Comment dire, quand dire, que dire à un être aimé qui irrésistiblement s'en va et que l'on voit glisser doucement vers une mort déjà lisible dans son visage, dans ses gestes, dans ses yeux?
Ce court récit ou cette longue nouvelle, ce "racconto lungo" comme disent les Italiens, s'il m'a fort touchée, ne donne aucune réponse.
Un père atteint d'une tumeur inopérable à l'oesophage emmène son fils dans
l'île istrienne de ses origines, au large de Trieste, pour passer avec lui quelques jours qui seront sans doute les derniers.
Pas de pathos, malgré la situation tragique: une torpeur insidieuse se glisse dans ces heures précieuses qui les étire infiniment, comme pour en jouir encore.
Chaque détail de vie prend le relief d'un événement majeur: le fils a pris un bain de vagues sur une côte dangereuse infestée de requins, le père a pris un bar énorme, leur hôtesse, une vieille paysanne liée à la famille, leur a préparé un succulent repas.. autant de petits faits qui se dressent comme des remparts contre la présence menaçante de la mort et semblent la tenir en respect.
Mais, lentement, à mesure que s'étrangle, au propre et au figuré, la voix du père, pointe chez son fils, comme une vrille, un terrible sentiment d'urgence: il faut parler, aborder l'angoisse ultime. A moins que le désir secret du mourant soit que son fils continue à participer à la comédie?
Magnifique récit, qui évite tous les pièges et toutes les réponses faciles, écrit dans une langue classique, pleine de retenue et de sobriété.
Giani Stuparich au sommet de son art!
Tous ceux qui ont accompagné un très proche dans ce dernier bout de route, où la parole est tellement chargée de sens et d'émotions qu'elle en devient impossible, ont senti l'étranglement du fils devant celui du père.
Ou celui de la fille...