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Critique de Musa_aka_Cthulie


Après Mademoiselle Julie et Créanciers, j'ai décidé de sauter une bonne dizaine d'années avec Danse de mort, une pièce écrite à la toute fin du dix-neuvième siècle, en 1900. Et Danse de mort va probablement vous rappeler quelque chose...

Un couple, Edgar et Alice, vit marié depuis 25 ans dans la forteresse d'une petite île. Lui est capitaine de la forteresse, sans qu'on sache très bien à quoi il s'occupe la plupart du temps - ses rodomontades permanentes nous empêchent de cerner clairement ses fonctions. Alice fut comédienne, et il semblerait qu'avoir abandonné son métier pour son mari constitue un motif sérieux d'amertume pour elle - mais nous apprendrons que ce n'est pas si évident que ça. Ces deux-là semblent se haïr, se jettent à la tête sans cesse des mots doux, se rendent la vie infernale. L'arrivée de Kurt, le cousin d'Alice, va jeter de l'huile sur le feu et servir à la fois de de révélateur et d'élément cathartique : eh oui, on n'est pas loin d'Edward Albeee quelques bonnes dizaines d'années avant Qui a peur de Virginia Woolf ? (et en effectuant quelques recherches, il m'a été confirmé que Strindberg avait bien été une influence pour Albee. Il faut dire que le contraire eût été étonnant !)

Danse de mort doit sa réussite, son efficacité à deux points essentiels - hormis le sujet et les personnages, bien sûr. D'une part, Strindberg a placé sa pièce sous le triple signe de l'isolement. Je le disais, Edgar et Alice vivent sur une petite île, donc vivant dans une petite communauté. Mais de cette communauté, et de leurs familles respectives, ils se sont exclus, notamment par la faute d'Edgar. Mais pas seulement, car ils affichent tous deux constamment, dans leurs dialogues, leur mépris pour à peu près toutes les personnes dont ils parlent. Et puis, évidemment, ils se sont isolés l'un de l'autre, ils se sont retirés en eux-mêmes, ne cherchant pas ou plus à se connaître, encore moins à échanger - du moins, à échanger sans s'engueuler et s'en mettre plein la tronche. Ajoutez à cela la forteresse (architecturale) dans laquelle ils vivent, et qui n'est finalement qu'une représentation de leur forteresse mentale : Strindberg n'a pas lésiné sur les symboles, sans d'ailleurs que ce soit lourd.

D'autre part, même si je m'y connais peu de ce côté-là, il me semble que Strindberg a travaillé avec l'idée d'un rythme musical propre à la pièce. Bien entendu, le titre, le piano d'Alice et les chansons qui reviennent parfois se prêtent à cette interprétation. Mais on sent surtout - et il faudrait sans doute passer plus de temps à étudier cet aspect des choses pour en donner une véritable analyse - que la pièce suit différents tempos, selon l'enchaînement des scènes. Vers la fin notamment, le rythme s'emballe carrément, pour retomber soudain dans la dernière scène, avec des personnages épuisés. Et je vous laisserai découvrir pourquoi Strindberg a jugé bon d'intituler son drame Danse de mort.

Donc, une bonne surprise pour moi qui n'avait pas beaucoup goûté l'art de Strindberg jusqu'ici. J'ai découvert un auteur plus fin que je ne m'y attendais, qui manie de façon très habile le drame et l'humour - car sous le drame de la vie devenue un enfer, l'humour couve toujours dans Danse de mort.




Challenge Théâtre 2018-2019
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