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Citations sur Voyage avec un âne dans les Cévennes (164)

Pour ma part, je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour y aller. Je voyage par amour du voyage. La grande chose est de bouger, de sentir de plus près les besoins et les démangeaisons de notre vie, de descendre de ce lit de plumes qu'est la civilisation, et de retrouver sous nos pieds le globe de granit, semé de silex acérés.
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L'automne avait posé ses teintes d'or et de flétrissure sur leur verdure et le soleil, brillant au travers, atténuait leur rude feuillage, en sorte que chaque épaisseur prenait du relief contre son voisin, non dans l'ombre, mais dans la lumière. Un humble dessinateur d'esquisses lâchait, ici, désespéré, son crayon.
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J’avais résolu, sinon de camper dehors, du moins d’avoir à ma disposition les moyens de le faire. Rien n’est, en effet, plus fastidieux pour un type débonnaire, que la nécessité d’atteindre un refuge dès que vient la brune. Au surplus, l’hospitalité d’une auberge de village n’est point toujours une infaillible recommandation à qui chemine péniblement à pied. Une tente, surtout pour un touriste solitaire, ne laisse point d’être ennuyeuse à dresser, ennuyeuse encore à démonter, et même, durant la marche, elle fournit un évident aspect particulier au bagage. Un sac de couchage, par contre, est toujours prêt : il suffit de s’y insinuer. Il sert à double fin : de lit pendant la nuit, de valise pendant le jour et il ne dénonce pas à tout passant curieux vos intentions de coucher dehors. C’est là un point important. Si un campement n’est pas secret, ce n’est qu’un endroit de repos illusoire. On devient un homme public. Le paysan sociable visite votre chevet après un souper hâtif et vous voilà dans l’obligation de dormir un œil ouvert et de vous lever à l’aube.
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Il y a cent quatre-vingts ans, les Camisards tenaient un poste là même, sur les monts Lozère où je suis. Ils avaient une organisation, des arsenaux, une hiérarchie militaire et religieuse. Leurs affaires faisaient « le sujet de toutes les conversations des cafés » de Londres.
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je l'appelle « sac », mais ce ne fut jamais un sac que par euphémisme. C'était seulement une sorte de long rouleau ou saucisson en bâche vert imperméable à l'extérieur et en fourrure de mouton bleue à l'intérieur. Commode comme valise, sec et chaud comme un lit.
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Quand je sentis venir cette heure dans le bois de sapins, je m'éveillai ; j'avais soif. Ma gourde était près de moi, encore à demi-pleine d'eau. Je la vidai d'un trait. Puis, complètement réveillé après avoir absorbé cette eau froide, je m'installai sur mon séant pour rouler une cigarette. Les étoiles brillaient claires, colorées et semblables à des joyaux ; mais leur éclat n'était pas glacé. Une légère vapeur argentée flottait devant la voie lactée. Tout autour de moi les pointes noires des sapins se dressaient immobiles et droites. Je distinguais Modestine grâce à la teinte claire de son bât ; elle tournait en rond, maintenue par sa longe. Je pouvais l'entendre brouter l'herbe paisiblement mais aucun autre bruit ne me parvenait, excepté le doux babillage du ruisseau sur les cailloux. Je restais étendu paresseusement, je fumais et observais la couleur du ciel , d'un gris rougeâtre derrière les sapins et devenant d'un bleu sombre et lumineux entre les étoiles.
Un vent léger, qui était plutôt une fraîcheur mouvante qu'un souffle d'air, passait de temps en temps à travers la clairière ; c'est ainsi que l'atmosphère de ma grande chambre se renouvela toute la nuit.
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Car il y a des pensées - et ce sont sûrement les plus de toutes - qui s'effacent sans nous laisser le temps de saisir nettement leurs traits, comme si quelque dieu, parcourant les vertes routes de notre âme, ne faisait qu'entrouvrir la porte de la maison, donnait un regard souriant au foyer, puis repartait pour toujours. Était-ce Apollon, Mercure, ou l'Amour avec ses ailes repliées ? Qui peut le dire ? Mais nous poursuivons notre chemin l'esprit plus léger, et nous sentons la paix et la joie dans nos cœurs.
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Les gens du Monastier s'accordèrent pour me prédire maintes mésaventures grotesques et me menacer de morts subites dans des conditions extravagantes. Sur froid, loups, voleurs et par-dessus tout les mauvais tours de la nuit étai quotidiennement et éloquemment appelée mon attention. Pourtant, dans ces vaticinations, on négligeait l'évident, le véritable danger : comme chrétien, c'est de mon bagage, que j'ai eu à souffrir en chemin. (...) La selle de bât pourra certes n'être point ajustée, telle est l'imperfection de notre vie éphémère : elle pourra assurément glisser et tendre à se renverser, mais il y a des pierres de chaque côté d'une route, et on apprend bien vite l'art de corriger n'importe quel penchant au déséquilibre au moyen d'un caillou bien placé. (...)
J'obtins une banale selle de bât, qui convenait à Modestine et une fois de plus je la chargeai de mon attirail. Le sac replié, mon paletot marin (car j'allais marcher en vareuse), une longue miche de pain noir et un panier sans couvercle qui renfermait le pain blanc, le gigot de mouton et les bouteilles furent accrochées ensemble par une série de noeuds fort perfectionnés et j'en examinai le résultat avec une vaine satisfaction.
Dans un monstrueux chargement de ce genre, le fardeau entier portait sur l'encolure du baudet et rien en dessous ne faisait contrepoids, sur un bât aux sangles neuves qui n'avait jamais servi à l'équipement de l'animal, accroché au surplus par des courroies neuves aussi qu'on pouvait s'attendre à voir s'élargir et se distendre pendant la route, même le touriste le plus insoucieux aurait pressenti une catastrophe imminente.
Ce système perfectionné de noeuds au surplus, était l'oeuvre de trop nombreux sympathisants pour être réalisé fort habilement. Il est vrai qu'ils avaient serré fort énergiquement. Pas moins de trois à la fois, un pied sur l'arrière-train de Modestine, il tirèrent là-dessus grinçant des dents. Or, j'appris par la suite qu'une seule personne entendue, sans le moindre déploiement de force, pouvait faire plus efficace besogne qu'une demi-douzaine de domestiques enthousiastes en transpiration.
Mais je n'étais alors qu'un novice. Même après la mésaventure du bât, rien ne pouvait troubler ma confiance et je franchis le seuil de l'écurie comme un boeuf se dirige à l'abattoir.
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La nuit sous un toit est un temps de mortelle monotonie mais en plein air, sous les étoiles, les heures passent légères avec leur rosée et leur parfum, et chacune d'elles amène un changement dans le visage de la nature. Ce qui est une sorte de mort temporaire pour de gens étouffés entre les murailles et les rideaux, n'est qu'un sommeil aérien et vivant pour l'homme qui repose à même la terre. Toute la nuit, il peut entendre la respiration profonde et libre de la nature ; même lorsqu'elle sommeille, elle a des mouvements et des sourires. Et quel tressaillement, inconnu des emmurés, lorsque le signal du réveil se propage sur la moitié de la terre qui dort dans l'ombre et que les êtres vivants qui peuplent l'obscurité commencent à se dresser sur leurs pieds. Alors, le coq chante pour la première fois, pas encore pour annoncer l'aurore, mais comme une sentinelle joyeuse qui hâte la fuite des heures nocturnes. Le bétail s'éveille dans les prairies, les brebis commencent à brouter les collines couvertes de rosée et cherchent un nouveau pâturage parmi les fougères ; et les hommes qui dorment à la belle étoile, après s'être couchés comme les poules, ouvrent leurs yeux ensommeillés pour contempler la beauté de la nuit.
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La nuit est un temps de mortelle monotonie sous un toit ; en plein air, par contre, elle s’écoule, légère parmi les astres et la rosée et les parfums. Les heures y sont marquées par les changements sur le visage de la nature. Ce qui ressemble à une mort momentanée aux gens qu’étouffent murs et rideaux n’est qu’un sommeil sans pesanteur et vivant pour qui dort en plein champ. La nuit entière il peut entendre la nature respirer à souffles profonds et libres. Même, lorsqu’elle se repose, elle remue et sourit et il y a une heure émouvante ignorée par ceux qui habitent les maisons : lorsqu’une impression de réveil passe au large sur l’hémisphère endormi et qu’au-dehors tout le reste du monde se lève. C’est alors que le coq chante pour la première fois.
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