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Critique de Myiuki


"Rompre le charme" ... Amanda Sthers, une auteure que j'admire, n'aurait pas pu mieux choisir le titre de son roman car, entre elle et moi, le charme est rompu. Moi qui appréciais sa plume hors normes, ses histoires à la fois sensibles et originales, j'ai été on ne peut plus déçue par cet écrit qui se veut, même s'il est imaginaire, "autobiographique", un livre sur la figure de la mère écrit par sa fille. Classique ... je ne m'attendais pas à quelque chose de si banal de la part d'Amanda Sthers. Stupeur ... et tremblements !

J'ai eu énormément de mal à entrer dans l'histoire. En fait, je pense qu'elle m'est restée close, impossible de trouver la clé pour la rendre moins obscure et me donner envie de m'y attacher. Je pense aussi que le style d'écriture adopté par Amanda Sthers joue sur mon ressenti négatif. Son livre, c'est une suite de phrases courtes écrites les unes à la suite des autres comme si l'on suivait le fil de la pensée d'une personne atteinte de déficit de l'attention, on passe d'un sujet à l'autre sans rupture apparente, d'un "je" à l'autre sans qu'on sache si c'est la mère ou la fille qui parle ... je me demande même si par moments ce n'est pas Benoît qui parle. J'ai eu une impression de fouillis plus que prononcée à la lecture. On a le sentiment que les phrases sont jetées sur le papier sans cohérence aucune, sans ordre précis. Je suis certaine cependant que toutes ses superpositions de "je" et d'histoires ont une harmonie quelque part, il ne pourrait en être autrement de la part d'Amanda Sthers, mais j'avoue ne pas avoir trouvé cette douce musique que j'aime entendre habituellement en lisant ses livres, celui-ci m'a donné du fil à retordre, peut-être aussi n'étais-je pas dans les bonnes dispositions pour l'apprécier à sa juste valeur, allez savoir !

Pourtant, on sent que cette écriture a un but. Et certaines des phrases servies par l'auteur sont superbes, elles parlent incontestablement au lecteur et peuvent le toucher. Là, je pense surtout à ce que je qualifie de citations, les phrases "bateau", généralistes, sur les grands thèmes philosophiques qui font notre vie et notre quotidien, là oui ça me parle, en dehors de ça ... je n'ai sans doute pas compris ce que l'auteur voulait faire passer avec ses mots. Dans l'ensemble, j'ai eu le sentiment que toutes ses petites phrases sujet-verbe-complément, guère plus, étaient assénées comme des coups de poing. C'est après tout un texte triste, sombre, violent. Je pense que cette nature-là explique un peu le style de l'ensemble, comme si la narratrice se battait avec l'image de sa mère, et contre sa grand-mère en écrivant ces lignes, c'est elles qu'elle vise. A côté de ça, on a l'idée qu'elle les vomit ces lignes, sans pause, sans prendre le temps de souffler, comme pour arriver à trouver la force d'aller jusqu'au bout. J'ai dans l'idée que ce livre est une métaphore, celle d'un combat, autant pour la narratrice que pour le lecteur et qu'il faut lutter pour le comprendre.

La narratrice nous plonge dans une oeuvre qui se veut intime, presque autobiographique, où elle parle de la "mort" de sa mère qui s'est scindée en deux (maman et Viviane) après le suicide de son oncle, Benoît. Elle évoque aussi la haine de sa mère envers sa grand-mère. Elle parle aussi un peu d'elle, de ses souffrances. Bref, rien de bien joyeux dans ce texte. A ne surtout pas lire en cas de déprime ! Vraiment, dès le départ, l'ambiance est lourde et nous amène à entrer dans un roman noir. La narratrice ressort les cadavres du placard mais dans quel but ? Elle nous explique clairement qu'avec la publication de ce livre elle va perdre sa famille, se brouiller avec tout le monde. Alors, pourquoi revenir sur ces secrets, ces instants douloureux ? A la fin, avec la scène du marathon, ça paraît plus clair. On comprend qu'elle a voulu se purifier, sortir toutes ces sensations qui l'emprisonnaient en les couchant sur le papier pour se sentir peut-être plus légère, plus libre. Un but sans doute louable, il n'est jamais bon de garder de tels poids sur les épaules, mais c'est la manière qui me dérange ...

On a quand même une impression flagrante d'opposition dans ce texte. D'un côté, la narratrice y laisse s'écouler toute la haine qu'elle ressent contre sa mère actuelle, une façade, mais elle laisse aussi y transparaître tout l'amour qu'elle porte à la vraie elle, sa maman, perdue quand elle avait 6 ans. Idem avec sa grand-mère ? Alors pourquoi cet acharnement sur la figure maternelle ? J'ai été aussi intriguée de voir qu'elle revenait sans cesse sur le suicide de son oncle, utilisé comme un prétexte à ce roman. C'est cet évènement qui a tout fait basculer et je comprends parfaitement qu'elle ait besoin d'y revenir. Mais j'ai parfois ressenti ces retours en arrière, ces apparitions fantomatiques, comme une sorte de voyeurisme, choquant, peut-être morbide. de fait, beaucoup de choses intimes nous sont dévoilées et ça m'a semblé se rapprocher plus d'une séance de psychanalyse plus que d'un roman par instants. Dommage ...

Et, étrangement, même si ce roman est censé être sur les personnes qui entourent la narratrice, je l'ai trouvé assez égoïste et plutôt égocentrique. Ce "je" qui ramène tout à lui comme une nécessité. Ce roman comme une sorte d'auto-destruction programmée. Comme je n'ai pas pu m'attacher à ce "je" narratif, même si l'on pressent ses souffrances, ses angoisses, il m'a été impossible d'apprécier son histoire contée tantôt vulgairement, tantôt lyriquement. Pourtant, c'est un livre fort en émotions, on les voit, on sent qu'elles sont toutes là, sous la surface, et qu'il faut juste gratter un peu pour qu'elles nous parviennent ... mais l'envie n'y était pas pour ma part. C'est un livre tellement confus que je l'ai trouvé mauvais. Sans doute parce que ce fut une lecture éprouvante ...

En conclusion, je dirais que c'est de loin le pire roman d'Amanda Sthers que j'ai lu à ce jour. J'ai été déçue par cette histoire que j'ai trouvée peut-être un peu trop "classique" au regard de ses romans précédents. Ce livre n'a pas su me toucher comme j'avais pu l'être par d'autres de son cru. Je trouve qu'elle a perdu ici ce petit plus qui me faisait la considérer comme un auteur de référence de la littérature française contemporaine. Pourvu qu'elle le retrouve avec le prochain !
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