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Nadine Gassie (Traducteur)
EAN : 9782367345277
320 pages
Au Vent des Iles (22/08/2023)
4.5/5   8 notes
Résumé :
Avec Visitants, Randolph Stow a remporté le Prix Patrick White, le Nobel australien, en 1979. Ce roman brillant, à la construction narrative audacieuse, est d'une Modernité absolue. Il parle des tourments humains, aussi bien à l'échelle individuelle que collective, avec une force et une intelligence vertigineuses, et les descriptions de l'environnement naturel ne sont pas en reste. Loin d'être un simple décor, il participe à la narration, il est un coeur palpitant, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Un roman déstabilisant. C'est le seul terme que je trouve pour parler de cet objet littéraire qui m'a tenue en éveil des jours durant - il n'est pourtant pas bien long - et qui m'a entraînée dans les tours, les détours, les spirales d'une bien étrange histoire.
Ou de plusieurs. Car le récit de Randolph Stow se partage entre plusieurs voix, comme un chant polyphonique. La voix d'hommes blancs, la voix d'hommes noirs. Des femmes, aussi. C'est que la situation est inextricable, et chacun a son point de vue.
Nous sommes à la fin des années 1950, sur l'île de Kaliuana, archipel des Trobriand. Chez les Papous, pour faire simple. Sous tutelle australienne, pour compliquer un peu les choses. Alistair Cawdor et son stagiaire fraîchement débarqué, Tim Dalwood, viennent faire le tour des villages locaux pour le compte de l'administration. Logés chez un vieux planteur, MacDonnell, ils vont inspecter les alentours, recueillir les doléances des autochtones, prendre la température de ce bout de terre au bout du monde.
La fièvre, voilà ce qui les attend. Car le vieux chef local est un rusé renard, qui s'accroche au pouvoir tant qu'il le peut et contrarie les plans de son neveu, son successeur naturel, pour favoriser un homme étrange venu d'on ne sait où. Un homme aux yeux immenses, qui vous fixe comme s'il voulait vous jeter un sort. Et puis il y a cette rumeur insistante, qui parle d'autres visiteurs encore que les dimdims, les hommes blancs. Des visiteurs venus des étoiles. Quelque chose de terrible se prépare, en tout cas. N'a-t-on pas retrouvé les pierres sacrées déplacées de leur arrangement coutumier ? La peur transpire de tous les témoignages. Même la jeune servante du planteur, habituellement insouciante, commence à ressentir un malaise persistant. Cawdor lui-même, qui a pourtant une longue habitude des tribus et de la politique locale, s'y perd quelque peu; alors que dire de Tim, qui multiplie les bévues par ignorance des coutumes ? Et l'assistant papou qu'ils sont contraints de traîner à leur suite ne leur facilite pas les choses, avide qu'il est de la moindre parcelle de pouvoir ...
Au total, on est désorienté autant que ces visiteurs , et l'on ressent un sentiment d'urgence qui croît inéluctablement, doublé d'un sentiment d'impuissance, jusqu'au tragique dénouement.
Une grande histoire au total, magistralement racontée, et qui a valu un prix bien mérité à son auteur.

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Vertigineux, incontournable. Ouvrez-le, lisez-le, plus rien ne sera comme avant cette lecture polyphonique.
Les voix annoncent, dévoilent l'idiosyncrasie d'une île de Papouasie, celle de Kailuana, australienne. Les habitus, les étoiles dans les yeux, les battements d'ailes d'une île empreinte de force, de ténacité, de courants d'air et d'évènements qui vont tout brusquer.
On aime l'aura d'Alistair Cawdor. Cinq témoins sont interrogés par l'administration coloniale. Apprendre le nom : Alistair Cawdor. Dévoiler cet homme emblématique. Chacun (e) apporte sa pierre à l'édifice. du sable en main qui va s'écouler. L'épars d'une vie entre leurs lèvres. le rideau se lève sur un récit d'une beauté inouïe, doux et triste. Intransigeant de par son style, magnifique et engagé, précieux et inclassable. La poésie comme un chant triste. le déroulement de la vie d'Alistair Cawdor et tout ce qui a contré ou enchanté cette île d'une fraternité exemplaire. Un homme debout. Une figure inestimable et érudite. Un être épris de valeurs. Des myriades de délivrances. D'aucuns somment. Tous dévoilent une île et ses risques et complications. Jusqu'à cette machine-étoile aperçue en pleine voûte lactée et qui a dévoré trois des leurs. Serait-ce un mythe ? La vérité ? Une métaphore ? La trame est époustouflante.
« La lumière tombe à travers les persiennes, toute verte de feuilles. La piste de ses pas brille sur les nattes. Si tu ne savais rien de cette maison, tu saurais quelque chose de lui par ce scintillement. Tu dirais : il y a quelqu'un ici qui marche, marche entre les persiennes ».
La narration est un parchemin. L'imprévisibilité de l'advenir. le temps présent tiré au cordeau. Les voix chorales sont des fleurs qui s'entrouvrent subrepticement. Les parfums comme des illusions. La beauté comme point fixe. Alistair Cawdor, par lui tout arrive. L'électrochoc des dires et Randolf Stow élève ce macrocosme verbal avec une maîtrise au paroxysme des possibilités. L'art majeur et les connaissances exquises de cette île sont ici souffle réel et d'une valeur spéculative. L'île est l'épicentre de ce récit fabuleux et protégé, comme un parc naturel classé. Les rémanences des paroles annonciatrices sont un chant méconnu des lecteurs. On est sonné sous le charme et cette capacité extraordinaire (c'est bien le mot), d'écriture.
C'est le culte qui retourne le sablier. Magistral et dans cette temporalité, chère à la littérature. « The Visitants » est un chef-d'oeuvre indescriptible. Ce serait le trahir que de dire son poids immense sur nos vies. Julian Randolf Stow a publié ses premiers poèmes à l'âge de six ans. Il reçoit une deuxième Médaille d'or de la Société littéraire australienne, ainsi que le Miles Franklin Award : prix littéraire le plus prestigieux d'Australie. Il est salué par la critique comme « le plus invisible des grands romanciers australiens du XXe siècle ».
« The Visitants » est salutaire. L'épiphanie d'une île et de ses hôtes. Époustouflant, il est une chance éditoriale hors norme. Traduit à la perfection par Nadine Gassie. L'introduction par Drusilla Modjeska « Ils apportent leurs quelques-choses » est apprenante. On aime retenir cette dédicace d'Alistair Cawdor sur un livre « Histoire de la conquête du Mexique » laissé pour Dalwood avant son suicide : « Ne regrette rien. Tout ira bien, oui, toutes sortes de choses iront bien ».
Le génie littéraire !
Publié par les majeures éditions Au Vent des îles.
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Voici un étrange voyage proposé par Babelio et les éditions Au vent des îles, je les en remercie. Étrange, car le texte devient assez rapidement envoutant, peut-être cela est dû au principe particulier de la narration, à l'atmosphère envoutante, aux personnages très singuliers. Quoi qu'il en soit le sentiment d'être hypnotisé est là. Dans cette Papouasie, colonie australienne de la fin des années 50, le monde de l'homme blanc est encore entouré de mystère pour le papou. Pourtant, on sent percer les premiers signes qui mèneront certainement à l'indépendance.

Au-delà de l'écriture, Randolph Stow, a une belle idée, faire raconter des faits par différents individus, mais il touche au génie quand ces points de vue sont apportés par le colon et le colonisé. Cinq témoignages vont se croiser sur les journées qui précédent le décès d'Alistair Cawdor, un officier, représentant le gouvernement sur l'île de Kailuana. Les cinq personnages, un planteur blanc, Saliba sa domestique, l'élève officier Dalwood, l'interprète officiel Osana et Benoni, l'ambitieux papou héritier de l'île, vont être auditionnés.

Dès le début du roman, une ambiance moite et oppressante imprègne le lecteur jusqu'au trouble entre réalité et mythe. Randolph Stow, décrit avec des passages magnifiques l'environnement naturel de ces îles et aussi subtilement les caractères des personnages. Même si le roman n'est pas forcément facile à appréhender dès le début, avec des textes comportant des termes papous, on se laisse porter par la musique des mots.

Enfin, qui sont ces mystérieux visiteurs qui hantent les îles, des hommes des étoiles, les hommes blancs ou des fantômes ? Sans la proposition de Babelio et des éditions Au vent des îles, je n'aurais pas découvert cette oeuvre totalement hors normes.

❓Connaissez-vous d'autres romanciers australiens ?

Lien : https://jmgruissan.wixsite.c..
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C'est encore une fois une aventure dépaysante que nous proposent les éditions Aux vents des îles , avec une enquête sur une reculée l'île de Papouasie, appartenant encore à l'Australie, afin de faire la lumière sur le suicide d'Alistaire Cawdor.

Cinq voix, cinq témoins se relaient afin de reconstituer les événements et les mystères des jours précédents ce tragique événement.

Une construction narrative originale qui permet d'étudier différents points de vue, sur l'environnement naturel flamboyant, mais aussi sur les différentes relations, les tentions, les secrets, les non-dits entre les différents protagonistes. Ce livre tisse avec brio les liens culturels et sociaux qui divisent et qui rassemblent les colons et les autochtones.

Une île envoûtante tant dans l'éclat de sa flore et sa faune local, que dans ses traditions, son langage propre fidèlement restitué, que dans la force de ses personnage, notamment de cet Alistair Cawdor, personnage central de cette histoire, qui telle une étoile flamboyante ébloui ceux qui croisent sa route tout comme le lecteur.

Il faut aussi vous parler de cette étrange machine-étoile, objet non identifié aperçu par une quarantaine d'habitants de l'île... Est-ce une piste à envisager, une diversion, une métaphore...

Un livre incroyablement construit, envoûtant, déconcertant, profondément humain tout en restant proche de la nature, un roman polyphonique d'une modernité incroyable (écrit en 1979) que fait revivre pour nous les éditions @ , maison d'édition qui fait ressurgir du passé comme elle fait nous offre, ces voix océaniques accompagnées de toute leur culture.
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Randolph Stow est un auteur pratiquement inconnu en Europe alors que c'est un auteur culte en Australie. Il a remporté le prestigieux Prix Patrick White en 1979. Ce prix a été créé par Patrick White à l'issue du prix Nobel qu'il a reçu en 1973. Il récompense un écrivain pour l'ensemble de sa carrière mais dont l'oeuvre n'a pas été suffisamment reconnue.

Grâce à son parcours professionnel, Randolph Stow a pu approcher de près les cultures autochtones de Papouasie, au point d'apprendre leur langue, le kiriwina. Ce roman témoigne d'une grande sensibilité et de bienveillance à l'égard de ce peuple, ainsi que d'une volonté de rendre compte de leur structure sociale sans l'aseptiser ni la caricaturer.

Deux officiers du district d'Osiwa, sur une île reculée du Pacifique, doivent aller à la rencontre des différents villages dans les îles alentours pour effectuer un recensement. le plus aguerri, Cawdor, doit initier la nouvelle recrue, Dalwood. Cawdor connaît déjà tout le monde et assume son rôle de représentant du gouvernement tout en entretenant des relations cordiales voire amicales avec les Papous.

Dalwood est plutôt chien fou, excité par cette nouvelle aventure. Il doit encore apprendre les codes, manque souvent de tact. Mais rapidement, il est fasciné et intéressé par la culture indigène. Il n'a que dix-neuf ans et on sent qu'il fera un très bon agent, sachant se faire respecter tout autant qu'il respecte les Papous.

Une ombre au tableau cependant : Cawdor s'est suicidé. Tout le roman raconte les jours qui ont précédé ce tragique évènement. Cinq voix témoignent tour à tour, apportant leur éclairage sur les faits et sur l'atmosphère. Il y a les Blancs (dimdims) Dalwood et Macdonnell, un planteur installé depuis si longtemps qu'il fait partie du décor. Osana, le traducteur. Et Saliba et Benoni, deux Papous. Salina travaille pour Macdonnell et a un caractère de feu. Quant à Benoni, il est pressenti pour remplacer son oncle en tant que chef, mais des querelles intestines risquent de compromettre son avenir.

The visitants touche aussi à une croyance autochtone, le culte du cargo, qui tend à penser que des biens vont arriver, à l'instar des cargaisons immenses des blancs arrivées comme par magie, grâce à des rites. Il y a même une église avec un aviateur suspendu, ce qu'on peut trouver chez certains peuples païens. Les visiteurs qui donnent son titre au roman sont ces blancs, ces étrangers, mais aussi des visiteurs venus du ciel, car il semblerait qu'un objet volant non identifié avec des êtres visibles à bord survole parfois les plages de l'archipel.

Il n'est pas évident de rentrer dans le roman mais une fois la phase d'acclimatation passée, on est totalement aspiré par le souffle épique vertigineux, extrêmement dépaysant. Grâce à son attrait sincère pour la culture indigène, Randolph Stow parvient à créer une histoire qui nous ancre dans ce coin du monde, avec ses différences, ses particularités. L'emploi de la langue kiriwina et de ses expressions, utilisées avec une régularité qui nous les rend familières, est habile et colore agréablement le récit, lui donne encore plus d'authenticité.

Il y a vraiment de tout dans ce roman : une excellente intrigue, une polyphonie admirablement orchestrée, une écriture savoureuse, des personnages charismatiques et attachants malgré eux.

C'était une lecture magnifique, qui m'a totalement transportée et conquise. Une lecture d'autant plus marquante que je ne m'attendais pas à un tel coup de coeur.

Bravo et merci aux éditions polynésiennes Au vent des îles pour ce bel ouvrage qui me donne envie de poursuivre ma découverte de leur catalogue.
Lien : https://lejardindenatiora.wo..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Un souffle de vent a balayé la coursive au moment où je me détournais de la porte, apportant avec lui tous les parfums du matin : la mer et l’herbe, les poules et les fleurs de frangipanier, les feuilles qui dégagent toutes les odeurs possibles entre foin et vanille. Sur la véranda, j’ai empli mes poumons de cette senteur sucrée-salée de l’île après l’aube. J’ai pris ma place à la table au bord de la véranda et cherché des yeux en contrebas, à travers les rudes feuilles d’un papayer claquant au vent, le lagon étincelant et l’igau immaculé qui allait nous emmener à travers toute cette fraîcheur vers une fraîcheur renouvelée.
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C’était seulement les yeux. Dieu sait qu’il n’avait pas grand-chose de plus pour lui. Une crevette d’homme d’âge moyen, avec une tignasse de boucles noires, en vieux short de l’armée si élimé qu’on pouvait voir le cache-sexe en fourreau d’aréquier qu’il portait en deuxième ligne de défense. Mais tellement immobile, comme s’il n’avait pas bougé depuis des heures. Et quand il a ouvert la bouche et que j’ai vu la noix de bétel sur ses dents et su qu’il allait me parler, j’ai eu très peur un instant, comme on peut avoir peur des bruits de la nuit même si on sait qu’on croit pas aux esprits.
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