Il est prêté à
Confucius l'intention de faire procéder par le souverain, en première mesure, à la « rectification des noms » (cf. entretiens XIII 3)
Dans notre société contemporaine occidentale,
Confucius aurait un immense chantier avec le vocabulaire utilisé par les économistes et les politiques.
Pour réaliser à bien cette quête, le sage pourrait irriguer sa réflexion avec ce livre de Stiglitz, «
le triomphe de la cupidité », l'auteur, expert de grande renommée notamment par ses missions à la Banque Mondiale, avait déjà largement décrypté dans «
La Grande Désillusion » la faillite et les risques insensés du modèle ultra libéral en 2002, bien avant la chute de Lehmann Brothers
Il y a eu la « Grande dépression » de 1929, il y a la « Grande récession » de 2008, dont on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ainsi que ceux des faits, pratiques, responsables divers (institutions, personnes morales et physiques) liés à cette crise existentielle.
Comme dans le mythe de la caverne de
Platon de « La République », un petit théâtre d'ombres est projeté sur les parois des esprits pour travestir la réalité et maintenir les pensées dans les apparences et l'obscurité.
Dans son essai, Stiglitz constate le grand écart entre ce qui devraient être les missions essentielles du système bancaire : le financement de l'économie réelle, de ses acteurs économiques, états, entreprises et particuliers, la fourniture des moyens de paiement efficaces et enfin la gestion responsable des risques de ce secteur d'activité.
Or depuis les années 90, il est apparu que les rémunérations des établissements financiers, pour ces missions traditionnelles ne satisfaisaient plus les appétits de ces professionnels, tout au moins de ceux possédés par la fièvre de la richesse. En revanche, les rémunérations des transactions des nouveaux produits financiers spéculatifs garantissaient des niveaux beaucoup plus substantiels et ce sans risque.
Ce monde de la finance a ainsi développé des armes de destruction massive faisant prendre à l'ensemble de la société des risques insensés.
La titrisation est l'une d'entre elle, le principe étant que celui qui met sur le marché le produit financier et le premier acheteur n'assument pas le risque que l'on s'empresse de revendre à son voisin. C'est une nouvelle version du jeu de la dame de pique ou plutôt de la roulette russe car très rapidement la diffusion massive de ces produits toxiques, conjuguée avec leur dissimulation dans les comptabilités annexes ou complètement off shore, via des filiales exotiques, rendent extrêmement difficiles la connaissance de l'état de la toxicité des produits financiers détenus par un acteur. Force est de constater, au moins sur ce point-là, que l'analyse de Stiglitz demeure d'actualité, C'est ainsi qu'aujourd'hui la Deutsche Bank, neuf ans après le déclenchement de la crise, fait toujours courir un risque majeur au systême comme Lehmann Brothers et d'autres en son temps.
Un autre effet pervers repose sur le principe « too big to fail ». Autrement dit, la banque est trop importante et sa faillite déclencherait une sorte de tsunami ; l'Etat doit intervenir pour sauver la banque. Cette socialisation du risque pour rattraper les erreurs des fanatiques du marché et de l'individualisme forcené ne manque pas de piquant.
Il reste que pour le citoyen la facture est salée et scandaleuse. Aux Etats Unis, neuf établissements financiers ont perçu 175 milliards de $ dont 33 immédiatement reversés sous forme de primes aux dirigeants de ces établissements.
Pour Stiglitz deux mesures, entre autre, s'imposeraient.
En premier lieu, il conviendrait de procéder au démembrement de ces établissements « trop grands » pour faire faillite et pour être restructurés, c'est-à-dire revenir à l'esprit du Glass Steagall Still Act abrogé en 1999. Cette loi fut mise en place en 1933 lors de la grande dépression pour séparer l'activité de banque de dépôt et d'affaires et ce afin d' empêcher que la faillite d'une banque d'affaire, à la suite d'activité spéculative, ne gangrène l'économie réelle par un effet de domino infernal.
Une autre mesure consisterait à instaurer des systêmes de rémunération à plus long terme et d'indexer le montant des bonus aux véritables résultats des prestations. Ce principe serait un garde-fou contre la prise de risque irrationnelle.
L'ouvrage est d'une lecture facile, eu égard au sujet, abstraction faite de sa densité ; le propos est très argumenté et très stimulant.
Il était question de théâtre en introduction ; cette pièce-là relève de la tragédie grecque et aussi du roman de
Georges Orwell «
1984 ». Dans ce roman, le héros travaille au « ministère de la Vérité » avec comme mission de participer à la réécriture permanente de l'histoire, afin qu'elle corresponde au discours du Pouvoir.
Actuellement, les économistes de la pensée dominante refusent le débat historique, sont dans le déni et s'arcboutent sur leurs modèles mathématiques, oubliant au passage que lesdits modèles excluaient la possibilité de crise majeure.
Tragédie grecque également, comme dans
Euripide, afin que les vents soient cléments à la flotte de la coalition contre Troie il faut sacrifier Iphigénie….Aujourd'hui pour obtenir les vents cléments des « marchés », de Bruxelles, il faut aussi des « sacrifices »…
C'est tout le mérite de Stiglitz au-delà de la présentation factuelle et détaillée de cette crise, de (re)donner une dimension historique aux enjeux actuels, d'apporter une contribution puissante à la démystification des idéologies