« Comment les Allemands ont-ils pu laisser les nazis assassiner des gens presque sous leurs yeux pour ensuite affirmer qu'ils n'en savaient rien ? Ils auraient pu s'enfuir. Ils auraient pu riposter. Ils voyaient de leurs propres yeux ce qui se passait, ils n'étaient pas stupides. Ils pouvaient penser par eux-mêmes. Personne ne pourrait obéir à un ordre de ce genre sans se poser de question(s). »
Ce sont les questions, sans réponses convaincantes, auxquelles un professeur d'histoire est confronté lors d'un cours donné à ses terminales dans le cadre du programme scolaire du Lycée Gordon, d'une paisible bourgade des États-Unis de la fin des années 60.
Ce jour-là, Ben Ross, le professeur en question étaye son cours sur le nazisme par des diapositives montrant quelques-unes des horreurs photographiées dans les camps d'extermination nazis.
Forte émotion et compréhensible incompréhension de ces jeunes face à l'impensable, l'indicible... à ce que faute de mots on a appelé "le mal absolu".
De retour chez lui, cet enseignant passionné, qui a fait un détour par la bibliothèque, cherche dans une pile de bouquins, les réponses qu'il n'a pas pu apporter à ses élèves.
Son impuissance à pédagogiser son cours, à maîtriser son sujet, le taraude.
Alors il réfléchit.
Et eurêka, il finit par trouver la solution.
Rien de mieux que de faire comprendre par l'exemple, par l'expérience ;
une expérience sur ses élèves, sur sa classe.
Il va créer, par étapes, un mouvement qu'il va appeler "
la Vague", dont les mots d'ordre vont être "la force par la discipline", "la force par la communauté", "la force par l'action".
Les jeunes têtes blondes vont d'emblée s'enthousiasmer pour cet idéal collectif, où le groupe va primer sur l'individu.
En toute bonne foi, ils vont "s'aryaniser", se fasciser.
Seuls trois ou quatre élèves de cette classe de terminale vont trouver la lucidité et le courage de s'opposer à cette "vague" qui, en 1969 faillit engloutir le lycée de Palo Alto en Californie.
C'est donc une histoire vraie que nous conte de manière romancée
Todd Strasser.
Le fascisme est une tumeur maligne qui a gangrené une partie de l'humanité il y a quelques décennies... les radiations ( réponse inappropriée et réprouvable ) d'Hiroshima et de Nagasaki n'ont fait que réduire au silence ce glioblastome, dont quelques cellules résiduelles ne demandent qu'à se réagréger.
Je ne vous en dis pas plus sur le pitch de ce roman qui pourrait paraître limite bêta, caricatural, grossier... s'il ne nous parlait pas d'un fait réel, d'une expérience vécue.
Et c'est là tout son intérêt, toute sa force.
J'ai voulu le relire ( on en a fait un film que je recommande à tous ) parce que l'actualité l'impose.
Et pas seulement en France, ce pays phare censé éclairer le monde... tu parles !
Deux extraits pour terminer cette présentation.
Le premier concerne la réponse du professeur qui a failli se laisser lui aussi se laisser "dépasser" par sa propre expérience ( c'est dire la force du fascisme sur nous pauvres diables... ou c'est dire notre faiblesse )
Le second est tiré d'un article évoquant les craintes d'une rescapée d'Auschwitz.
Le premier :
« Vous avez échangé votre liberté contre une pseudo-égalité. Mais cette égalité, vous l'avez transformée en supériorité sur les non-membres. Vous avez accepté la volonté du groupe face à vos propres convictions, sans vous soucier de ceux qui en souffraient. Oh, certains d'entre vous pensaient se contenter de suivre les autres, se disant qu'ils pouvaient rebrousser le chemin s'ils le voulaient. Mais l'avez-vous fait ? L'un d'entre vous a-t-il seulement essayé ? »
Le second :
" À 91 ans,
Magda Hollander-Lafon, rescapée du camp d'Auschwitz, s'inquiète de la recrudescence de l'antisémitisme et de la montée de l'extrême-droite en Europe. "La bête immonde n'est pas morte", dit-elle. "Je sens le danger. Il y a d'abord la banalisation des propos humiliants", poursuit-elle. Magda raconte ainsi cette blague : "Quel est l'hôtel qui a le plus d'étoiles ? Auschwitz". Glaçant, qui plus est dans sa bouche."
Il y a aussi l'extrême-droite qui prospère. La Hongrie, l'Autriche, la Pologne, l'Italie, la France "Je constate une similitude aujourd'hui avec ce que j'ai vécu. Je le sens dans ma peau. J'ai froid dans le dos", dit-elle.
À lire ou à relire d'urgence !!!