de leur âme et leur mort, dans le désespoir et la peur, comme la renonciation de ce qu'il peut y avoir d'humain en l'homme.

L'histoire

Quelle est finalement l'histoire originelle de Dr Jekyll et Mr Hyde, avant qu'elle ne soit reprise et déformée sur le grand et le petit écran ?

Un notaire enquête sur des faits étranges impliquant un éminent et charitable médecin londonien, le docteur Jekyll et une sombre créature, Edward Hyde, qui semble être le mal à l'état pur (ce que l'on voit dès les premières pages par divers incidents démontrant sa personnalité). Petit à petit, on prend conscience que ces personnages ne sont en réalité qu'un seul (mais le récit est monté d'une façon qu'il est difficile – en tout cas si l'on ne connaît pas l'histoire – de deviner cela au début). En effet, Jekyll, précurseur des tendances de la médecine psychanalytique moderne, a diagnostiqué deux éléments de sa personnalité (“man is not truly one, but truly two”), qu'il arrive à dissocier par hasard grâce à des poudres chimiques. Il peut ainsi se livrer à ses plus bas instincts, tout en restant sous le couvert de sa respectabilité. Or, rapidement, ces instincts prennent le dessus et il lui est de plus en plus difficile de se débarrasser de Hyde, qui se renforce de jour en jour (c'est d'ailleurs intéressant de voir qu'au départ, ce dernier est un petit nain blafard, plus jeune que Jekyll, comme s'il avait moins vécu … ce qui est vrai ! et puis Jekyll s'affaiblit et c'est Hyde qui grandit …).

Mon avis

On a affaire ici à un chef d'oeuvre de la littérature. le fait de connaître l'histoire ne gâche en réalité que très peu le plaisir, qui est niché dans la manière de traiter le sujet, et les réflexions finales de Jekyll. En effet, comme Frankenstein, le docteur Jekyll prend conscience non pas de la dangerosité de la science, ce n'est pas véritablement le sujet, mais bien de la fragilité de ce que l'on appelle l'homme et de la limite extrêmement mince qui existe entre l'humanité et la bestialité la plus basse. Jekyll a fait tomber cette barrière, pensant qu'il pourrait être plus pleinement lui, en se débarrassant de la honte des mauvais actes que son bon côté désapprouve :

“the injust might go his way, delivered from the aspirations and remorse of his more upright twin; and the just could walk steadfastly and securely on his upward path, doing the good things in which he found his pleasure, and no longer exposed to disgrace and penitence by the hands of this extraneous evil.”

Mais il s'aperçoit rapidement que c'est un échec (ou plutôt un plein succès ?), que le monstre en lui est allé trop loin (“Edward Hyde, alone, in the ranks of mankind, was pure evil”, ce dont tous ceux qui le rencontrent ont conscience sans savoir d'où vient ce sentiment). Cependant, il a alors un moment d'hésitation : “between these two I now felt I had to choose.” Mais comme il le dit : “Strange as my circumstances were, the terms of this debate are as old and commonplace as man”.

Il choisit finalement le côté positif en lui. Mais il est trop tard, car sa partie “bonne” est aussi coupable, ayant laissé s'échapper le côté négatif. A partir de là, Jekyll est mort, il ne reste plus que Hyde. Cependant, Stevenson ne reste pas sur une note négative, puisque Hyde est pris de remords face aux sentiments de Jekyll, et il aura à la fin, son comportement le plus humain.

Pour conclure

C'est un roman extrêmement complexe, qu'il est difficile d'analyser en quelques lignes. Mais ce fut une expérience littéraire comme je les aime, bien loin du simple roman noir auquel je m'attendais : celle qui force à réfléchir, celle dont le souvenir ne nous lâche pas pendant des jours, des semaines, et qui revient nous hanter des mois et des années durant. de la même façon que je n'ai jamais oublié ma découverte de Frankenstein, je place ce livre dans mon panthéon littéraire.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Si Stevenson avait des terreurs nocturnes, j'eus pour ma part deux "terreurs" télévisuelles marquantes dans mon enfance : -Les aventures de Belphégor- avec l'égérie germanopratine récemment disparue. J'avoue qu'il m'a fallu du temps avant que le costume sépulcral de la jolie môme me permette de descendre à peu près rassuré à la cave pour en rapporter ce que l'autorité parentale m'avait enjoint d'y aller chercher.
La seconde, je la dois à Jean Renoir et à son adaptation en 1961 pour la petite lucarne, de l'oeuvre du même Stevenson, que le génial fils de l'Auguste peintre intitula -Le testament du docteur Cordelier-, avec dans le rôle du docteur le magistral Jean-Louis Barrault.
Là aussi... que d'émotions et de frissons... !!!
C'est donc à Renoir, à Barrault-Cordelier-Opale que je dois ma première rencontre avec le mythe universel du "double", de la dualité de l'homme engagé par essence dans une lutte éternelle entre le bien et le mal, mythe né d'un cauchemar et transposé en un chef d'oeuvre littéraire à travers - L'étrange cas du docteur Jekyll et de Mister Hyde.
Sorti de l'enfance, j'ai retrouvé partout et très souvent ce "tandem" Harry Jekyll et Edward Hyde : à la télé ( je l'ai évoqué ), au cinéma ( les versions sont nombreuses... et j'irais jusqu'à dire que Jerry Lewis doit à ce mythe l'un de ses moins mauvais films... c'est dire ! Quant à la version de Victor Fleming avec Spencer Tracy et Ingrid Bergman... quel souvenir !), dans la chanson, dans beaucoup des livres que j'ai lus, dans l'univers multiple du "psychologisme", et dans le langage courant... bien évidemment.
Avouez que ce n'est pas rien.
L'histoire du petit ( petit par le nombre de pages ) roman de Stevenson est connu de tous, mais quitte à en dire quelques mots, autant en rappeler l'essentiel.
Le notaire Utterson se promène un soir avec son cousin Richard Enfield dans un quartier de Londres. Tous les deux passent devant une étrange maison qui réveille chez ces deux hommes un souvenir commun, celui d'un être terrifiant et repoussant, Edward Hyde, un criminel sans scrupules, l'incarnation du mal.
Inexplicablement, ce petit être démoniaque était le protégé d'un homme de bien, l'ami et client d'Utterson, le docteur Harry Jekyll, lequel avait fait d'Hyde, dans un testament confié à son notaire d'ami, son légataire universel.
Quels étranges liens pouvaient-il y avoir entre le "bon" docteur Jekyll et cette créature du mal ?
Utterson le découvrira et le comprendra en lisant la lettre écrite par Hyde au moment de la mort de Jekyll.
L'intrigue est habile, tendue, haletante et précurseure.
Inutile de disserter sur ce que cette allégorie du bien et du mal suggère en nous.
Le fait est que Stevenson par son génie créatif a su matérialiser, donner corps et substance à ce que tous nous savons porter en nous.
La psychanalyse l'a fait, elle, de son côté un peu plus tard, à travers la "découverte du "Ça, du Moi, et du Surmoi"... d'un autre docteur...
Le Moi, c'est Jekyll, écartelé entre la bonne conscience de son Surmoi et ses sombres instincts enfouis dans un Ça qui n'attend que le moment où il pourra permettre à Hyde de les laisser s'exprimer.
Trente ans avant Freud, voici ce que l'on pouvait lire sous la plume de Stevenson :
"Ce fut donc le caractère tyrannique de mes aspirations, bien plutôt que des vices particulièrement dépravés, qui me fit ce que je devins, et, par une coupure plus tranchée que chez la majorité des hommes, sépara en moi ces domaines du bien et du mal où se répartit et dont se compose la double nature de l'homme... Malgré toute ma duplicité, je ne méritais nullement le nom d'hypocrite : les deux faces de mon moi étaient également d'une sincérité parfaite.”
Pas mal, non ?
Pour conclure, je dirai qu'outre son caractère mythique, universel, ce qui fait littérairement parlant l'intérêt du roman, du conte de Stevenson, c'est qu'il est multigenre. le lecteur peut y lire une histoire policière, une histoire fantastique, un roman d'épouvante, un conte philosophique ou psychologique...
Bref, c'est un coup de génie, un coup de maître pour l'aventurier qui a su emmener le lecteur palpitant aussi bien sur "l'Île au trésor" que dans les tréfonds labyrinthiques des méandres de nos âmes si complexement torturées.
À lire et à relire.




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critiques presse (1)
LaCroix
15 juillet 2019
Un classique du roman fantastique, qui fait à la fois frissonner et réfléchir.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (240) Voir plus Ajouter une citation
L'homme est toujours double. Aujourd'hui encore, c'est tout ce que je peux dire sur ce sujet. D'autres me relaieront, me dépasseront dans l'exploration de ce domaine. Et j'ose presque affirmer que, plus tard, on ira plus loin. On démontrera que l'homme est finalement une synthèse de nombreux individus, tous différents et indépendants les uns des autres.
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Eh bien, voici la chose, répliqua M. Enfield. C’était vers trois heures du matin, par une sombre nuit d’hiver. Je m’en retournais chez moi, d’un endroit au bout du monde, et mon chemin traversait une partie de la ville où l’on ne rencontrait absolument que des réverbères. Les rues se succédaient, et tout le monde dormait… Les rues se succédaient, toutes illuminées comme pour une procession et toutes aussi désertes qu’une église… si bien que finalement j’en arrivai à cet état d’esprit du monsieur qui dresse l’oreille de plus en plus et commence d’aspirer à l’apparition d’un agent de police. Tout à coup je vis deux silhouettes, d’une part un petit homme qui d’un bon pas trottinait vers l’est, et de l’autre une fillette de peut-être huit ou dix ans qui s’en venait par une rue transversale en courant de toutes ses forces. Eh bien, monsieur, arrivés au coin, tous deux se jetèrent l’un contre l’autre, ce qui était assez naturel ; mais ensuite advint l’horrible de la chose, car l’homme foula froidement aux pieds le corps de la fillette et s’éloigna, la laissant sur le pavé, hurlante. Cela n’a l’air de rien à entendre raconter, mais c’était diabolique à voir. Ce n’était plus un homme que j’avais devant moi, c’était je ne sais quel monstre satanique et impitoyable. J’appelai à l’aide, me mis à courir, saisis au collet notre citoyen, et le ramenai auprès de la fillette hurlante qu’entourait déjà un petit rassemblement. Il garda un parfait sang-froid et ne tenta aucune résistance, mais me décocha un regard si atroce que je me sentis inondé d’une sueur froide. Les gens qui avaient surgi étaient les parents mêmes de la petite ; et presque aussitôt on vit paraître le docteur, chez qui elle avait été envoyée. En somme, la fillette, au dire du morticole, avait eu plus de peur que de mal ; et on eût pu croire que les choses en resteraient là. Mais il se produisit un phénomène singulier. J’avais pris en aversion à première vue notre citoyen. Les parents de la petite aussi, comme il était trop naturel. Mais ce qui me frappa ce fut la conduite du docteur. C’était le classique praticien routinier, d’âge et de caractère indéterminé, doué d’un fort accent d’Édimbourg, et sentimental à peu près autant qu’une cornemuse. Eh bien, monsieur, il en fut de lui comme de nous autres tous : à chaque fois qu’il jetait les yeux sur mon prisonnier, je voyais le morticole se crisper et pâlir d’une envie de le tuer. Je devinai sa pensée, de même qu’il devina la mienne, et comme on ne tue pas ainsi les gens, nous fîmes ce qui en approchait le plus. Nous déclarâmes à l’individu qu’il ne dépendait que de nous de provoquer avec cet accident un scandale tel que son nom serait abominé d’un bout à l’autre de Londres. S’il avait des amis ou de la réputation, nous nous chargions de les lui faire perdre. Et pendant tout le temps que nous fûmes à le retourner sur le gril, nous avions fort à faire pour écarter de lui les femmes, qui étaient comme des harpies en fureur. Jamais je n’ai vu pareille réunion de faces haineuses. Au milieu d’elles se tenait l’individu, affectant un sang-froid sinistre et ricaneur ; il avait peur aussi, je le voyais bien, mais il montrait bonne contenance, monsieur, comme un véritable démon.
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M. Utterson exerçait la profession d'avoué. Cet homme possédait un visage sévère, que n'éclairait jamais un sourire. Il était froid, s'exprimait avec difficulté et d'ailleurs parlait peu. Avec cela, maigre, long, poussiéreux, ennuyeux et d'une modestie extrême. Il lui arrivait pourtant d'inspirer la sympathie.
Dans les réunions amicales, quand il avait trouvé le vin savoureux, une lueur s'allumait dans ses prunelles. Elle donnait à son regard quelque chose d'humain qu'on apercevait rarement dans ses propos, mais qu'on retrouvait dans l'expression de ses traits après dîner, et plus encore dans les actes de sa vie.
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Tout en continuant à cheminer, il réfléchit un moment à son propre passé. Il explora les moindres recoins de sa mémoire. Sait-on jamais ? N'aurait-il pas commis jadis quelque iniquité qui, tel un diablotin, pouvait toujours resurgir ? À première vue, son passé semblait pur, et il aurait dû pouvoir le scruter sans broncher. En réalité, il était atterré et tremblait à l'énumération de ses fautes. Comme elles paraissaient nombreuses !
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Il n'existait pas de miroir, à l'époque, dans ma chambre ; celui qui se trouve à côté de moi, tandis que j'écris ceci, y fut installé beaucoup plus tard et en vue même de ces métamorphoses. La nuit, cependant, était fort avancée...le matin, en dépit de sa noirceur, allait donner bientôt naissance au jour...les habitants de ma demeure étaient ensevelis dans le plus profond sommeil, et je résolus, tout gonflé d'espoir et de triomphe, de m'aventurer sous ma nouvelle forme à parcourir la distance qui me séparait de ma chambre à coucher. Je traversai la cour, où du haut du ciel les constellations me regardaient sans doute avec étonnement, moi la première créature de ce genre que leur eût encore montrer leur vigilance éternelle ; je me glissai au long des corridors, étranger dans ma propre demeure ; et, arrivé dans ma chambre, je me vis pour la première fois en présence d'Edward Hyde. (p.76)
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