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sur 1003 notes
1947. Stingo arrive à New-York avec des rêves d'écrivains plein la tête. La vie à Brooklyn n'est pas simple quand on a quelques dollars en poche et que l'on vient du sud profond.
Stingo fraîchement installé au  » palais rose », une sorte de pension de famille va faire la rencontre de Nathan, juif new-yorkais et de Sophie une belle polonaise rescapée d'auschwist.
Entre eux trois une amitié plutôt destructrice va naître. Nathan est atteint de schizophrénie paranoïaque, tantôt aimable et adorable tantôt violent verbalement avec stingo et physiquement avec Sophie.
Au fil des pages Sophie raconte son triste destin face à un stingo de plus en plus amoureux d'elle.
La vie qu'avait Sophie dans une Pologne prise en étau par les psychopathes staliniens à l'est Et les sociopathes nazis à l'ouest. Sophie est née au mauvais endroit au mauvais moment.
Ce n'était Pas vraiment son choix. Des hommes elle en a connu quelques uns, son père, professeur de fac, un anti-semite reconnu, en avance sur son époque,bien avant les lois anti sémites de Nuremberg. Son mari aussi raciste que son beau-père. Une fois encore Sophie n'a pas le choix, elle subit.
Le choix qu'aura Sophie sera un choix funeste et destructeur qu'elle devra faire à auschwist.
Le roman de William Styron « le choix de Sophie «  est un récit lu il y a plus de trente ans.
Je ne me souviens plus des émotions que j'ai eu à l'époque, mais une chose est sûre ma deuxième lecture a été différente et mes émotions également.
« Le choix de Sophie « est un roman âpre, difficile, voir insoutenable parfois mais quel livre.
Comment définit-on ce genre de récit, oeuvre ou chef-d'oeuvre ?
Mon choix est fait, chef-d'oeuvre.

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Un livre dont le titre a donné naissance à une expression qui traverse le temps est-il forcément un grand livre ? J'aime poser ce genre de grande question qui est pourtant le plus souvent inutile car même si la règle s'imposait, elle comporterait forcément... des exceptions qui la confirmeraient.

Si règle il y a, le roman de Styron ne fait pas exception. C'est un grand roman que ce choix de Sophie... et c'est le choix le plus impossible qui soit que celui qui est proposé à Sophie vers la fin de ce livre, et c'est bien la puissance de cette impossibilité qui a pu donner naissance à l'expression.
On attend tout au long du récit l'arrivée de ce choix, on se dit qu'a de nombreux moments de sa vie Sophie est confrontée à des choix: entre soutenir un père ou le rejeter, entre soutenir la Résistance ou choisir la "lâcheté" pour protéger sa famille, entre rester avec un compagnon violent ou s'enfuir pour se préserver. Ce sont tous des choix difficiles, où la notion même de choix semble injuste parce que les termes ne sont pas égaux, ou parce que le courant de la vie semble diriger dans un chemin sans qu'aucune décision ne soit réellement prononcée. Mais quand arrive LE choix, on ne peut pas le confondre avec les autres: pour le coup jamais termes n'auront été plus égaux que ces deux-là, jamais décision n'aura été aussi nécessaire, vitale. Et c'est pour le coup à cause de cela que le choix devient impossible... tout en étant impossible à refuser.

Je choisis de ne pas révéler sur quoi porte le choix, même si de nombreux résumés ou critiques doivent forcément en parler, parce que j'ai réussi de mon côté à me préserver de le savoir et que la lecture et le moment décisif n'en ont été que plus forts.

Au delà de cette "révélation", la force du récit est dans sa construction diablement intelligente. L'opposition entre un narrateur maîtrisant parfaitement la langue puisqu'écrivain et l'héroïne polonaise forcément maladroite en anglais est brillante, puisque le récit des aventures du narrateur et les témoignages recueillis auprès de Sophie se répondent et se renforcent du fait de leurs différences de style. La brillante intelligence des propos du narrateur luit encore plus en opposition à la force de la simplicité du récit de Sophie... qui n'en devient lui du coup que plus puissant dans sa nudité stylistique. le choix de l'auteur d'un témoignage morcelé, d'abord cousu de mensonges avoués par Sophie par la suite, puis qui se révèle petit à petit, au fur et à mesure des confessions aidées par l'alcool, tout cela est également superbement intelligent, construit à la manière d'un orfèvre.

La force du roman réside également dans les thématiques abordées. Si on devait donner le thème principal du livre, on ne pourrait que dire Auschwitz et la solution finale... et on se dirait que ce thème est donc forcément l'unique. Mais l'auteur parvient également à y aborder remarquablement des thématiques intemporelles et modernes comme les affres de l'écriture, la question de l'esclavage et de la prise en compte de la minorité noire aux Etats-Unis, la question de la violence conjugale, de la dépendance à l'alcool et à la drogue, des troubles psychiatriques... le tout avec des passages sexuels à la fois crus et sensuels ainsi que des propos sur la religion très provocateurs, cela lui ayant d'ailleurs valu d'être interdit régulièrement dans certaines bibliothèques à l'époque.

Il faut avoir une ambition démesurée pour son livre pour imaginer pouvoir aborder tous ces thèmes à la fois. le choix de Sophie est le dernier roman de Styron et on y sent toute la force et la maîtrise de l'écrivain chevronné. Dans une mise en abyme de sa propre personne et de celle du narrateur, Styron évoque dans le livre ses précédents romans comme les possibles futurs romans du jeune narrateur, romancier en herbe... Cela ne peut que donner envie de s'y plonger pour découvrir comment s'est construite une plume aussi habile.
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Un très grand (et gros) roman, dans lequel j'avoue avoir eu quelques difficultés à entrer, mais dépassant les premiers chapitres l'histoire devient très prenante.

Stingo, débarquant à Brooklyn de son Sud natal, est un être en quête d'identité. Engoncé dans sa jeunesse, il se cherche, tant professionnellement que socialement et sexuellement. Et c'est durant cet été 1947 qu'il rencontre Sophie et Nathan.

Le couple Sophie/Nathan est excentrique, débridé, insoumis. Sophie est une jeune femme entièrement soumise à son ami violent. Au fil des pages, Sophie se dévoile, ment, rétablit les vérités, encore et encore, jusqu'à raconter l'indicible. Parallèlement, Nathan devient de plus en plus incontrôlable, tantôt sombre, jaloux et violent, tantôt extrêmement amoureux. Stingo va donc peu à peu découvrir les secrets les plus profonds de ce couple, mais également ceux, intimes et personnels, qui se cachent derrière l'homme et la femme de ce duo à la symbiose un peu désespérée, bancale et irrationnelle.

Sophie/Stingo est le binôme socle du roman, par le biais duquel le récit du passé de Sophie se fait, Stingo ayant le rôle de confident. Elle lui raconte son passé en Pologne.

Stingo et Nathan ont une relation ambiguë, mêlée d'amour et de haine, d'admiration et de rejet. Nathan est un être exquis, dont l'humour et l'intelligence sont hors du commun, mais parfois il adopte une attitude étrange, ce qui ne laisse pas d'inquiéter Stingo. Il s'en prend régulièrement à ses origines Sudistes, le traitant avec mépris et l'accablant pour des faits historiques dont il n'est pas responsable. Sophie n'est souvent que la spectatrice de leurs parfois très longues joutes verbales.

Et enfin Stingo/Sophie/Nathan : relation triangulaire où chacun des protagonistes court lentement à sa perte.

Il est finalement très rare que le repos et la sérénité animent les trois personnages en même temps, puisqu'ils sont tous tenaillés par le doute, le tourment, le remords et la culpabilité, et ce pour des raisons bien différentes. Leurs malaises s'interfèrent en permanence, de façon très juste, dans une atmosphère délétère et souvent malsaine.
Ce « choix », que Sophie s'est résolue à faire un jour, est le fil conducteur du roman. Mais autour de ce drame gravitent d'autres drames, qui donnent de l'ampleur à ce grand roman de la perdition et du malheur. En effet, "Le choix de Sophie" est construit sur la superposition de trois thèmes. le premier est le récit fortement autobiographique de Stingo, de ses tribulations professionnelles, amoureuses, sexuelles. le deuxième est la relation amoureuse passionnelle, merveilleuse, violente et destructrice de Nathan et Sophie dont Stingo est l'observateur. C'est une nouvelle approche bien conduite du thème tant de fois exploré de "l'amour à la mort". le troisième thème est bien sur le passé concentrationnaire de Sophie, de sa lutte pour survivre et toute son horreur, avec le choix entre la vie et la mort d'un de ses deux enfants et le remord destructeur qu'implique un tel acte.

Styron nous livre une synthèse brillante. L'enchainement des trois thèmes fait que ce roman est exceptionnel. Oser mélanger des frustrations sexuelles de jeunesse et Auschwitz ! Et le réussir... le culot de Styron n'a d'égal que son talent pour construire ce roman essentiel et l'écrire d'une plume fluide et agréable. Un livre inoubliable!
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J'ai lu toutes les critiques "babeliotes" concernant ce chef d'oeuvre et je souhaite simplement ajouter mon grain de sel aux excellents avis que j'ai pu glaner, sans pour autant raconter le roman, ce qui a déjà été fait ici.
Oui, le choix de Sophie exige du lecteur son attention totale. Par son écriture si dense, par sa construction si élaborée, par la noirceur de son propos, par l'intensité de certaines scènes quasiment insoutenables...
Oui, le choix de Sophie exige du lecteur que l'on accepte les digressions de Stingo. Mais ces digressions sont partie intégrante de cet ouvrage et il est vrai que les réjouissantes aventures du jeune homme avec les fausses délurées et vierges folles qu'il rencontre (pauvre Stingo! malheureux puceau !) offrent une bouffée d'air frais à l'atmosphère insupportable de noirceur dans laquelle se débattent les trois protagonistes du "Palais rose" de Yetta.
Car oui, les diverses confrontations entre les trois personnages : Nathan/Sophie, Nathan/Stingo et Sophie/Stingo emmènent le lecteur dans un univers étouffant et de plus en plus noir au fur et à mesure de la conscience prise, en avançant dans le roman, de l'horreur du vécu de Sophie, de l'état mental de Nathan, cet homme si brillant, si intelligent, si chaleureux, mais aussi cet humain totalement désaxé et profondément malade, qui, in fine, ne peut qu'anéantir Sophie, ce dont elle est parfaitement consciente, qu'elle accepte et qu'elle désire même, peut-être !

Le choix de Sophie est un ouvrage absolument magistral qui, à travers le personnage de Sophie, nous plonge dans tout ce que l'esprit humain peut véhiculer d'espoir, de foi, de naïve croyance (due à la jeunesse de Sophie, lorsqu'elle conte ses souvenirs d'adolescente), puis de désespérance lors de sa descente en enfer, lorsqu'elle arrive dans l'abomination sur terre, Auschwitz, dirigée par cet homme, Rudolf Höss, enfin de dégoût de soi et d'un sentiment morbide d'insurmontable culpabilité pour avoir dû faire le choix horrible auquel on l'a forcée, lors de son arrivée au camp. Ce choix que l'on n'apprend qu'à la fin, tant Sophie rechigne à faire remonter au grand jour cet épouvantable épisode de sa vie !

Mais, penchons-nous un peu sur les rapports que Sophie est très brièvement amenée à entretenir avec Rudolf Höss.
Le commandant du camp s'avère être le parfait représentant de ces nazis, absolument obéissants aux ordres, totalement dénués du moindre esprit de contestation, un homme, même pas monstrueux, au sens où on peut l'entendre d'un esprit malade. Non, Rudolf Höss n'est pas malade, il est simplement complètement et indéfectiblement dévoué à une idéologie dévoyée. Il ne se pose pas de questions. Il accomplit son travail. Il obéit. Est-il taré ou simplement obéissant aux ordres d'une hiérarchie dépravée ? (A lire à ce sujet, ses mémoires ou les souvenirs romancés écrits par Robert Merle, dans "la mort est mon métier".) Ce qui rend cet homme, au demeurant correct et courtois, absolument épouvantable, c'est qu'il agit tout simplement comme un ordinateur qui applique un programme.
Et que peut bien faire Sophie, face à Rudolf Höss ? elle veut, elle essaie de sauver son fils. Son fils, ce garçon blond, aussi aryen que n'importe quel nazi de bonne souche pourrait le souhaiter, elle souhaite, pour le sauver, le faire intégrer au programme du "Lebensborn" (programme inventé par les nazis pour intégrer à la "race des élus" des enfants blonds aux yeux bleus, dignes de représenter la race des seigneurs, c'est à dire eux-mêmes et de répandre à travers le monde les vertus de la race aryenne !).
Alors Sophie tente de sauver son enfant et pour ce faire n'hésite pas à tenter de séduire Rudolf Höss.

Enfin, évoquons brièvement le rapport que Sophie entretient avec la musique qui la préserve de la folie durant la guerre à Varsovie et pendant son incarcération. Cette musique, qui occupe une si grande place lors de sa confrontation avec Rudolf Höss, lorsqu'elle perçoit brièvement quelques notes de la Création de Haydn. Ces notes, pour elles sublimes, lui donnent le courage d'entreprendre sa démarche désespérée auprès du Commandant.
La musique, oui, la musique, seule alternative à la folie. La musique ? elle est née dedans. Elle joue d'un instrument.
Et c'est encore la musique qui la soutient ensuite, après Auschwitz, dans le long parcours de sa réadaptation à la vie. Et ce que Nathan lui offre, entre autres choses importantes, c'est l'accès à la musique, Bach, Mozart et Vivaldi, qu'elle écoute avidement, du matin au soir dans la chambre du Palais Rose....

Bon, je vais m'arrêter là ! Je n'avais pas l'intention d'écrire un aussi long billet et il y a encore tant et tant de choses à dire... une seule encore, une seule, lisez ce livre exceptionnel !

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Vers la page 100, mon choix est de stopper la lecture de ce roman. Je n'accroche pas à l'écriture de William Styron. Je trouve sa prose lourde, pesante. Pourtant les critiques sont positives. le résumé de cette histoire me donne envie de connaître la suite et ce "fameux" choix de Sophie. Mais je n'y arrive pas et ne prend aucun plaisir à ce style d'écriture. J'avoue ne pas comprendre l'engouement général et les prix qu'a remportés cet ouvrage.
C'est un acte manqué en ce qui me concerne. Je regarderai le film lorsque l'occasion se présentera...
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J'ai commencé ce pavé à partir d'un malentendu. J'avais lu quelque part qu'il y était question, comme l'indique le titre, du choix horrible imposé à Sophie à son arrivée à Auschwitz : l'officier allemand responsable du triage des prisonniers l'oblige à désigner celui de ses deux enfants qui va survivre, l'autre étant envoyé à la chambre à gaz.
Vu le thème annoncé et la taille du roman, j'ai longtemps hésité à m'y lancer, me demandant comment l'auteur pourrait bien « meubler » 900 pages avec ce sujet.
En réalité, la relation de ce choix intervient assez tard dans le roman, et occupe (en tout cas explicitement) relativement peu de place. Mais il éclaire (enfin, le terme est mal choisi pour des choses aussi sinistres) a posteriori le comportement et la culpabilité sans nom qui ronge Sophie.
Et donc, pour prendre les choses au commencement, se présente à nous Stingo, jeune narrateur fraîchement débarqué de sa Virginie natale à New York. Nous sommes en 1947, Stingo vient de terminer des études littéraires et se rêve en grand écrivain, marchant dans les traces de Faulkner et consorts. Après avoir quitté un premier job alimentaire dans une maison d'édition minable, il s'installe à Brooklyn, dans une pension et un quartier presqu'exclusivement juifs. Il y fera la connaissance du couple formé par Sophie, Polonaise catholique rescapée d'Auschwitz, et Nathan, issu d'une famille juive américaine aisée.
Le roman raconte l'amitié naissante entre Stingo et le couple, et au gré des confidences de Sophie à Stingo, les horreurs que celle-ci a vécues en Europe, son arrivée aux Etats-Unis à l'état d'épave humaine, sa rencontre avec Nathan, et la relation destructrice qu'elle entretient avec celui-ci. Car si Sophie est d'un tempérament doux et désespéré mais stable, Nathan, lui, peut tour à tour se montrer parfait gentleman mais aussi parfait salaud, violent, odieux, paranoïaque, allant jusqu'à reprocher à Sophie d'avoir survécu (Nathan ou le monde à l'envers : quand un Juif devient celui qui persécute).

La description du système des camps de concentration et l'Holocauste offrent l'occasion de nombreuses réflexions philosophiques, sociologiques, psychologiques, sur le Bien et le Mal (ce Mal absolu que seuls les humains peuvent générer), sur la culpabilité et l'innocence, sur le « qu'aurais-je fait à sa place ? », sur le « pourquoi moi ? », et sur l'absurdité des choses qui fait se demander à Stingo si, et pourquoi, au moment même où Sophie arrivait à Auschwitz, lui n'était pas tranquillement assis sur un banc à lire de la poésie.

Qu'on se rassure, le roman n'est pas toujours plombé par ces événements tragiques. Comme pour nous permettre de respirer dans cette atmosphère oppressante, l'auteur nous fait suivre aussi les mésaventures et fantasmes amoureux (attention crudités ) du puceau Stingo (qui fait preuve de beaucoup d'auto-dérision), complètement bleu de l'inaccessible Sophie, et qui ne fera que des rencontres au final décevantes (mais hilarantes pour le lecteur. Je soupçonne l'auteur d'avoir pris un malin plaisir à ne mettre sur la route de notre frustré de service que des filles « compliquées »). A tel point qu'à plusieurs reprises Stingo sera tenté de rentrer auprès de son père dans son Sud tranquille et monotone.
Les allusions à ce fameux Sud permettent aussi d'évoquer l'esclavage, réminiscence de la guerre de Sécession, et les oppositions Nord/Sud, Noirs/Blancs. le roman a été écrit en 1979, à une époque où ces sujets étaient peut-être encore plus sensibles qu'aujourd'hui ? En tout cas le thème est cher à Styron puisque l'auteur/narrateur fait presqu'explicitement référence à un autre de ses livres, « les confessions de Nat Turner ».

Le Choix de Sophie est une oeuvre monumentale, de longue haleine, qui ne se lit ni facilement ni rapidement. Mieux vaut être au calme avec du temps devant soi pour digérer tout ce mal et cette violence.
Mais j'ai trouvé cela remarquablement bien écrit (amateurs de phrases courtes s'abstenir), ce qui n'est pas si courant, intéressant pour qui s'intéresse à l'Histoire. Mention spéciale aux analyses psychologiques très fines des personnages et de leurs interactions (Sophie et Nathan, Sophie et Höss), qui les rendent inoubliables.
Pour moi, ce fut un grand moment de littérature. J'ignore ce que vaut le film qui en a été tiré.
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C'est bien d'un choix dont il s'agit dans ce livre. L'indicible choix qu'on imposa à Sophie, polonaise, mère de deux enfants, non juive, et pourtant internée à Auschwitz. Bien pire qu'une balle ou…autre chose, cet acte l'a détruite petit à petit, insidieusement, inexorablement, et bien au-delà de la fin du conflit.
Au sortir de la guerre, en 1947, Sophie vit en Amérique dans un quartier de Brooklyn. Son déplorable état de santé, dû à son internement au camp, est à l'origine de sa rencontre avec Nathan, biologiste ayant un frère médecin. Commence alors entre eux une belle histoire. Cela fait un an qu'ils sont ensemble lorsque Stingo, jeune gars du Sud et narrateur, fait leur connaissance en venant s'installer dans la pension où ils résident. Stingo, comme la plupart des hommes, tombe immédiatement amoureux de Sophie, mais il se rend à l'évidence, ces deux- là sont liés par quelque chose de si intense qu'il ne fait pas le poids. Ils forment bientôt un trio inséparable, car Stingo éprouve rapidement pour Nathan une amitié très forte. Pourtant, il va être le témoin de plusieurs disputes aussi soudaines que violentes. Nathan, qui est juif, révèle lors de ses crises de folie furieuse son sentiment de persécution, sa peur et son dégoût de l'antisémitisme, et s'en prend à Sophie qu'il accuse d'avoir usé de moyens pervers pour se sortir d'Auschwitz. Malgré sa terreur, celle-ci ne peut se résoudre à le quitter.
Rongée de remords et de culpabilité depuis son séjour à Auschwitz, Sophie accepte la folie de Nathan comme pour expier ses fautes et ce qu'elle désigne comme sa lâcheté. La spirale destructrice est en marche, rien ne l'arrêtera, pas même le pauvre Stingo, si désespérément dévoué à son couple d'amis.
Une bien triste histoire, mais magistralement écrite, qui souligne ce que cette guerre infiltra de poison dans le coeur des gens qui y furent mêlés, dans un camp comme dans l'autre, et qui continuèrent d'en souffrir bien après l'arrêt des combats.
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Quelle densité dans la forme autant que dans le fond!!! Ce livre est d'une richesse inouïe.

J'ai découvert William Styron avec "Les Confessions de Nat Turner" et je savais que j'y reviendrai...
Pour son style d'abord si dense et foisonneux. L'écriture, jamais pompeuse ni prétentieuse dénote pourtant une érudition de la part de l'auteur devant laquelle parfois, on se sent tout petit.
C'est une lecture qui demande des efforts à plusieurs niveaux. Un bon dictionnaire et l'ami google m'ont été de précieux alliés. le vocabulaire est riche. de nombreuses références littéraires, historiques, musicales.... Bref, une plongée très complète dans une époque, une histoire....

De nombreux thèmes sont ici abordés.
L'écrivain en mal d'inspiration au début du roman, l'éveil de l'impulsion créatrice. Les doutes, l'angoisse de la page "jaune" (oui, William Styron écrivait sur du papier jaune!). L'exaltation des mots trouvés, enfin. de l'histoire qui se dessine. Les allusions au processus d'écriture qui lui auront permis de signer "Un lit de Ténèbres" ou encore "Les Confessions de Nat Turner". Car, oui, on navigue sans cesse,entre roman et autobiographie. Pour, à travers l'histoire de Sophie et Nathan, découvrir l'homme que fut William Styron.

Mais surtout, justement, il y a Sophie, et Nathan. Et le narrateur qui, en contant leur histoire se pose en témoin d'une époque et d'un drame. L'autodestruction, la culpabilité, la toxicomanie, la folie, l'horreur d'Auschwitz, la perversion, le désespoir, la survivance. Et l'amitié comme l'amour, poussés à leur paroxysme. L'indulgence malsaine que l'on accorde à l'autre face à ses mauvais traitements parce que l'on se sent si coupable.... Si indigne de recevoir de l'amour. le pardon si facilement accordé.
Et ici, il s'agit autant de la culpabilité de Sophie et de ce qu'elle a du faire pour survivre que de celle de William Styron qui, originaire du Sud des États-Unis, traîne l'esclavage des Noirs comme un atavisme honteux duquel il essaie désespérément de se libérer.
Mais rien à faire, lui, autant que Sophie qui se sent responsable de l'antisémitisme paternel, se sent coupable des méfaits de ses ancêtres. Tous deux s'en défendent, essaient de rationaliser mais la culpabilité sans cesse les rattrape et les ronge.
Le parallèle entre l'esclavage des Noirs et celui des déportés de la guerre est omniprésent et introduit une notion d'universalité et d'éternel recommencement qui nous glace le sang.

Le personnage de Nathan introduit l'idée d'irresponsabilité. La notion du "bourreau" malade et donc excusable. Mais, et c'est bien là que tout se joue, Sophie aime Nathan et il l'aime aussi. Il devient le contrepied des tortionnaires de Sophie. Car ceux-là, elle ne les a pas aimés même si elle les a
courtisés. Ceux-là, contrairement à Nathan, n'étaient pas "aimables".

Beaucoup d'interrogations. Qui restent sans réponses. Comment, pourquoi l'homme est un jour capable du meilleur et soudain, devient expert pour faire subir aux siens le "mal absolu".
William Styron, sans doute pour se rassurer lui-même nous dépeint toujours des dirigeants Allemands "anesthésiés", comme sous l'emprise d'une force plus puissante qu'eux qui les pousse à agir comme des automates, comme des pantins. Leur antisémitisme est bien réel mais ce qui les poussera à commettre l'odieux les dépassent. Toutefois, à aucun moment William Styron ne les excuse. Et comment le pourrait-on ?

Une des forces du livre, ce qui nous fait basculer petit à petit dans l'horreur sans arriver à s'en éloigner, mais, honteusement en l'attendant presque, c'est la façon dont l'auteur joue avec le temps.
Nous naviguons dans L Histoire au gré du récit de Sophie. Et les nombreuses digressions qui, parfois cassent un peu le rythme du récit, les retours en arrière agaçants, prennent tout leur sens lorsqu'on comprend où il a voulu nous mener.
Nous mener par le bout du nez, car c'est bien ce qu'il fait tout au long de ces 900 pages.

Au final, et malgré ce long billet, j'ai l'impression de ne pas avoir dit la moitié de ce qu'il y a à dire concernant ce "Choix de Sophie".
J'ai pris le parti très rapidement en début de lecture et au vu de la complexité du livre de ne pas m'encombrer l'esprit en prenant des notes ou en notant des citations. Je voulais juste lire sans m'imposer plus de ruptures de rythme que celles voulues par l'auteur.
Mais peut-être tout serait-il résumé par ce passage : " "Un jour je finirai par comprendre Auschwitz".
Propos optimiste mais d'une absurdité débile. Personne ne comprendra jamais Auschwitz."

Surtout si l'on admet que comprendre, c'est accepter. Mais Sophie, par son parcours, le récit de ses doutes, de ses regrets et de sa culpabilité a un peu éclairé L Histoire. Sans légitimer quoi que ce soit, elle nous oblige et William Styron à travers elle, à se demander inlassablement : " et moi, qu'aurais-je fait ?". le courage et la lâcheté intimement liés. L'atavisme comme croix à porter.
L'amitié ou l'amour pour nous en délivrer. Oui, mais voilà...
Ca ne suffit pas toujours....

Une oeuvre forte, qui nous habite longtemps encore après avoir fermé le livre....





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Ce pavé publié en français en 1981 était dans ma PAL depuis des lustres, il était dans la bibliothèque de mes parents, c'est dire. Je ne regrette pas de l'avoir finalement lu, même si ce fut une lecture par moments… difficile. le style de Styron ! si dense, détaillé, lent, avec son vocabulaire érudit et de si longues phrases et des anecdotes dans l'anecdote... 'il faut que vous sachiez, pour bien comprendre la suite'... des scènes qui mettent chacune un long chapitre à se mettre en place. On se croirait presque… chez Dostoïevski!
Notre narrateur Stingo, la jeune vingtaine, quitte en 1947 sa Virginie natale, espérant réaliser à New York son rêve de devenir un romancier à succès. Il se retrouve très seul à Brooklyn dans une maison de chambres, avant d'y rencontrer Sophie et Nathan, un magnifique et excentrique jeune couple, lui brillant Juif New-Yorkais biologiste oeuvrant avec succès chez Pfizer, elle une superbe Polonaise (non-Juive) … rescapée d'Auschwitz.
Stingo se prend d'amour pour Sophie et d'une grande amitié pour ce couple, cependant il s'aperçoit vite de la toxicité de leur relation, Nathan étant sujet à des crises de violence et de paranoïa et Sophie endurant tout, dans une dépendance qui frôle le masochisme. Sophie se confie à petites doses à Stingo de son passé concentrationnaire… l'horreur est toute récente et Sophie encore en choc post-traumatique…
Cette histoire n'a rien de gaie … (et son auteur a d'ailleurs sombré dans une profonde dépression dont il témoigne dans Face aux Ténèbres). Amateurs de feel-good, fuyez ! Ce roman est très dur, et même douloureux, il est poignant, bouleversant, … et il vaut vraiment la peine d'être lu.
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Stingo, auteur en mal d'écriture, a vingt-deux ans quand il rencontre Sophie, Polonaise catholique rescapée des camps nazis qui parle peu de son passé. Mais pour Stingo, elle va lever le voile qui recouvre l'horreur. « Il y a beaucoup d'antisémitisme en Pologne, ce qui fait que moi, j'ai affreusement honte et de multiples façons, comme toi, Stingo, quand tu éprouves cette misère en pensant aux gens de couleur du Sud. » (p. 151) Sophie essaie de réapprendre à vivre à New York, mais le passé refuse de larguer les amarres. Alourdie de remords et de cauchemars, la belle jeune femme ne peut oublier ce qu'elle a fait pour survivre. « Quel joli petit chef-d'oeuvre de ruse as-tu bien pu inventer pour parvenir, toi, à sauver ta peau pendant que les autres s'évanouissaient en fumée ? As-tu triché, fermé les yeux, offert ton joli petit cul ? » (p. 382) Victime comme tant de déportés de la culpabilité du survivant, Sophie porte en elle une double honte, celle de n'être pas morte et celle d'avoir dû choisir qui devait vivre. « Laisser quelqu'un mourir sans un au revoir, sans un adieu, sans un seul mot de réconfort ou de sympathie, c'est ce qui est horrible à supporter. » (p. 163) À mesure qu'elle confie son histoire à Stingo, les révélations se font plus terribles et avoir survécu se révèle être un traumatisme pire que toutes les avanies endurées au camp.

Le choix de Sophie parle de racisme, de haine, d'intolérance et de ce que tout cela fait faire aux hommes. Mais il y a parfois un océan entre ce qu'une part d'humanité peut faire et ce qu'une autre part d'humanité peut comprendre. « Ici, en Amérique, les gens, en dépit de toutes les révélations, des photographies, des actualités, paraissaient encore ne pas savoir, sinon de la façon la plus vague, la plus superficielle, Buchenwald, Dachau, Auschwitz – rien d'autre que des d'absurdes slogans. » (p. 263) Portée par un style ample, cette histoire est bouleversante et entraîne le lecteur aux confins du désespoir, de là où on ne revient pas.
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