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Critique de LaSalamandreNumerique


Je réalise ce commentaire dans le cadre d'une masse critique et remercie donc les presses universitaires du midi pour m'avoir fait parvenir cet exemplaire d'un ouvrage somme toute fort stimulant par ailleurs.
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Sur le plan physique ce livre est un peu encombrant pour une lecture nomade (21*15*1.3 centimètres) mais reste léger et plaisant à tenir. La première de couverture annonce assez bien les points forts mais aussi le principal point faible (selon moi) de l'ouvrage en mettant en avant la photographie d'une jeune femme blonde au physique avenant regardant derrière elle une série de lumières bleues évoquant un vague concept scientifico-informatique relativement indéfinissable. La quatrième de couverture présente un ouvrage « à la croisée du théâtre et de la philosophie des sciences et de la vie », la pièce posant « la question de l'émergence de la conscience dans la matière vivante ». le prix est de 13€.
L'ouvrage comprend 191 pages dont 24 d'introduction (enrichissante mais que je conseille plus de lire après la pièce elle-même). le texte de cette dernière se décompose en 2 parties puisque la page de gauche est réservée à l'anglais et celle de droite à la traduction française.
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Cet ouvrage est une gageure puisqu'il prétend rien moins que de présenter sous une forme théâtrale une réflexion scientifique poussée sur la question de la survenue de la conscience au sein des êtres humains tout en analysant simultanément des questions éthiques comme celles de l'abandon d'enfant, philosophiques et même métaphysiques (Hilary, le personnage central, étant croyante). Nous allons aussi trouver des réflexions sur l'altruisme (un des éléments centraux du débat), la génétique, le matérialisme, la bonté, la science, les miracles, les probabilités, l'argent, les hormones…

Sur un plan pratique 10 personnage vont échanger des réflexions sur ces thématiques en convoquant divers éléments scientifiques ou culturels comme :
- En littérature Shakespeare (Hamlet), Keats, Wordsworth, Steinbeck. Nous sommes ici un peu dans la lignée de Huxley et du meilleur des mondes.
- En peinture Raphaël (vierge à l'enfant)
- En science le dilemme du prisonnier, le partage de sang de chauves-souris vampires, les vers de cerveaux, l'expérience de Milgram sur l'autorité (utilisée mais non citée comme référence)…
- L'amour au sein de couples comme maternel
- La religion.
C'est très intéressant car très riche et divers. D'une certaine façon nous avons en lisant l'impression de nous trouver au sein de vies d'intellectuels new-yorkais filmés par Woody Allen lors de sa période Bergman. Pour autant c'est aussi le côté un peu agaçant de la chose.
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J'aurais tendance à reprocher dans un premier temps une forme d'intellectualisme facile et assez commercial au mauvais sens du terme. Les références explicitées au-dessus sont toutes dans le « bagage classique de l'honnête homme de ce début du XXIe siècle ». J'avais parfois l'impression que l'auteur voulait me démontrer combien j'étais brillant et cultivé. Ce peut être lu avec le sourire mais aussi perçu comme un peu pédant et facile.
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Plus dérangeant encore, en mobilisant tant d'éléments en si peu de lignes chaque notion est caricaturée voire, dans certains cas, utilisée à contresens. Par exemple Brachylecithum mosquensis est plus souvent mangé par un oiseau que par une fourmi et, surtout, situer le niveau pertinent pour parler d'altruisme à l'échelle de l'insecte et pas de ses gènes est très discutable par qui a lu Dawkins. Globalement l'entremêlement de ces divers apports est fort peu compréhensible pour qui ne maîtrise pas ces savoirs mais assez vide aussi pour qui en a une connaissance autre que superficielle.
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Enfin il y a quelque chose de réellement agaçant à mobiliser tant d'auteurs et de connaissances diverses pour enfoncer des portes ouvertes du type : la conscience ne se résume pas à un super-ordinateur, l'abandon d'un enfant pose des problèmes de conscience, l'amour compte, la science seule n'est pas conscience, Dieu et la philosophie apportent d'autres réponses à la question de la conscience que la science… J'avais envie de dire parfois « Tout cela pour ça ! ». Et que dire de la trajectoire somme toute facile et assez pauvre de Hilary, sans doute destinée à favoriser une adhésion affective d'un public plus large ?
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Je n'ai rien appris sur la question de la conscience ni découvert de nouveaux axes de réflexion sur le sujet au final. C'est ma plus grande déception au sortir de cette lecture.

Après avoir été somme toute très critique précédemment ma note peut sembler assez élogieuse. Je la justifie pour les raisons suivantes :
- Cet OVNI est quand même un pari très audacieux et, si je n'estime pas qu'il atteigne tous ses objectifs, il reste fort stimulant.
- le texte, rythmé et agréable, doit être très plaisant à voir joué.
- Dans la même logique les ressorts théâtraux sont bien conçus et les différents personnages, bien campés, sont agréables à suivre le long d'un récit assez habilement construit. Comme pièce de théâtre c'est un travail que je trouve impressionnant.
- L'ouvrage, en associant anglais et français, peut servir d'outil linguistique. Par ailleurs la présence du texte anglais permet de profiter de certains aspects que la traduction, même très bonne, peine à restituer totalement.
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Je ne conseille pas donc cet ouvrage à qui veut réellement réfléchir profondément sur le problème de la conscience. Selon les penchants de chacun je suggère alors un ouvrage de vulgarisation (Harari par exemple), un livre scientifique, une approche philosophique ou la lecture de textes sacrés.
En revanche pour qui a une certaine culture générale et a plaisir à retrouver diverses références associées ce peut être distrayant. La pièce est très bien construite, les personnages assez vivants et le fait de pouvoir lire ce texte en français et/ou en anglais est clairement un enrichissement.
J'aimerais par ailleurs non la lire mais la voir mise en scène.
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