Contrairement à
Stephen King, ici ce n'est pas un clown qui flotte mais bien un dragon, comme son titre l'indique.
Ensuite, il est indéniable qu'il y a un grand nombre de similitudes avec l'oeuvre de King. Et pourtant,
Peter Straub a créé son dragon avant l'invention de ce bon vieux Pennywise.
Pour les points communs, nous avons la petite ville américaine avec son lot d'habitants touchants pour certains, et franchement pervers et immoraux pour d'autres. Nous avons le fameux dragon, à l'image du clown, qui revient tous les X années. Nous avons les apparitions, ou hallucinations, ou même mirages qui s'adaptent aux personnages, à leurs craintes, à leur vécu. Et nous avons des héros particuliers qui doivent affrontrer la "chose", mais ne peuvent y parvenir que s'ils sont ensemble, et bien soudés.
Jusqu'ici, l'histoire est franchement bonne. La plume de Straub est efficace, il a le chic pour inventer toute une gallerie d'autochtones charismatiques. C'est un jeu d'enfant pour lui, il lie toutes ces personnes, les relie, par le passé, dans le présent. Il met sur pied toute une saga entre quelques familles, depuis l'installation des premiers colons ayant bâti la ville dans laquelle va se dérouler toute la tragédie.
Mais là où est normalement la force de cet auteur, va aussi en jaillir, dans ce roman, sa faiblesse et ses limites. Comme dans
Ghost Story,
Les enfants perdus, et dans une moindre mesure
Koko, il joue énormément sur les effets de narration, de nombreux flashbacks, nous emmenant parfois à plus d'un siècle en arrière, et d'autres fois à seulement quelques heures dans le passé. Il passe d'une narration neutre, à une narration à la première personne qui aurait terminé l'aventure et nous raconterait alors l'ensemble des événements de son propre point de vue.
Dans
le Dragon flottant, il use mais abuse, à mon sens, de ces procédés. En plus, ce qui ne facilite absolument pas la lecture et l'immersion dans le récit, il y a une quantité affolante de noms de personnes qui sont cités sans arrêt. Autant, bien évidemment, on retient facilement les quelques principaux, autant quand au bout de 200 pages Straub nous mentionne quelques individus dont il n'a plus parlé depuis la 10ème page, c'est un peu frustrant. Et ajoutons à cela, les noms des rues, des quartiers, des localités en banlieue. Peut-être aurait-il dû de temps à autre repréciser de qui il s'agit pour les acteurs, et ce qu'il s'est passé dans tel lieu géographique, ou qui y vit. Faire un rapide rappel n'est pas toujours synonyme d'irrespect quant à l'intelligence du lecteur.
Bref, c'est ici l'exemple typique d'une excellente histoire, servie par un brillant écrivain, mais pas de la meilleure manière possible. C'est dommage, car je m'étais quand même bien attaché à ce quatuor héroïque.