Ceci est ma ferme

Vu de cet endroit, le Geule est indubitablement plus beau et plus idyllique qu'autrefois. Et pourtant, quelque chose me taraude. A un bon kilomètre d'ici, se trouvent une douzaine de panneaux qui signalent pourquoi nous devons attribuer une telle valeur à cette région; ils indiquent ce qu'il faut regarder et expliquent ce qu'on voit. Leur présence fait de moi un passant, un spectateur, et du paysage un décor, comme dans un film de Disney. La nature n'est plus une chose commune, extérieure à nous, livrée à elle-même. Maintenant, elle est entre les mains d'un conservateur.
Plus il y a de panneaux, plus la nature perd en pouvoir de fascination. Quelle dose de magie l'homme et la nature peuvent-ils supporter de perdre?

Il se peut que les gens ne voient pas la valeur de patrimoine historique et culturel des derniers polders de l'Escaut. Il se peut que l'agriculture n'ait pas toujours fait preuve d'intelligence dans son rapport à la nature. Mais quelle est cette vision d'une nature dont l'homme ne ferait pas partie, mais lui serait plutôt étranger ?

Nous étions tous fiers de notre ferme et aussi du tas de fumier qui en constituait le centre et qui en imposait aux autres fermiers. Plus il y a de fumier, plus il y a de vaches dans l'étable, plus il y a de fruits dans le verger. "Le fumier est le Dieu de l'agriculture", disait-on et écrivait-on. Et aussi : "Sans fumier, tout part en fumée."

Mais quelle est cette vision d’une nature dont l’homme ne ferait pas partie, mais lui serait plutôt étranger?