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EAN : 9782211302203
Globe (21/04/2021)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Dans la tradition juive, on dit qu’un être humain meurt deux fois. La première lorsque son cœur cesse de battre et que son cerveau s’éteint, la seconde quand son nom est prononcé, lu ou pensé pour la dernière fois. Pour lutter contre l’oubli, des « pavés de mémoire » portant chacun le nom gravé d’une victime des nazis, ont été scellés partout en Europe, en face de leur dernier domicile.
L’un d’eux, à Trondheim, en Norvège, porte le nom de Hirsch Komissar, as... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

+++++ CONTINUE À RAPPELER LEURS NOMS +++++

Telle est le titre de la version néerlandaise du roman du jeune auteur norvégien, Simon Stranger, 43 ans. Quelque part, je l'ai préféré à la traduction de la version originale : "Leksikon om lys og mørke" ou Lexique de lumière et ténèbres. Je trouve que "Continue à rappeler leurs noms" témoigne davantage de sollicitude à l'égard des victimes du passé.

L'auteur, né et vivant à Oslo avec son épouse Rikke et leurs 2 enfants, est diplômé en philosophie et histoire des religions. Jusqu'à présent il a écrit 10 livres dont 2 ont été traduits en Français : "Barsakh" en 2015 et "Le poing levé" en 2019. Certains de ses ouvrages sont traduits en Arabe, Coréen, Japonais et Kurde.
Le livre commenté ici a reçu le prix norvégien 2018 de la meilleure vente. Logiquement, une version française devrait intervenir relativement vite.

"Continue à rappeler leurs noms" s'inscrit aussi parfaitement dans la logique de la tradition juive qui considère qu'un être humain meurt 2 fois : la première fois lorsque son coeur s'arrête de battre et les activités cérébrales cessent ; la seconde fois lorsque le nom d'un mort est pour la dernière fois pensé, prononcé ou écrit.

C'est dans cet esprit que l'artiste allemand, Gunter Demnig, né à Berlin en 1947, a inventé ce qu'il appelle des "Stolpersteine" ou des pierres d'achoppement, c'est-à-dire des pavés de béton ou métal de 10 centimètres enfoncés dans le sol et dont la face supérieure est formée d'une plaque en laiton pour honorer la mémoire d'une victime des nazis. À présent 67.000 de telles pierres ont été placées dans différentes villes européennes.

Cela a été le cas à Trondheim (une ville au centre de la Norvège) avec la pierre commémorative d'Hirsch Komissar, né en 1887, arrêté le 12-1-1942 et tué le 7-10-1942. Ce Hirsch, était juif et le grand-père de la belle-mère de l'auteur.
Cher Hirsch, je vais donc essayer de reculer ta deuxième mort, ajoute l'auteur en se posant la question, comment comme père, il peut expliquer à ses enfants cette haine des Juifs ?

Une façon consiste à raconter la vie et "l'oeuvre" du pire collaborateur que la Norvège, sous occupation nazie, a connu. le bonhomme s'appelait Henry Oliver Rinnan. Il a été à la tête d'une bande de véritables criminels, surnommée la Bande à Rinnan ou la Division Spéciale Lola ( "Sonderabteilung Lola"). 41 membres du gang, responsables de la mort de plus de 100 résistants et autres malchanceux, ont été condamnés après la guerre et 10 se sont retrouvés en 1947 devant un peloton d'exécution, parmi lesquels Rinnan lui-même, qui avait 31 ans. Il avait aussi une sale tronche, comme vous pouvez le voir sur les photos d'Internet.

Simon Stranger ne nous livre pas un récit strictement chronologique, susceptible de devenir monotone, mais alterne les différentes périodes : de l'invasion nazie de la Norvège, en passant par l'occupation, la libération et l'après-guerre jusqu'au jour présent.
Il a fait l'effort d'un authentique historien en interrogeant sa belle-mère Grete Komissar et sa fille Jannicke, de témoins survivants et en épluchant plein d'archives, notamment celles du "Jødisk Museum". Sans oublier plusieurs ouvrages et romans sur la période de guerre, mais publiés hélas uniquement en Norvégien.

Ce choix de procéder ne rend pas seulement le récit plus captivant, mais permet également de mieux expliquer la spécificité de la Scandinavie en 1940-1945, avec une Suède neutre et le Danemark et la Norvège occupés par la peste brune.

Ainsi, le dégoûtant personnage d'Henry Oliver Rinnan nous est présenté d'abord comme un pauvre gosse de parents pauvres, qui souffrait surtout du fait qu'il ne mesurait que 161 centimètres, ce qui le rendait la risée à l'école et l'excluait des activités sportives. Les filles, qui le dépassaient d'une bonne tête l'évitaient les soirées de danse et le môme rêvait en vain d'une copine, genre Greta Garbo.

De la frustration initiale nous évoluons progressivement par la jalousie, la hargne et l'esprit de vengeance vers la cruauté à l'état pur, celle des tortures épouvantables appliquées sur les résistants, Juifs, Gitans, homosexuels etc., dans les caves de la villa, située Jonsvaunsveien 46 à Trondheim.

Et c'est dans cette maison (voir la photo de couverture) que Grete Komissar, la mère de Rikke Stranger, est née et a vécu jusqu'à ses 7 ans. Dans ces horribles caves, où eurent lieu les tortures, et sans le savoir bien sûr, la belle-mère de l'auteur a, ensemble avec sa soeur aînée Jannicke, organisé des petits spectacles pour enfants.

L'ouvrage compte 366 pages et chaque chapitre a comme titre une lettre de l'alphabet, d'A à Z, et - en Norvégien - après le Z, ils restent Æ, Ø et Å.

La version néerlandophone, sortie seulement le 19 mars 2019, s'est déjà vendue à plus de 50.000 exemplaires. Ce qui ne m'étonne nullement car l'ouvrage présente une page d'histoire peu connue dans nos contrées, est accompagnée d'une histoire personnelle véridique et est raconté par un auteur qui est en train de devenir un des écrivains les plus populaires au nord de notre continent.
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Dans la tradition juive, une personne meurt deux fois : la première fois lors du décès physique, la deuxième fois le jour où l'on cite son nom pour la dernière fois. Pour éviter cette deuxième mort, l'artiste Gunter Demnig a créé des plaques en bronze sur lesquelles les noms et prénoms des victimes du nazisme sont inscrits. Ces plaques sont ensuite scellées telles des pavés, sur le trottoir, face à leur habitation. Ainsi, ces personnes ne disparaissent jamais complètement... Il en existe 67 000 à travers l'Europe.En Norvège, à Trondheim, il y en a une au nom de Hirsch Komissar, l'arrière grand-père de l'épouse de Simon Stranger, auteur de ce roman.  Lors d'une promenade, à la lecture de la plaque, ses enfants s'interrogent sur cette partie de l'histoire. Il décide alors d'effectuer des recherches pour mettre à jour la manière dont cet aïeul a été arrêté et pour quelles raisons. S'ensuivent alors 26 chapitres, chacun ayant pour en-tête une lettre de l'alphabet. Les mots renvoient alors une anecdote, un passage de l'histoire familiale des Komissar, un fait historique relatif à la Seconde Guerre mondiale en Norvège, mais aussi à l'histoire personnelle de Henri Rinnan, petit garçon complexé devenu un des plus grands tortionnaires du pays, collaborateur traquant les résistants Norvégiens.Lors de ses recherches, Simon découvre notamment que Gerson, le fils de Hirsch s'installera en 1948 dans la maison ayant servi de quartier général à la bande de Rinnan...
C'est une superbe lecture, intéressante, à la construction originale,mélancolique et effrayante.Je me suis sentie très proche de cette famille et j'ai ressenti toute la dichotomie entre le devoir de mémoire et le fait de tourner la page, pour avancer.
Cela m'a replongée dans mes souvenirs... Il y a quelques années, j'ai visité Cracovie et nous avions loué un appartement en plein ghetto. Tout, dans les rues, les bâtiments, transpirait cette époque et c'était assez bouleversant. Lors d'une promenade à vélo à l'extérieur de la ville, nous sommes passés dans un quartier résidentiel au milieu duquel, entre des maisons pavillonnaires, se trouvait la maison d'Amon Göth (cf La liste de Schindler), et j'ai été troublée ( voire bouleversée) de voir que rien n'était mentionné sur ce qu'il s'était passé dans cette maison... La maison était fleurie et entretenue, il y avait un panneau "A vendre"...
Se souvenir ou tourner la page?  Voilà ce que soulève aussi cette lecture.
La construction est vraiment originale, c'est un dictionnaire de l'histoire familiale des Komissar et de l'Histoire de la Norvège résistante et collabo. Tout est très documenté, sur le fonctionnement de la résistance en Norvège, sur la politique de l'époque, les projets hitlériens pour la Norvège ( dont je n'avais jamais entendu parler...) et sur l'histoire de cette famille meurtrie par l'exécution de l'un des leurs.

Simon Stranger réussit à nous immerger dans cette époque, dans cette famille, dans ce pays blessé par la guerre et ses habitants terrorisés à l'époque puis hantés de nos jours, par ce monstre de Henri Rinnan...

Ce fut une très belle lecture, que je ne suis pas près d'oublier.



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Julius Paltiel
Hirsh Komissar
Ralph Tambs Lyche




N'oubliez pas leurs noms, comme un mantra. Les énoncer, les dire et y penser.

En Norvège, et un peu partout dans le monde, il y a cette culture du souvenir, que ce soit grâce à des stèles commémoratives ou des plaques en bronze disposées sur les trottoirs. Après la deuxième guerre mondiale, ces pièces ont été beaucoup plus nombreuses, hommage aux victimes juives norvégiennes.
Une partie de la famille de la femme de Simon Stranger en a fait partie et l'auteur va remonter le fil du temps pour raconter l'histoire d'Hirsh Komissar, arrêté car suspecté de résistance mais aussi, une autre histoire, et c'est tout aussi intéressant, d'un homme banal qui devient pendant la guerre un agent double engagé par les nazis pour traquer les résistants.

Au fil de ses recherches, Simon se rend compte que les destins sur lesquels il est en train d'écrire sont profondément liés. le livre, écrit à la manière d'un abécédaire, pousse l'histoire au plus profond de l'être humain, dans ce qu'il a de plus dangereux et de plus redoutable.

Savoir que cet homme, Henri Rinnan, a effectivement existé, qu'il a torturé pendant des années des prisonniers dans la cave de sa maison, m'a énormément marquée. Si l'auteur use de la fiction pour imaginer quelques dialogues et quelques situations, le reste a été rapporté de survivant.e.s mais aussi des recherches de l'auteur à Oslo.

Les Éditions globe ont à coeur de mettre entre nos mains des récits toujours plus forts et c'est souvent des lectures qui me touchent.
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critiques presse (1)
FocusLeVif
09 janvier 2022
Dans un lexique tragique, Simon Stranger expose l'histoire de sa belle-famille juive et lève le voile sur un pan de la collaboration norvégienne.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
L comme Lisbonne, le massacre de Lisbonne perpétré en 1506, lorsqu'une meute de chrétiens s'en est prise à la population juive de la ville, les rendant responsables d'une longue période de sécheresse et de mauvaises récoltes. Traqués, arrêtés, assassinés, brûlés, les Juifs de Lisbonne ont trouvé la mort en quasi-totalité au cours de quelques journées d'avril durant lesquelles environ deux mille personnes ont été tuées.
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Le 6 octobre 1942, sur la grande-place de Trondheim, le Reichskomissar Josef Terboven déclare l'instauration de la loi martiale. Il est interdit de quitter son domicile entre 20h et 5h du matin, durée du couvre-feu. Les cinémas resteront fermés jusqu'à nouvel ordre. Tous les autres établissements doivent fermer boutique avant 19 heures. La vente de tabac est suspendue, en guise de punition infligée à la population.
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Toute trace de personnalité doit être éliminée pour empêcher le bourreau de se reconnaître dans ses victimes. C'est la distance nécessaire. Sans quoi le geste suivant serait impossible et reviendrait à s'attaquer à son propre reflet.
Cette transfiguration achevée, les prisonniers peuvent être rassemblés, triés et tués. Sans la moindre compassion, selon des procédés organisés et méthodiques [...]
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Etre juive implique notamment de considérer que je serais probablement morte en 1943. C'est la prise de conscience qu'une partie de moi est indésirable pour beaucoup de gens, à ce point indésirable qu'ils sont prêts à tuer pour m'éliminer.
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G comme Gestapo, comme génocide, comme Gerson. Toutes les personnes qui seront assassinées doivent d'abord être privées de leur part d'humanité. Les différences de goût et de style doivent être gommées [...]
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